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Desjani fixa Castries en arquant un sourcil. « Vous lisez de l’heroic fantasy, lieutenant ?

— Pas… beaucoup… ces derniers temps, commandant. Euh… oui, commandant.

— Tout le monde a besoin d’un peu de romance, affirma Geary pendant que le lieutenant Castries donnait l’impression de s’absorber dans l’analyse des relevés de ses senseurs.

— Oh, s’il vous plaît ! » Desjani leva les yeux au ciel. « Ce genre de fadaises où une belle et spirituelle princesse réveille d’un baiser un Black Jack endormi, afin qu’à eux deux ils puissent enfin détrôner le méchant démon interstellaire et vivre ensuite heureux jusqu’à la fin des temps ? »

Geary se rendit compte qu’il avait la mâchoire pendante et il la referma précipitamment. « Vous voulez rire, non ?

— Jamais de la vie. Lieutenant Castries ?

— Celles-là sont souvent assez chouettes, admit le lieutenant à contrecœur. Elles ne vous touchent pas, bien sûr, amiral.

— Vous voulez voir quelques-unes de leurs illustrations ? proposa Desjani.

— Non merci, sans façons. Si je puis revenir à la situation à laquelle nous sommes confrontés, vous m’affirmez donc que ces vaisseaux d’outre-espace sont excessivement ornementés sans que ces enjolivures répondent à un but utilitaire. »

Le lieutenant Iger, qui avait suivi la conversation mais s’était sagement gardé de tout commentaire jusque-là, hocha la tête. « Ça n’a peut-être aucune incidence sur leurs capacités guerrières, amiral, mais ça indique au moins qu’ils peuvent se permettre le luxe d’investir dans une ornementation non fonctionnelle. »

Rione secoua la tête. « J’ai vu de mon temps quantité d’ornementations non fonctionnelles et je peux vous garantir que ceux qui s’en portaient acquéreurs en avaient toujours les moyens. Peut-être avons-nous affaire ici à des considérations de statut social, d’apparence ou autres n’ayant aucun rapport avec les calculs pécuniaires. »

Le lieutenant Castries intervint de nouveau, l’air très excitée. « Commandant, j’ai demandé à nos systèmes d’évaluer les ailerons de ces vaisseaux en ajoutant le facteur de non-fonctionnalité aux variables. Ils ont répondu qu’il y avait de très fortes probabilités pour qu’ils répondent à des critères esthétiques plutôt qu’à des exigences techniques ou militaires.

— Ostentation ? suggéra Suva. Étalage complaisant ? Sommes-nous bien certains qu’il s’agit de vaisseaux de guerre ?

— Nous avons identifiés quelques armes, répondit Iger. Pas encore en très grande quantité, mais ils sont bel et bien armés. »

Charban secoua la tête, la bouche en cul-de-poule. « Dans mes fonctions d’observateur extérieur, j’ai pu voir de nombreux vaisseaux. Mais aucun qui avait cette allure et n’était pas un vaisseau de guerre.

— Communauté de facture héritée de nos ancêtres ? avança Sakaï. C’est bien ce qu’ont répondu nos systèmes, n’est-ce pas ? Ces vaisseaux ont la même origine que celui à bord duquel nous nous trouvons. Nous pouvons raisonnablement déduire leur fonction de leur apparence.

— Ils nous ont enfin vus, annonça le lieutenant Yuon. Ils altèrent leur trajectoire. »

Geary consulta son écran au moment où les vaisseaux inconnus pivotaient vers l’intérieur du système et entreprenaient d’accélérer. « Ils viennent dans notre direction mais pas droit sur nous.

— Observez leur vecteur. Ils veulent d’abord nous interdire de regagner directement le portail de l’hypernet, affirma Desjani. Attendons de voir. Quels qu’ils soient, ils cherchent à nous en bloquer l’accès. Ce n’est pas un geste amical.

— Peut-être qu’ils… » Suva s’interrompit puis secoua la tête. « On dirait qu’ils cherchent à nous empêcher de partir avant même de nous avoir mis en garde, si c’est bien ce qu’ils comptent faire.

