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— D’accord... Allons-y. Monsieur Becker ? Veuillez lire l’inscription, je vous prie. Lentement, et en articulant bien.

David épelait les lettres, Jabba les tapait à la volée. Une fois la lecture achevée, ils vérifièrent la clé, lettre par lettre, et retirèrent tous les espaces. Sur le panneau central du mur écran, tout en haut, le message s’afficha :

QUISCUSTODIETIPSOSCUSTODES

— Ça ne colle pas, murmura Susan. La morphologie n’est pas parfaite.

Jabba hésita, son doigt suspendu au-dessus de la touche ENTER.

— Allez-y, ordonna Fontaine.

Jabba enfonça la touche. Le résultat ne se fit pas attendre...

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119.

— Le processus s’accélère ! cria Soshi du fond de la salle. Le code est faux !

Tout le monde resta pétrifié d’effroi.

Sur le mur vidéo, le message d’erreur s’affichait : CODE ERRONÉ. SAISIE NUMÉRIQUE OBLIGATOIRE.

— Du numérique ! explosa Jabba. C’est un putain de chiffre qu’il faut chercher ! On s’est fait avoir par cette bague de merde !

— Le ver avance deux fois plus vite ! s’affola Soshi. C’est la sanction qui tombe !

Sur l’écran central, juste sous le message d’erreur, le graphique dépeignait une situation terrifiante. Le troisième niveau de sécurité était tombé, et une demi-douzaine de fines lignes noires, représentant les hackers à l’affût, s’enfonçaient implacablement vers le centre. A chaque instant, un nouveau trait apparaissait.

— Ça grouille de partout ! hurla Soshi.

— Des gens tentent de se connecter depuis l’étranger ! cria un autre technicien. Toute la planète est au courant !

Susan détourna les yeux de l’image montrant la chute des murs de protection, et se tourna vers la vignette latérale. La séquence du meurtre d’Ensei Tankado y repassait en boucle –

Tankado portait les mains à sa poitrine, s’écroulait au sol et, le regard paniqué, obligeait de braves touristes à accepter sa bague.

C’est absurde... puisqu’il ne soupçonne rien... Nous passons à côté de quelque chose.

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Sur la RV, le nombre de hackers harcelant la place avait doublé. La progression promettait d’être exponentielle. Les hackers, comme les vautours, formaient une grande famille : sitôt qu’ils repéraient une carcasse à curer, ils se passaient le mot. Leland Fontaine n’y tenait plus.

— Coupez tout, capitula-t-il. Arrêtez-moi ce merdier !

Jabba, la tête haute, ressemblait à un capitaine prêt à sombrer avec son navire.

— Trop tard. La banque est perdue.

120.

Le grand manitou de la Sys-Sec, malgré ses cent quatre-vingts kilos, chancelait sur ses jambes, les mains plaquées sur ses joues en une expression d’horreur et d’incrédulité. Il pouvait ordonner de couper le courant, mais l’extinction surviendrait vingt minutes trop tard. Dans l’intervalle, les requins, armés de modems haut débit, auraient tout le loisir de télécharger une quantité phénoménale de données secrètes. Il fut tiré de son cauchemar par Soshi, qui accourait avec un nouveau document imprimé.

— J’ai trouvé des codes orphelins ! annonça-t-elle tout excitée. Des groupes de lettres. Il y en a un peu partout !

— Nous cherchons un chiffre, nom de Dieu ! Pas des lettres.

L’antidote est un nombre ! Il faut te le dire combien de fois ?

— Mais ces orphelins ! Tankado est bien trop scrupuleux pour en laisser traîner dans un programme... surtout en si grand nombre !

Un « code orphelin » désignait, d’une façon générale, une ligne de programme qui ne servait à rien. Elle n’avait aucune utilité, n’était reliée à aucune fonction, ne donnait ni ne recevait

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la moindre instruction. Le plus souvent, ces lignes étaient supprimées lors du déboguage et de la compilation finale.

Jabba examina le document. Fontaine choisit de ne pas intervenir. Susan s’approcha pour lire le listing par-dessus l’épaule de Jabba.

— Tankado nous aurait envoyé un brouillon, pas même une version finalisée ? demanda-t-elle dubitative.

— Peaufinée ou pas, rétorqua Jabba, cette saloperie est en train de nous bouffer tout crus !

— Je n’y crois pas, insista Susan. Tankado était un perfectionniste. Vous le savez aussi bien que moi. Il n’aurait jamais laissé des bugs dans son programme.

— Surtout qu’il y en a plein ! reprit Soshi.

Elle prit le document des mains de Jabba pour le tendre à Susan :

— Regardez ça !

Susan acquiesça. Toutes les vingt lignes environ, une chaîne de quatre caractères isolée... Susan étudia les premières occurrences :

D C R L

E L O N

I E E E

— Des suites de lettres... et qui ne font absolument pas partie du programme...

— Laissez tomber, grogna Jabba. Vous vous montez la tête pour rien.

— Ce n’est pas si sûr, répondit Susan. Beaucoup de systèmes de chiffrement font appel à des groupes de quatre caractères. Il pourrait s’agir d’un code.

— C’est ça, grogna Jabba. Et une fois décrypté, le message dira : « Ah ! ah ! je vous ai bien eus ! » (Il leva les yeux vers le graphique.) Et tout ça, dans neuf minutes...

Susan se tourna vers Soshi.

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— Combien d’orphelins en tout ?

Soshi s’installa au clavier de Jabba et tapa tous les groupes de caractères. L’opération achevée, elle envoya l’information sur l’écran.

DCRL ELON IEEE SESA FPEM PSHG FRNE ODIA

EETN NEMS RMRT SHAA EIES AIEK NEER BRTI

Susan fut la seule à sourire.

— C’est quasiment un cas d’école ! Des groupes de quatre lettres... On dirait du code Enigma.

Le directeur approuva d’un hochement de tête. Enigma, la machine de cryptage la plus célèbre de l’histoire, employée par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et qui ne pesait que douze kilos... Les transmissions nazies, interceptées par les Alliés, étaient chiffrées par blocs de quatre lettres...

— Génial, gémit-il. Et vous croyez qu’on a une Enigma sous la main ?

— Là n’est pas la question ! répliqua Susan, toute ragaillardie de se retrouver en terrain connu. L’important, c’est qu’il s’agisse d’un code. Tankado nous donne un indice ! Il nous nargue, nous met au défi de trouver la clé à temps. « La serrure est là, les gars, allez-y, ouvrez-la ! » Voilà ce qu’il nous dit !

— C’est absurde, lâcha Jabba. Tankado ne nous a laissé qu’une échappatoire : révéler l’existence de TRANSLTR. Point barre. C’était notre seule chance et on l’a laissée filer.

— Je suis effectivement d’accord avec lui, articula Fontaine.

Pourquoi Tankado aurait-il joué à ce petit jeu ? Il n’avait aucun intérêt à ce qu’on puisse se tirer d’affaire sans son antidote.

Susan n’était guère convaincue par ce raisonnement...

Tankado leur avait déjà fait le coup avec NDAKOTA... Elle observa les lettres sur l’écran. Etait-ce encore l’une des facéties du Japonais ?

— Le tunnel est à moitié bouffé ! annonça un technicien.

Sur le graphique, la myriade de traits noirs pénétrait plus avant, vers le cœur du système. David, qui avait jusque-là observé en silence le drame qui se jouait dans la salle de contrôle, prit la parole :