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— Je me suis efforcé de les éviter, reconnut Geary.

— Compréhensible. Mais vous devez être mis au courant avant de vous retrouver devant le Grand Conseil. » Timbal souffla lourdement et riboula des yeux. « Voici ce qu’ils voient dans ces Bofs : de mignons extraterrestres. Vraiment adorables. Nous les avons massacrés. Une multitude d’entre eux. Mais les autres, les affreux… franchement horribles… nous les avons ramenés chez nous. »

Desjani faillit cracher d’exaspération. « Savent-ils que les hideux extraterrestres nous ont aidés à massacrer les mignons tout plein ?

— Non, les vivantes étoiles en soient remerciées. Quoique votre rencontre avec les Bofs ait été classée top secret par le gouvernement, il y a eu des fuites, et certains comptes rendus circonstanciés des difficultés que vous avez rencontrées pour communiquer avec eux malgré tous vos efforts, afin d’éviter un bain de sang, sont parvenus jusqu’à la presse.

— Comment cela ? » demanda Geary.

Pour toute réponse, Timbal haussa les épaules et fit de son mieux pour prendre une mine innocente. « Tout cela fait que, par toute l’Alliance, les gens sont décontenancés. Black Jack a-t-il pris les bonnes décisions ou bien ses lourdes erreurs vont-elles nous valoir une nouvelle guerre ? Nombre des experts universitaires que vous aviez embarqués avec vous suggèrent à qui veut bien les entendre que tout se serait bien passé si vous aviez daigné les écouter en privé.

— Que dit-on à propos des Énigmas ?

— Hourrah ! Black Jack a sauvé l’humanité des Énigmas ! Dossier également classé top secret et victime des mêmes fuites dans la presse. » Timbal se gratta pensivement l’arête du nez. « Je suis persuadé que ces fuites viennent d’Unité. Quelqu’un du gouvernement vous veut du bien ou, en jouant son propre jeu, vous apporte indirectement son soutien. Sinon, les Énigmas demeurent… eh bien… une énigme, mais le second assaut contre l’espace humain et la tentative menée par une espèce extraterrestre pour bombarder une planète colonisée par les hommes depuis l’espace ont soulevé une vague d’indignation. »

Geary secoua la tête de stupéfaction. « Les hommes auraient donc le droit de bombarder leurs propres planètes, mais pas les extraterrestres ?

— Ça doit rester dans la famille, commenta ironiquement Timbal. Ah, les affreux aliens ! L’opinion publique était très montée contre eux…

— Mais une fuite mystérieuse s’est produite, laissant entendre qu’ils auraient empêché le bombardement d’une planète humaine, avança Desjani.

— Mystérieuse en vérité, convint Timbal. Bon, les Syndics. Tout ce que vous avez rencontré dans l’espace syndic est classé top secret et plus, mais…

— Il s’est produit des fuites à la station spatiale.

— Nul ne peut prouver qu’elles viennent de là. » Timbal dévisagea Geary. « Vous êtes conscient du rôle qu’ont pu jouer, au cours des dernières décennies, les bonnes relations de certaines personnes avec la presse dans leur promotion aux échelons les plus élevés ? Non ? Alors je ne vais pas vous surcharger l’esprit. Il y a aussi eu des fuites qui ne se fondent aucunement sur vos rapports. La rumeur court que vous recevriez directement des informations des lumières de l’espace du saut quand vous vous y trouvez. Il en circule de très nombreuses variantes. Elles vous auraient conduit aux Bofs et aux Danseurs, vous auraient soufflé ce que vous deviez faire, comme de sauver de nouveau l’Alliance…

— Sauver de nouveau l’Alliance ? De quoi donc ?

