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— Très bien, amiral. » Une lueur calculatrice brillait dans les yeux de Smyth. Geary n’avait aucun mal à lire dans ses pensées. Jamenson serait-elle encore plus précieuse que je ne le crois ?

« Merci, capitaine Smyth. Je suis certain que je peux compter sur vous », ajouta Geary en mettant l’emphase sur chaque mot.

Smyth tressaillit, comme piqué au vif, puis il se fendit d’un sourire. « Bien entendu, amiral. »

Geary coupa la communication et se tourna vers Desjani, qui le fixait, de marbre. « Le lieutenant Jamenson ? demanda-t-elle. Celle aux cheveux verts ?

— Vous vous souvenez d’elle ?

— Comment l’oublier ? Qu’est-ce que ça recouvre ?

— Exactement ce que j’ai dit à Smyth. Peut-être réussira-t-elle à repérer ce qui se passe dans ce système stellaire et que les Syndics s’efforcent de nous cacher. »

Desjani réfléchit un instant puis hocha la tête. « Si les Syndics arrivent à cacher quelque chose à Jamenson et Gioninni, autant jeter l’éponge. »

Geary s’accorda du temps pour préparer la récupération des prisonniers. Il conduisit la flotte, toujours en formation Tatou, à l’aplomb de la planète habitée et selon un angle oblique par rapport au camp de prisonniers, permettant ainsi aux senseurs de ses vaisseaux de scanner toute la zone, tandis que l’infanterie spatiale larguait des drones de reconnaissance pour étudier sa disposition à la surface.

Carabali l’en informa en personne : son image se tenait dans la cabine de l’amiral devant un ensemble de plans rapprochés du camp qu’elle pointait successivement du doigt. « Nous n’avons rien trouvé avec le matériel de télésurveillance. Aucune anomalie, du moins à notre connaissance. Mais la télésurveillance n’épuise pas le sujet. On connaît trop de moyens, adaptés aux faiblesses ou aux limites de ce matériel, permettant de bloquer le signal ou de masquer les signatures. C’est particulièrement vrai dans un camp construit depuis peu. On cherche surtout de nouvelles indications : dalles de béton fraîchement posées, terre récemment retournée, enduit frais sur les murs, citernes nouvellement creusées, autres zones de stockage et ainsi de suite. Mais, là, le camp tout entier est neuf, de sorte qu’il n’offre aucun indice. Nous savons que le terrain n’est pas miné parce que nous avons vu des gens l’arpenter et que l’équipement qui nous a servi à l’inspecter aurait repéré des mines télécontrôlées ou télécommandées. Néanmoins, les Syndics ont la main avec les chausse-trapes. Si nous voulions en avoir la certitude, il faudrait plusieurs centaines d’ingénieurs à la surface, disposant de notre meilleur matériel et de quelques semaines pour sonder, creuser et analyser. »

La migraine familière était de retour. « Mais au moins le matériel de surveillance a-t-il bel et bien confirmé la présence de prisonniers de guerre de l’Alliance », fit observer Geary. Il les apercevait sur les photos, assez distinctement dans certains cas pour déchiffrer leur expression ou même pour que des amis ou des parents les reconnaissent. L’éventail de ces mimiques allait de la lassitude à l’espoir ou à l’incrédulité, en passant par mille autres sentiments. Les Syndics ne leur avaient vraisemblablement pas appris que la guerre était finie. Ils ignoraient dans quel système stellaire ils se trouvaient et ne s’attendaient sûrement pas à un sauvetage.

« Oui, amiral, convint Carabali. Autour de six mille. Nous avons pu converser avec quelques-uns par le truchement du matériel de surveillance. On les a arrachés sans avertissement à d’autres camps de travail de systèmes voisins au cours des dernières semaines, pour les larguer ici.

— Autre chose ? »

Carabali désigna de nouveau les images d’un geste, l’air insatisfaite. « Il n’y a pas eu beaucoup d’effervescence hors de la zone construite de ce camp. Le terrain trahit certes une activité importante sur un rayon d’environ soixante-dix kilomètres, mais, encore une fois, nos senseurs n’ont rien capté d’inquiétant. Le réseau des routes qui le quadrillent, asphaltées ou non, montre les signes d’un trafic intense, tant de matériel de construction que de ravitaillement destiné au camp. Nous allons devoir creuser plus profondément pour vérifier qu’il n’existe rien sous ces routes ni autre part.

