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« J’ai un prisonnier ! » beugla l’un d’eux en collant le canon de son fusil sur le casque du Syndic paralysé.

Geary regardait les décharges d’énergie strier le compartiment, fulgurer au travers des écoutilles et passer dans le compartiment voisin, en se demandant comment quelqu’un pourrait bien rester debout sous ce déluge de feu. Puis il vit la mire du lieutenant clignoter d’une lueur rouge alors qu’elle s’apprêtait à tirer et il se souvint que les inhibiteurs de sa cuirasse interdisaient tout tir sur un de ses collègues.

L’opération ne dura guère plus d’une minute : déjà les fusiliers s’engouffraient en masse dans les autres compartiments et submergeaient les Syndics. « Il y a un engin nucléaire ? Trouvez-le ! ordonna quelqu’un.

— Cessez le feu ! Cessez le feu, tout le monde ! Ils sont tous à terre !

— Il en reste en vie ?

— Un seul. Il la boucle. »

Un dernier tir se fit entendre. « Cessez le feu, j’ai dit ! Bordel !

— J’ai cru voir… ces fantômes, sergent…

— Mettez la sécurité ! Quelqu’un a vu un engin nucléaire ?

— Rien dans le compartiment alpha. Je répète, rien dans le compartiment alpha.

— Rien dans le compartiment bravo. Pas d’engin nucléaire.

— Rien dans le compartiment charlie. Pas d’engin nucléaire.

— Rien dans le compartiment delta. Pas d’engin nucléaire.

— Rien dans le compartiment écho. Pas d’engin nucléaire. »

Geary se détendit, soulagé, et inspira profondément. La commandante syndic avait bluffé.

Cette Syndic gisait quelque part à l’intérieur d’un des cinq compartiments, avec tous ceux qui l’avaient suivie dans l’Invulnérable. Morte. Rione négociait-elle encore avec elle quand la puissance de feu des fusiliers avait mis un terme à son existence en même temps qu’à leurs pourparlers ? Le vaisseau extraterrestre y avait sans doute gagné d’autres balafres et d’autres dommages internes, mais l’Invulnérable restait malgré tout indemne, dans tous les sens du terme qui comptaient.

Votre attaque a encore échoué, songea Geary, s’imaginant en train de s’adresser à ces CECH. Combien de fois devrons-nous vous vaincre avant que vous ne renonciez ?

Restait à se débarrasser des deux engins nucléaires confisqués aux Syndics. Geary choisit de nouveau le caporal Maksomovic dans la liste d’icônes des fusiliers.

Quelqu’un avait évacué une bonne partie de la poussière engendrée par les grenades à rebonds dans le vide. Sans ce ménage, elle aurait indéfiniment dérivé dans les compartiments et coursives privés de supports vitaux, pareille à une tempête de sable au ralenti, et rendu l’Invulnérable encore plus inhospitalier.

Geary ne voyait pas le visage de Maksomovic, qui flottait non loin de l’engin nucléaire syndic, mais il pouvait au moins ressentir son profond mécontentement. Depuis quand le caporal veillait-il sur le dispositif infernal ?

« Caporal. » Le capitaine Smyth venait de se connecter à lui. « La commandante Plant est là. Elle va vous aider à désactiver l’engin nucléaire syndic. Vous pouvez identifier ce matériel, commandante ?

— Oh oui ! répondit-elle gaiement. Je la reconnais. C’est une bombe à fusion syndic Mark 5. Modèle… 3. Exactement la même que celle que nous venons de désamorcer pendant que vous vous chargiez de liquider les derniers Syndics. Une superbe pièce d’armement. Les Syndics font parfois du très bon boulot.

— Pouvons-nous la neutraliser, commandante ? demanda l’amiral Lagemann en se joignant à la conversation.

— Oui, bien sûr. Pratiquement, à tout le moins.