— Ils cherchent à nous coincer ? » demanda Costa.

Geary se tourna vers Rione et Charban. « Veuillez dire aux Danseurs que nous préférerions qu’ils ne s’éloignent pas. S’ils posent des questions sur ces vaisseaux, répondez-leur que nous nous efforçons de découvrir qui ils sont et ce qu’ils veulent.

— À vous entendre, ce serait l’enfance de l’art, ironisa Rione. Nous ferons au mieux.

— Commandant ? » L’officier des trans avait interpellé Desjani. « Nous recevons un message des vaisseaux non identifiés. Il est dans l’ancien format standard des communications de la Vieille Terre et il s’adresse à notre… euh… “autorité supérieure et superviseur suprême”.

— Que de redondance, grommela Desjani. Transmettez à l’amiral Geary.

— À toute la passerelle, ordonna Geary. Envoyés Rione et Charban, veuillez ajourner ce message aux Danseurs jusqu’à ce que nous sachions ce que ces vaisseaux veulent nous dire. »

L’image d’un homme d’un certain âge, assis sur une passerelle guère différente de celle de l’Indomptable, lui apparut. Rien d’étonnant jusque-là. La disposition la plus efficace des commandes et autres consoles de surveillance avait été établie des siècles plus tôt. Quiconque voyagerait dans l’espace colonisé par l’homme rencontrerait à peu près la même partout où il irait.

L’homme portait un uniforme à la coupe et l’ornementation si élaborées que Geary se surprit à chercher du regard l’insigne de son grade sans réussir à le repérer parmi les innombrables rangées d’objets scintillants qui ornaient sa tenue. Les complets des CECH syndics étaient certes réputés pour leur facture aussi sophistiquée que coûteuse, mais ce costume aurait fait verdir un CECH de jalousie. Ses cheveux lui tombaient sur les épaules et sa coiffure n’était pas moins ostentatoire que sa vêture, puisqu’ils se dressaient en épi pour retomber ensuite sur son crâne comme le plumet d’un heaume d’autrefois. Sur sa poitrine, à droite comme à gauche, une couche ininterrompue de médailles, rubans et décorations lui faisait comme un pectoral bariolé.

Tout cela était manifestement destiné à impressionner, mais, alors même qu’il enregistrait chaque détail de cette vision haute en couleur, Geary entendit Desjani réprimer – sans grand succès – un gloussement amusé. Partout sur la passerelle de l’Indomptable, on entendait des rires étouffés et des exclamations d’étonnement mal refoulées.

« Je suis Son Excellence le capitaine commodore de première classe Earun Tavistorevas, de la Garde stellaire du Poing du peuple, chef prépondérant du Bouclier de Sol, se présenta d’une voix blasée l’extravagant officier. Je condescends à palabrer avec les modestes représentants du gouvernement barbare de l’insignifiante Alliance. Vous êtes entrés dans ce système stellaire sans autorisation. Vous avez amené avec vous des créatures ultramontaines dont la seule présence est un affront à la Terre immaculée. Pliez-vous à mes instructions. Débranchez tous vos systèmes de combat. Vous serez gracieusement accueillis par des commissaires de la sécurité qui monteront à bord de votre vil appareil, le fouilleront en quête d’impuretés et lui ôteront toute capacité de nuisance. Livrez-nous les moyens de transport ultramontains. Dès que vous aurez obtempéré, je vous autoriserai à partir en réponse à votre supplique de clémence. En vertu de l’autorité qui m’a été conférée pour veiller à la sécurité de tous, Earun Tavistorevas. »

Geary fut le premier à prendre la parole : « Que veut dire “ultramontain”, par l’enfer ?

— Je viens de vérifier, répondit Rione. C’est un ancien terme qui signifie littéralement “par-delà les montagnes”. Ses acceptions plus récentes – et par plus récentes j’entends vieilles déjà de plusieurs siècles – sont “étranger”, “barbare”, “extraterrestre”.