— Soixante-dix kilomètres ? répéta Geary. En dehors du camp ?

— Oui, amiral. Ça ne correspond à aucune menace connue de moi, et mes ingénieurs me disent que, quand on précipite l’achèvement d’un projet, on bouleverse tout alentour sans se soucier de préserver la prairie, les arbres et ainsi de suite. » Carabali donnait elle-même l’impression de ne guère compatir au sort de « la prairie, des arbres et ainsi de suite » quand il s’agissait d’abattre un boulot urgent.

En quoi ces quelque soixante-dix kilomètres pouvaient-ils bien menacer une opération de récupération ? Si les Syndics tenaient à opposer des armes nucléaires aux troupes qui s’en chargeraient, il leur suffirait d’avoir des bombes à l’intérieur du camp. « Que vous souffle votre instinct, général ? »

Carabali garda un instant le silence pour étudier encore les images. « Je ne vois aucune raison de ne pas l’investir, finit-elle par déclarer.

— Pas un aval franchement enthousiaste, fit remarquer Geary.

— Ce n’est pas à moi d’en décider, amiral. » Carabali se renfrogna. « J’élude la question. Si la décision m’incombait, je l’investirais. Je ne peux citer aucun motif contraire, sauf à me prévaloir d’un manque total de confiance dans les réactions des Syndics. »

Geary eut un ricanement sarcastique. « Quiconque se fierait maintenant aux Syndics serait parfaitement cinglé. Qu’en est-il d’éventuels engins nucléaires enterrés ?

— Si engins nucléaires il y a, alors ils sont très profondément enfouis et massivement isolés. »

Le plan exigeait le recours à quatre-vingts navettes (soit presque toutes celles disponibles) qui devraient chacune faire deux voyages pour rapatrier les prisonniers. « Quel est, dans l’absolu, l’effectif minimal qu’on devrait affecter à cette opération ? »

Carabali rumina la question. « Nul. Envoyez les navettes en pilote automatique, programmées pour atterrir, récupérer les prisonniers et rentrer. Mais le risque que les Syndics trafiquent leurs systèmes subsisterait, puisqu’ils y auraient physiquement accès. Pire, ils pourraient charger les navettes d’engins nucléaires au lieu de prisonniers, tandis qu’elles-mêmes nous affirmeraient que tout se passe pour le mieux, jusqu’au moment où elles atterriraient dans nos soutes et exploseraient. Moins grave, mais tout de même malheureux, la discipline pourrait s’effriter et les prisonniers se ruer vers les véhicules et se piétiner les uns les autres afin de s’entasser à leur bord, voire en endommager certaines. Dans le meilleur des cas, même si les Syndics ne réagissaient pas, tout dysfonctionnement sérieux des systèmes d’une navette se traduirait par sa perte et celle des prisonniers qu’elle aurait recueillis.

— Combien faudrait-il de fusiliers pour l’éviter ?

— Assez pour mener à bien, si besoin, des réparations d’urgence sur les navettes, fournir en même temps une sécurité au cas où les Syndics chercheraient à en aborder une et maîtriser la cohue lors de la possible ruée des détenus. Pilote. Copilote. Mécano. Une équipe de trois soldats pour assurer cette sécurité. Six par navette, donc. C’est le minimum que je préconiserais, amiral. »

Six par navette. Quatre-vingts navettes. Quatre cent quatre-vingts fusiliers. Geary étudia encore un instant les photos tout en réfléchissant. « Très bien. Je crois qu’on va tenter le coup ainsi. Ces six mille prisonniers comptent sur nous. Échafaudez votre plan d’intervention. Je vais ordonner à la flotte de se mettre en position pour vous fournir si nécessaire le soutien de sa puissance de feu, et éventuellement une couverture, au cas où un de ces vaisseaux syndics qui prétendent ne pas en être s’aviserait de s’en prendre aux navettes. »