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La lucidité dont Rione faisait preuve dans certaines situations était parfois troublante. Geary ne put s’empêcher de se demander comment elle avait tiré ses conclusions. « Des gens de la sécurité interne ? »

Elle opina. « Vraisemblablement. Ceux que les citoyens des Mondes syndiqués appellent des serpents. Nous pouvons affirmer sans risque qu’ils dirigent désormais ce système. Pas seulement en tirant les ficelles depuis les coulisses mais en précipitant ouvertement les événements.

— S’il en est ainsi, alors la sécurité interne de Simur contraindrait sa CECH à nous inviter à arracher les nôtres à ce camp de prisonniers ? »

Rione hocha encore la tête. « Ce n’était pas une invitation très cordiale, mais la manière dont elle l’a formulée, comme une sorte de défi qu’elle nous lançait, n’était pas inintéressante. Et elle a confirmé que des prisonniers de l’Alliance étaient effectivement détenus dans ce camp. Au nombre de six mille.

— Ils veulent qu’on y aille.

— Exactement. Mais, à ce que j’ai cru comprendre, sa déclaration selon laquelle elle n’aurait pas les moyens de s’opposer à nos exigences est fondée. Il faudra soigneusement inspecter les prisonniers en quête d’agents pathogènes, de nanoparticules ou de toute autre forme de danger que peut véhiculer un individu.

— Merci. » Geary pianota un instant sur un bras de son fauteuil en fronçant les sourcils puis se tourna vers Desjani.

Celle-ci haussa les épaules. « C’est une hypothèse qui en vaut une autre. Ils ne peuvent guère faire mieux, de sorte qu’ils tenteront d’infiltrer une épidémie à bord de nos vaisseaux.

— N’est-ce pas un peu gros ?

— Ils nous agressent au moyen de quatre groupes de vaisseaux manifestement syndics en se prétendant incapables de les contrôler puisqu’ils ne leur appartiennent pas, fit remarquer Tanya. Ils se fichent pas mal que ce soit cousu de fil blanc.

— Ouais. » Geary enfonça une touche. « Du nouveau, lieutenant Iger ?

— Pas d’autres menaces identifiées, amiral. » Iger eut un petit sourire. « Quelques-uns des messages que nous avons captés indiquent que les autochtones sont mécontents des décisions des autorités syndics. Celui-ci provient d’une installation minière orbitale proche de la géante gazeuse. »

L’image d’un homme d’âge mûr vêtu d’un complet de cadre supérieur élimé leur apparut. « On nous livre à un bombardement de représailles ! Nous n’avons reçu aucune mise en garde, on ne nous a pas permis d’évacuer nos locaux et nous ne disposons pas d’assez de transports pour procéder nous-mêmes à une évacuation générale ! Suis-je censé abandonner la moitié de nos travailleurs et leurs familles ? Nous sommes aussi privés de moyens de défense puisqu’on ne les a pas reconstruits après la dernière agression de l’Alliance ! Quelqu’un pourrait-il interdire à ces forces mobiles syndics de provoquer la flotte de l’Alliance ? »

Geary n’avait aucune envie de sourire. Il comprenait sans doute la réaction d’Iger, et celle qu’aurait probablement Desjani à la vue du désarroi du directeur syndic. Ça leur fait les pieds, se diraient sans doute ceux dont toute l’existence s’était déroulée pendant la guerre. Ils l’ont déclenchée, ils nous ont bombardés d’innombrables fois, ils ont massacré des millions des nôtres et ils méritent bien, maintenant, d’avoir des sueurs froides en se demandant quand nos cailloux vont tomber du ciel pour nous venger.

Ce n’était pas ce qu’il éprouvait lui-même. J’aurais aimé rendre la monnaie de leur pièce aux Syndics de Sobek, pourtant ils ont coopéré avec nous quand on nous a attaqués. Leurs dirigeants l’ont fait, en tout cas. Mais les gens d’ici sont impuissants. Ce directeur s’inquiète pour ceux qui travaillent avec lui. Tout comme lui, ce sont des pions dans la partie que joue leur gouvernement. On force même la main au CECH de ce système.