— Pratiquement ? » s’enquit le caporal Maksomovic, l’air indécis. Il devait être conscient, avec une grande acuité, qu’il flottait non seulement à proximité d’un engin nucléaire mais encore qu’une pléiade d’officiers supérieurs étaient venus l’observer et l’écouter.

« Absolument, déclara la commandante Plant. Voyez-vous un panneau d’accès avec huit écrous sur le dessus ? Là ? Celui-ci ?

— Celui-là ? » La main du caporal se tendait déjà vers le panneau indiqué.

« Oui. N’y touchez pas. »

Geary vit la même main reculer précipitamment, comme si le capuchon d’un cobra venait à l’instant d’émerger du boîtier de la bombe.

« Cherchez un accès ovale avec cinq fixations. Environ à la moitié du boîtier. C’est ça !

— Je suis censé y toucher, à celui-là ?

— Oui. Ôtez les fixations. Ne vous inquiétez pas. Les Syndics ne les piègent que très rarement. »

La main cuirassée du caporal, qui semblait sucrer légèrement les fraises, fit basculer les fixations.

« Maintenant, soulevez le panneau, poursuivit la commandante. Pas par le haut ! Le bas d’abord ! »

Le caporal retira de nouveau prestement sa main. Il marmonna quelques mots inaudibles en même temps qu’il la tendait vers le bas du panneau puis le relevait, dévoilant un faisceau enchevêtré de fils électriques qui dépassaient du haut du panneau pour redescendre vers deux plots différents cachés sous son rebord inférieur.

« Bien, reprit la commandante Plant. Passez la main à l’intérieur, empoignez autant de fils que vous pourrez et arrachez-les. »

La main du caporal se figea à mi-geste. « Je vous demande pardon, mon commandant ?

— Passez la main à l’intérieur, empoignez tous les fils que vous pourrez et tirez. D’un seul coup.

— Euh… mon commandant, je m’attendais à des instructions un peu plus délicates. Vous savez, comme “trouvez un fil de telle désignation ou de telle couleur et sectionnez-le précautionneusement sans rien abîmer d’autre”.

— Oh, non, non, non, ce serait bien trop risqué, persista Plant. Les arracher tous à la fois est beaucoup plus sûr. Ça n’explosera pas si vous procédez ainsi. Enfin… ça pourrait exploser. Mais pas des masses.

— Mon commandant, avec tout le respect que je vous dois, cette conversation n’est pas faite pour me rassurer.

— Faites-moi confiance ! Je ne vous demande que de faire exactement ce que je ferais à votre place. La première bombe que nous avons désarmée n’a pas explosé, n’est-ce pas ? »

En dépit de cette assertion, le caporal Maksomovic ne semblait guère empressé de se conformer aux instructions.

« Faites ce qu’on vous demande, caporal Maksomovic, l’exhorta le major Dietz.

— À vos ordres, major », répondit le caporal avec tout le fatalisme d’un homme à qui l’on vient d’ordonner, à la pointe du fusil, de se jeter du haut d’une falaise.

Geary vit son poing cuirassé s’enfoncer dans l’orifice et agripper une épaisse nappe de fils.

« Je tire juste dessus ?

— Oui, répondit Plant. D’un seul coup. Donnez une bonne secousse et arrachez-en le plus possible. »

À la périphérie de la vision du caporal, Geary constata que ses camarades s’éloignaient prudemment de lui, comme si un mètre de distance supplémentaire allait les mettre à l’abri de l’explosion d’une bombe à fusion.

« Il ne se passera rien », se persuada le caporal Maksomovic en bandant ses muscles pour se préparer à tirer. La force démultipliée que lui procurait sa cuirasse de combat lui permit d’imprimer au faisceau une saccade vigoureuse. Une sorte de nœud de vipères de fils électriques arrachés à leur connexion lui resta dans la main.

Une unique étincelle s’alluma au sein des composants visibles par l’orifice. Geary se rendit compte qu’il avait cessé de respirer dès qu’elle avait crépité. Mais, rien ne se produisant, il réussit à inspirer profondément.