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Douze

Il n’y avait pratiquement rien à Padronis.

La flotte était prête à affronter menaces et mauvaises surprises en émergeant de l’espace du saut, et elle ne trouva que deux vaisseaux.

En des circonstances normales, cela seul aurait dû surprendre. La naine blanche Padronis n’avait aucun compagnon, que ce fût planète ou astéroïde. Les naines blanches accumulent lentement de l’hélium dans leur coquille de gaz, si bien qu’elles virent à la nova au bout d’une très longue période. Si un satellite naturel avait jamais orbité autour de Padronis, il avait été anéanti longtemps avant que les hommes n’atteignent cette région de l’espace.

Le croiseur léger syndic mutiné cinglait d’un bon pas vers le point de saut pour Héradao à l’arrivée des vaisseaux de Geary, dont il était déjà très éloigné. Son équipage n’avait visiblement plus aucune envie d’en découdre avec l’Alliance.

La station orbitale syndic abandonnée qu’ils avaient aperçue lors de leur dernier passage dans ce système était toujours là et gravitait sur son orbite solitaire autour de l’étoile, laquelle finirait par exploser dans un lointain avenir. C’était d’ailleurs là que se trouvait l’autre vaisseau du système, un cargo amarré à ce poste de secours construit par les Syndics un siècle plus tôt, avant l’hypernet, quand il fallait encore sauter d’étoile en étoile (dont celles qui, comme Padronis, n’avaient rien à offrir) pour atteindre sa destination. Elle était désaffectée depuis des décennies, tout y avait été coupé mais était resté en place, car rapatrier le matériel aurait coûté plus cher qu’il ne valait.

« Que fabrique ce cargo ? » demanda Geary. On ne voyait rigoureusement rien d’autre dans le système, bien que les senseurs de la flotte se soient échinés à le scanner en quête de la plus infime anomalie. « Assurez-vous que rien d’anormal ne reste coincé dans les filtres antiparasites parmi tout ce que les senseurs auraient pu capter. Je tiens à ce que tout soit soigneusement contrôlé, même les interférences qui n’ont l’air que de parasites.

— Il n’y a strictement rien, affirma Desjani en secouant la tête. Ce cargo et la station se trouvent à trois heures-lumière, de sorte qu’ils ne sauraient nous menacer.

— Commandant ? l’interpella le lieutenant Castries. On est en train de charger du matériel à bord de ce cargo.

— Du matériel ? »

Un appel leur parvint du Tanuki. Il n’était pas à haute priorité, mais Geary n’avait rien de plus urgent sur le feu pour le moment. « Que se passe-t-il, capitaine Smyth ? »

Smyth ébaucha un sourire torve. « Ce cargo, là. Il est en train de piller la station.

— De la piller ? Vous êtes sûr ?

— Il y a sans doute une petite chance que des autorités syndics l’aient affrété pour récupérer des équipements dont elles auraient besoin ailleurs, mais ça me paraît peu probable. Maintenant que le gouvernement des Mondes syndiqués n’a plus aucune autorité dans les parages et bien d’autres sujets d’inquiétude, ce cargo est venu dépouiller la station abandonnée, perdue au beau milieu de nulle part, de tout ce que son armateur pourra embarquer et revendre, même pour des rogatons. »

Geary fixait l’image du cargo ; son instinct lui soufflait de faire quelque chose. Mais quoi ? « Même désaffectée, elle doit encore contenir un tas de matériel et de fournitures qui pourraient se révéler vitaux pour un vaisseau passant par Padronis et souffrant d’un grave problème.

— Effectivement, convint Smyth. Tout à fait. Et ces pillards s’en moquent. Ils sont là pour se faire du gras, même si ça doit se traduire par un drame pour autrui. C’est ce qui arrive quand l’autorité centrale s’effondre, amiral. Les riches et les puissants peuvent encore prendre soin d’eux-mêmes, mais ce sont justement ceux qui ont besoin d’aide qui en pâtissent.