« Très bien, fit-il. C’est tout ?

— Il y en a d’autres de la même eau, ajouta Iger. Sinon, on tombe sur le fatras habituel d’informations fragmentaires. Nous décryptons quelques bribes des messages codés et captons aussi certaines conversations où des individus parlent ouvertement de sujets classifiés, mais rien de tout cela ne nous suffit à identifier une menace précise.

— Le sergent-chef Gioninni n’a rien trouvé d’autre non plus, fit remarquer Desjani. Je m’apprêtais à lui donner accès aux rapports de synthèse du renseignement, mais il les avait déjà lus.

— Qu’est-ce que vous venez de dire ? s’enquit le lieutenant Iger, alarmé. Le sergent-chef Gioninni ne figure pas sur la liste des gens de l’Indomptable habilités à y accéder.

— Étonnant, non ? Ne vous prenez pas la tête, lieutenant.

— Peut-être avons-nous précisément besoin d’un esprit retors, déclara Geary avant qu’un Iger effaré ne posât d’autres questions sur le sergent-chef Gioninni. De quelqu’un qui saurait déceler… » Qui saurait distinguer un motif caché dans un fouillis de données. Voir un schéma se dessiner dans un fourmillement de détails.

Et nous avons précisément cette personne sous la main.

« Transmettez au Tanuki tous les renseignements recueillis dans ce système depuis notre arrivée, lieutenant Iger, ordonna-t-il. À la seule attention du lieutenant Elysia Jamenson. »

Iger le regarda fixement, à présent pris d’effroi. « Tous les renseignements ? Qui est ce lieutenant Jamenson, amiral ?

— Un ingénieur.

— Un ingénieur… » Iger se reprit. « Amiral, une partie de ce matériel est classée top…

— Je suis informé des problèmes de classification et de sécurité, lieutenant. De par mon autorité d’amiral de la première flotte, j’autorise le lieutenant Jamenson à accéder à toute information classifiée nécessaire. Prise d’effet immédiate. Veillez à ce qu’elle dispose de tout ce que vous avez collecté à Simur. Envoyez aussi au Tanuki tous les documents et formulaires de sécurité et d’autorisation qu’elle devra signer. Procédez sans tarder, lieutenant Iger.

— À vos ordres, amiral. Tout de suite. » Iger hésitait malgré tout. « Amiral, je me sens obligé de vous préciser que cette décision risque d’avoir de graves conséquences à notre retour dans l’Alliance. Même si vous êtes habilité à la prendre, on se posera sans doute des questions sur sa pertinence.

— J’en prends la responsabilité, répliqua Geary. Et, pour les archives, je tiens à ce qu’il soit clairement notifié que vous m’avez fait part de vos doutes et que j’en ai tenu compte. C’est ma décision.

— Oui, amiral. Nous allons réunir toutes les infos et transmettre le paquet au Tanuki le plus vite possible.

— Pressez-vous », insista encore Geary.

Desjani le regardait de travers, mais il l’ignora et préféra appeler le Tanuki dès que l’image d’Iger eut disparu. « Capitaine Smyth, j’ai besoin du lieutenant. Ne vous inquiétez pas, il s’agit d’une affectation temporaire. Parole d’honneur. Le Tanuki va recevoir incessamment un paquet de données confidentielles réservées à la seule attention du lieutenant Jamenson. Je veux qu’elle les parcoure et qu’elle me dise ce qu’elle y voit. »

Le visage de Smyth avait exprimé successivement l’inquiétude, l’étonnement et la stupeur. « Du matériel top secret ? Le lieutenant Jamenson est sans doute très douée dans son domaine, amiral, mais ça n’entre pas dans ses cordes.

— J’en suis conscient. Mais nous avons affaire à de nouvelles tactiques de l’ennemi et j’aimerais savoir ce qu’un œil neuf distinguerait dans ce fatras.