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« Les navettes décollent ! » s’écria le lieutenant Yuon.

Geary vérifia sur son écran qu’il faisait bien allusion à celles du camp de prisonniers. Les autres, parties récupérer le commando sur le site du système de détente, descendaient encore vers la surface en louvoyant pour passer entre les gouttes du déluge de feu que déversaient sur elles les défenses terrestres syndics, défenses que le Gardien éliminait d’ailleurs dès qu’elles se manifestaient.

Le groupe syndic Alpha arrivait toujours, obéissant encore, probablement, à un pilotage automatique programmé par ses lointains supérieurs, tandis que Gardien et Écume de Guerre ouvraient le feu. Manquant sans doute de cibles convenables dans le vaste terrain vague piqueté de cratères qui entourait à présent le site du système de détente, le capitaine Armus reporta à son tour sur Alpha celui de ses quatre cuirassés.

Les vaisseaux d’Alpha, aux boucliers déjà affaiblis par leur passage dans la haute atmosphère, foncèrent droit dans la gueule du loup.

Le croiseur lourd et quatre avisos, réduits en miettes par les frappes successives de missiles spectres, de lances de l’enfer et de mitraille, explosèrent tout bonnement sous les coups de boutoir. Un des croiseurs légers fut déchiqueté et ses débris s’enfoncèrent plus profondément encore dans l’atmosphère. Privés désormais de bouclier et voyageant à une effroyable vélocité, ses fragments se consumèrent aussitôt, leur boule de plasma striant brièvement le ciel de la planète d’un éclair féroce.

Le deuxième croiseur léger ne survécut qu’en raison de l’embardée vers l’espace qu’il exécuta juste avant l’impact pour se soustraire au tir de barrage des cuirassés de l’Alliance.

Bravo, qui fonçait encore sur la force d’Armus, dut prendre conscience du sort qu’Alpha venait de connaître et vira de bord à son tour pour éviter de subir le même : ses vaisseaux décrivirent de larges arcs de cercle, mais le croiseur lourd dériva trop loin et s’enfonça assez profondément dans l’enveloppe de tir des cuirassés pour qu’une douzaine au moins de missiles spectres le cueillent et le réduisent en plusieurs gros fragments, qui se séparèrent en tournoyant, tantôt pour disparaître dans l’espace, tantôt pour plonger dans l’atmosphère.

« Les navettes de récupération du commando ont atterri, annonça Jane Geary.

— Celles du camp de prisonniers décollent, rapporta le lieutenant Yuon. La moitié sont surchargées. Elles demandent à la flotte de réduire sa vélocité pour faciliter leur recouvrement.

— Amiral Lagemann, veuillez freiner la formation autant qu’il sera nécessaire pour permettre aux navettes de vous rattraper », ordonna Geary en enfonçant ses touches de com.

En dépit du chaos qui faisait rage à la surface de la planète et rejaillissait jusque dans l’espace, il se sentait comme libéré. Je n’ai pas à décider de tous les tirs. Je peux déléguer à mes commandants. Je me fie assez à eux pour les laisser régler au petit poil les missions que je leur confie. Il me suffit d’avoir la haute main sur le tableau général, de m’assurer que tout est bien coordonné et que toutes les menaces sont prises en compte.

Les groupes syndics Charlie et Delta s’étaient rendu compte qu’ils arrivaient trop tard pour bombarder le camp de prisonniers et que les croiseurs de combat de l’Alliance veilleraient à ce qu’aucun de leurs vaisseaux ne réussisse à atteindre les navettes qui remontaient. Ils virèrent donc de bord et s’éloignèrent, en même temps qu’ils rompaient la formation et se séparaient, le commandant de chaque unité décidant d’outrepasser le pilote automatique pour en reprendre le contrôle. L’un d’eux, sans doute novice, imprima lors du virage une trop forte tension à la structure de son croiseur léger, et le vaisseau s’éparpilla en débris qui retombèrent en tournoyant sur la planète.