— Si vous aviez vu les infos, vous seriez peut-être à même de deviner quelques réponses à cette question. » Timbal eut un sourire torve. « Le nombre relativement important de V. I. P. parmi les ex-prisonniers de guerre que vous avez ramenés a encore ajouté à la confusion. Et ces six mille autres détenus libérés ont été une véritable piqûre de vitamine pour le gouvernement, un exploit dont il peut revendiquer le mérite. »

Son sourire s’effaça. « Le fond de l’affaire, c’est que les incertitudes sont innombrables. Trois espèces extraterrestres… et une seule qui accepte de nous parler. Personne n’a envie de combattre de nouveau les Syndics, mais ceux-ci en profitent. Vos intentions sont toujours d’une importance critique mais prêtent plus que jamais le flanc aux interprétations. Votre flotte a été mitraillée à mort, mais vous avez remporté quelques belles victoires. Ce qui me rappelle… Comment financez-vous toutes ces réparations ? Je n’ai pas entendu un seul couac de la part des petits hommes en gris.

— Nous recourons effectivement à toutes les ressources disponibles.

— Ha ! Moins j’en saurai à ce sujet, mieux je me porterai. Oh, au moins une bonne nouvelle. Rien n’a fuité jusque-là de ces cargos de Midway et du rôle qu’a joué le capitaine Bradamont, hormis les rapports officiels et consensuels selon lesquels des vaisseaux syndics seraient venus nous débarrasser de prisonniers de guerre. Il ne me semble pas que quiconque mieux informé ait déjà trouvé le moyen de capitaliser sur ses informations. » Ils avaient atteint une écoutille hautement sécurisée. Timbal montra l’intérieur de la salle. « Bonne chance.

— Voudriez-vous veiller au grain pendant que je suis retenu là-dedans, Tanya ? demanda Geary.

— Croyez-vous vraiment nécessaire de le demander ? » Desjani salua. « Dites-leur aussi que vous avez besoin d’un jour de perme.

— Promis. »

Les délégués du Grand Conseil les attendaient encore, Rione et lui, assis derrière une longue table. Geary reconnut certains visages mais pas tous. Il se félicita de la présence du sénateur Navarro et la vue du sénateur Sakaï lui inspira un prudent optimisme, que venaient contrebalancer celle de la sénatrice Suva, qui n’avait jamais dissimulé la méfiance que lui inspiraient Geary et la flotte, et celle de la sénatrice Costa, laquelle se donnait rarement la peine de cacher le mépris dans lequel elle tenait Suva, ni sa détermination à employer tous les subterfuges qu’elle jugerait nécessaires. Geary se demanda un instant si cette femme – qui avait naguère poussé Bloch à prendre le commandement de la flotte bien qu’elle sût qu’il préparait un coup d’État (ou peut-être précisément parce qu’elle en était informée) – avait renoué le contact avec l’amiral depuis que les Syndics l’avaient renvoyé à l’Alliance dans l’espoir de déstabiliser davantage son gouvernement déjà branlant.

« Pourquoi est-elle là ? » demanda Suva en pointant Rione de l’index avant même qu’on eût échangé des politesses.

Navarro lui adressa un regard perçant. « Entre autres raisons parce que l’Alliance avait nommé Victoria Rione émissaire de son gouvernement durant la mission de l’amiral Geary.

— À l’époque où la République de Callas faisait encore partie de l’Alliance, rétorqua Suva. Dans la mesure où nous avons appris juste avant de quitter Unité que la République de Callas exigeait de quitter l’Alliance, requête qui doit être automatiquement accordée selon les clauses du traité d’union entre les deux parties, cette femme n’est donc plus citoyenne de l’Alliance. »

Tous les regards se portèrent sur Rione, que Geary avait vue tiquer à l’annonce des intentions de la République de Callas. Mais son visage resta impassible et elle leva la main comme pour réclamer une attention qu’on lui prêtait déjà. « En ce cas, j’aimerais demander asile au Grand Conseil. »

Le silence qui s’ensuivit s’éternisa jusqu’à ce que Navarro le rompe en s’efforçant visiblement de réprimer un sourire. « Vous voulez devenir une résidente permanente de l’Alliance ? Statut qui s’apparente à celui de réfugiée.

— Ou à une défection », fit remarquer Costa. Elle n’avait pas du tout l’air de trouver ça drôle. « Voire à une trahison de la République de Callas.