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— Une seconde. » Geary s’accorda un instant de réflexion, conscient d’avoir été déstabilisé par cette révélation. « S’ils avaient été partie prenante, pourquoi se trahiraient-ils en se trouvant sur place à notre irruption ? Ils n’espéraient tout de même pas que la flotte serait entièrement détruite ou presque, même si tous les traquenards qu’elle a rencontrés sur sa route avaient opéré à cent pour cent. Gagnons le point de saut pour Varandal et attendons qu’ils nous fournissent des explications à leur présence. »

Quand ces explications leur parvinrent enfin, ce fut sous les traits de la kommodore Marphissa. « Si elle fait semblant d’être heureuse de nous revoir, c’est une excellente comédienne, fit remarquer Rione.

— Contente de vous retrouver, amiral Geary, était en train de dire la kommodore. Nous avons recouvré l’accès à tous les portails de l’hypernet deux jours après votre départ de Midway. Le gouvernement syndic a dû apprendre à fermer temporairement l’ensemble ou une partie de ses portails. Nous faisons de notre mieux pour découvrir comment il s’y prend, mais nous n’avons réuni jusque-là aucune information à cet égard.

» Nous sommes venus à la suggestion du capitaine Bradamont, qui nous a appris la capture des survivants de la flottille de réserve à Varandal. Ces rescapés fourniront à nos vaisseaux les équipages qui leur manquent, si bien que la présidente Iceni a donné son approbation à cette opération de récupération. Six cargos sont en route pour Varandal, accompagnés par le capitaine Bradamont, qui nous a affirmé que l’amiral Timbal se plierait à vos instructions en votre absence.

» Nous nous inquiétons néanmoins pour elle et nos cargos et nous constatons avec le plus grand plaisir que la flotte et vous-même gagnerez bientôt Varandal vous aussi. Si les vaisseaux de la flottille de récupération du système indépendant de Midway peuvent vous assister d’une manière ou d’une autre, je vous prie de nous le faire savoir. Au nom du peuple, Marphissa, terminé. »

L’espace d’un instant, nul ne moufta puis Rione haussa les épaules. « Je ne m’attendais pas à ça. Qu’est-il arrivé, à votre avis, quand le capitaine Bradamont et ces six cargos ont atteint Varandal ?

— Espérons qu’ils auront recueilli ces prisonniers syndics, souffla Geary. Et que mes instructions auront fourni une couverture suffisante au capitaine Bradamont.

— La kommodore semblait parfaitement sincère quand elle a exprimé son inquiétude pour Bradamont, fit observer Rione.

— Les Syndics sont des menteurs aguerris, affirma Desjani. Et elle devait réellement s’inquiéter pour ses cargos. Je sais, je sais, ce ne sont plus des Syndics, ajouta-t-elle en voyant Geary la regarder de travers. Bon, ils sont libres de venir récupérer ces poids morts à Varandal, n’est-ce pas ?

— Entièrement, dit-il. Et si les vaisseaux de Midway attendent seulement le retour des cargos, nous n’avons pas à nous occuper d’eux. Ils ne représentent aucun danger pour Atalia.

— D’autant qu’ils défendent en réalité ce système », renchérit Rione.

Geary secoua la tête. « Encore quelque chose à quoi je ne me serais jamais attendu. » Il pianota sur ses touches de com. « Kommodore Marphissa, je dois vous informer des attaques très contestables menées contre nous par les Mondes syndiqués tant à Sobek qu’à Simur. Nous vous serions reconnaissants de nous fournir toutes les informations dont vous disposeriez encore sur le dysfonctionnement de l’hypernet syndic. Nous nous dirigeons vers le point de saut pour Varandal. Une fois là-bas, si le capitaine Bradamont et vos cargos s’y trouvent encore, nous veillerons à ce qu’ils s’en retournent librement. Il fait… euh… bon vous revoir, kommodore. En l’honneur de nos ancêtres, Geary, terminé.

— Étiez-vous obligé d’ajouter ce “il fait bon vous revoir” ? » grommela Desjani.