Voyant les Syndics lui échapper, Desjani poussa un juron et modifia légèrement la trajectoire de l’Indomptable pour intercepter le seul croiseur léger qu’il aurait encore une petite chance de rattraper. « On n’aura droit qu’à un seul coup, prévint-elle l’équipage. Faisons en sorte qu’il porte. »

Le croiseur de combat dépassa sa proie en trombe en déchaînant toutes ses lances de l’enfer ; le croiseur léger vacilla sous les coups et chercha vainement à fuir. Avant qu’il se fût remis des impacts, deux missiles spectres défonçaient sa poupe et arrachaient la moitié arrière de son fuselage.

L’Inspiré réussit à abattre un aviso, tout comme d’ailleurs le Dragon. Risque-tout et Victorieux pilonnèrent un croiseur lourd, mais la propulsion principale du bâtiment syndic s’en tira sans dommages et il poursuivit son chemin.

Désormais émiettés, les quatre groupes syndics s’enfuyaient tous en adoptant des dizaines de trajectoires individuelles. « On ne pourra plus en atteindre d’autres », lâcha Geary.

Desjani hocha la tête, rouge de colère et de dépit. « Pas s’ils continuent à fuir.

— Ils n’y manqueront pas. Remettez votre division en formation. » Il appela Duellos, Tulev et Badaya pour leur transmettre la même instruction, conscient que tous se sentiraient frustrés. Mais on ne peut rien contre ces lois de la physique que sont le temps, la distance et l’accélération qui vous reste possible.

« Les navettes s’arriment, annonça le lieutenant Yuon. Délai avant récupération complète estimé à vingt minutes. »

Geary vérifia les statuts de celles du Gardien, qui venaient seulement de s’extraire du maelström de poussière soulevé par le bombardement de la flotte.

« Amiral ? appela le général Carabali. Mes fusiliers et le capitaine Hopper préconisent que nous nivelions le site du système de détente. Le capitaine Hopper affirme que sa destruction ne risque absolument pas de déclencher la machine infernale, mais qu’elle compliquera formidablement toute tentative de remise en état du mécanisme de détente.

— Capitaine Armus, détruisez-moi le site du système de détente », ordonna Geary.

Un second tir de barrage de projectiles cinétiques, encore plus copieux, s’abattit depuis l’orbite sur le bâtiment hébergeant le système de détente, qui, bizarrement, se dressait encore au beau milieu d’une mer de dévastation, pratiquement indemne.

Tandis que le Gardien récupérait ses navettes, les cailloux le frappèrent en engendrant une gratifiante succession d’explosions, dans un jaillissement de débris qui giclaient vers les cuirassés en ne laissant derrière eux que décombres et cratères.

« Regardez ça, amiral », le pressa Desjani.

Geary consulta son écran. Le croiseur léger syndic, seul rescapé du groupe Alpha qu’il avait abandonné pour sauver sa peau, venait de larguer à son tour plusieurs projectiles cinétiques.

Vers la plus grosse lune de la planète.

Et la villégiature de luxe où s’étaient réfugiés les dirigeants de la sécurité intérieure de la planète. S’ils n’étaient pas déjà planqués dans des abris profondément enfouis, sans doute ces gens auraient-ils le temps de s’enfuir à bord des vaisseaux disponibles avant que les cailloux ne frappent la lune, mais ce bombardement n’en restait pas moins un geste emblématique.

« Une mutinerie a dû se déclencher, dit Geary. Et réussir. Je me demande si ce vaisseau est équipé d’un dispositif permettant, comme à Midway, de déclencher à distance la surcharge de son réacteur, et si son équipage syndic cherche déjà un moyen de le bloquer. À toutes les unités de la première flotte, rejoignez la formation. Général Carabali, veuillez transmettre à votre force de reconnaissance toute mon admiration pour l’habileté avec laquelle elle a mené à bien sa mission. Émissaire Rione, il est temps de faire savoir aux habitants de cette planète quel sort lui réservaient leurs suzerains syndics. »