— Merci, capitaine Smyth. Nous n’y pouvons rien, j’imagine.

— Non. Nous pourrions chasser ce pillard, mais un autre se pointerait tout de suite après notre départ. » Smyth mit fin à la conversation avec un haussement d’épaules résigné.

« Amiral, le héla Desjani, regardez donc les Danseurs. »

Geary s’exécuta. À Sobek, les Danseurs avaient tenté de prévenir la flotte d’un danger. À Simur, ils étaient restés à proximité de l’Invulnérable en raison, semblait-il, de la menace que faisaient peser les Syndics.

Mais, pour l’heure, ils ne se trouvaient plus à la lisière de la formation de la flotte et se retournaient en manifestant ce qui évoquait à Geary une sorte de jubilation. « Ils ont l’air de se sentir en sécurité.

— Pas moi, lâcha Desjani. Je n’arrive pas à m’ôter de l’esprit ce qui s’est produit ici à notre dernier passage. » Le nuage de poussière et de débris qui avait été naguère le croiseur lourd Lorica et son équipage croisait encore autour de Padronis, et l’Indomptable avait bien failli connaître le même sort. « Ne pourrions-nous pas rentrer chez nous ?

— Ouais. Filons. Droit sur le point de saut pour Atalia. »

Atalia était un système stellaire très animé, mais qui, en raison de sa position en première ligne, avait beaucoup souffert pendant cette guerre interminable. La flotte émergea de nouveau avec prudence de l’espace du saut, mais Geary ne s’attendait pas à rencontrer des problèmes. Ce système était trop proche de l’espace de l’Alliance et avait d’ores et déjà déclaré son indépendance d’avec les Mondes syndiqués. Y poser des chausse-trapes aurait été pour les Syndics une tâche pratiquement impossible.

Ce qui n’en rendit que plus surprenantes encore les alarmes des systèmes de combat qui retentirent dès leur émergence.

« Des Syndics ! » Desjani jeta un regard noir à Geary. « Deux croiseurs lourds près du point de saut pour Kalixa, quatre croiseurs légers et six avisos devant celui pour Varandal. Ils ont dû reconquérir ce système. Ne sommes-nous pas habilités à les jeter dehors ?

— Peut-être. » Après tout ce qu’on venait de traverser, l’idée de virer les Syndics d’Atalia présentait une certaine séduction en dépit de son douteux bien-fondé légal. « Bizarre. Cette estafette est encore là, tout près de ces croiseurs légers et de ces avisos. »

Assez inexplicablement, le vaisseau estafette de l’Alliance croisait toujours à proximité du point de saut pour Varandal. C’était sans doute le témoignage de son engagement plus ou moins réticent à tenir à l’œil le système stellaire d’Atalia, sans pour autant représenter une défense vraiment efficace au cas où des vaisseaux des Mondes syndiqués y auraient fait irruption dans le dessein de le réintégrer par la force à leur empire, comme cela en donnait précisément l’impression. Mais, si cette réoccupation était avérée, pourquoi l’estafette n’était-elle pas repartie ensuite ? Même si les Syndics ne l’avaient pas menacée, elle aurait dû rapporter l’événement à Varandal.

Avant que Desjani eût pu répondre, des identifications de bâtiments commencèrent d’apparaître sur les écrans. « Nous connaissons ces vaisseaux syndics ? s’enquit-elle, mystifiée.

— Ce ne seraient pas des vaisseaux syndics ? demanda à son tour Geary alors que les couleurs se modifiaient sur l’écran. Ils sont… Ils viennent de… Midway ? Ils n’avaient pas transmis de… Manticore ? Kraken ? Ces croiseurs lourds étaient encore à Midway au moment de notre départ. »

Le visage de Desjani s’était durci. « Ils n’ont pu arriver à Atalia avant nous qu’en empruntant l’hypernet syndic pour une destination comme Indras. Les Syndics ont manipulé leur hypernet pour nous interdire son emploi et ceux de Midway marchaient dans la combine.