Les autorités d’Atalia se montrèrent plus qu’accueillantes et firent des pieds et des mains pour fournir au grand Black Jack tout ce dont il avait besoin (du moins si elles en disposaient) ; elles exprimèrent prudemment la reconnaissance envers Midway que leur inspirait la protection apportée par sa flottille (en sous-entendant qu’elles ne verraient pas d’un mauvais œil que l’Alliance fournît un contingent identique), tout en se plaignant que, depuis son arrivée, cette flottille interdisait à tout autre vaisseau de sauter pour Kalixa et Indras au-delà ; et, au fait, qu’étaient exactement ces six bâtiments mystérieux qui ne semblaient pas de facture humaine, et d’où venait donc ce supercuirassé dont la conception, elle non plus, n’était guère familière ? Geary laissa Rione s’en dépatouiller et répondre à toutes ces questions par des « merci mais non, sans façons » ambigus, ne livrant aucune information réelle sur la flotte ni sur son périple.

L’équipage restreint du petit vaisseau estafette trépignait lui aussi de curiosité. Il confirma que six cargos étaient arrivés à Atalia avec les forces de Midway et avaient sauté pour Varandal quelques jours plus tôt. Conscient de la nature aussi rasoir que peu gratifiante de son affectation à Atalia, Geary servit à l’équipage une mouture édulcorée du rapport qu’il avait préparé pour le QG de la flotte et le gouvernement de l’Alliance.

À l’approche du point de saut pour Varandal, Rione demanda à lui parler en privé. Se doutant plus ou moins des propos qu’elle allait lui tenir, il n’y consentit qu’à contrecœur.

« J’espère que vous n’imaginez pas que tout danger est écarté », déclara-t-elle tout de go, à peine entrée dans sa cabine. Elle avait décliné le siège qu’il lui offrait.

Mécontent d’avoir deviné juste, Geary s’assit, lui, puis se renversa pour fixer le plafond. Il s’était livré très souvent à cet exercice depuis que Charban et lui avaient discuté des motifs qu’y distinguaient les humains et de ce qu’un Danseur, voire un Énigma ou un Bof, verrait dans ces mêmes formes. Mais seuls les Danseurs pourraient leur apporter un jour la réponse. « Je sais qu’il nous faudra affronter certains défis dans l’espace de l’Alliance…

— Les problèmes que nous avons laissés derrière nous sont toujours là et se sont même sûrement aggravés, le prévint-elle. Trop de gens chez nous vous prennent pour un cadeau des vivantes étoiles, chargé de sauver l’Alliance de la perdition, ou alors pour la plus grande menace qu’elle ait jamais dû affronter.

— Et, entre ces deux extrêmes, beaucoup d’autres jouent leur partie personnelle en se persuadant qu’ils le font à bon droit, ajouta Geary d’une voix lasse. Qu’y puis-je ?

— Patienter, observer et réagir. » Elle eut un geste d’impuissance. « Les acteurs sont trop nombreux, et chacun joue dans son coin. À ce propos, je m’inquiète chaque jour davantage de ce que feront les vaisseaux de la République de Callas et de la Fédération du Rift à notre arrivée à Varandal. »

D’abord le docteur Nasr et maintenant Rione. Que tous deux y fissent allusion soulignait assez la grave tournure que prenait ce problème. « J’ai promis à leurs équipages que je ferais mon possible pour…

— Je ne crois pas que cela suffise, amiral, le coupa-t-elle. Le capitaine Hiyen a l’air très soucieux. Selon lui, il ne se passe encore rien de bien grave dans les équipages, hormis de légers mais constants remous qui semblent préluder à de plus forts séismes. Vous n’aurez peut-être pas le loisir d’agir. La dernière fois qu’ils sont rentrés à Varandal, ils ont attendu les instructions et n’ont été récompensés de leur patience que par l’ordre de repartir dans l’espace avec vous au lieu de rentrer chez eux, ce à quoi ils étaient en droit de s’attendre. Je ne sais pas comment ça se passera cette fois, mais préparez-vous à un tremblement de terre de ce côté-là. »

Geary opina avec lassitude. « Tandis qu’il serait inutile que je me prépare à des séismes venant d’autres directions, j’imagine ?