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— Ils ne savaient rien des Énigmas ! » Geary dut se contrôler avant de poursuivre. « Strictement rien. Si vous aviez lu mon rapport…

— Vous avez lâché…

— Je n’ai pas fini ma phrase, monsieur ! » Tous le fixaient. Très bien. Qu’ils continuent ! Il en avait trop vu pour supporter cela. « Avant de mettre ma parole en doute, informez-vous afin de savoir au moins de quoi vous parlez. Puis permettez-moi de vous répondre sans m’interrompre. Tous les humains que nous avons libérés de cet astéroïde prison Énigma étaient des citoyens des Mondes syndiqués. Je n’avais pas le droit de les retenir contre leur gré. Aucun n’avait d’informations sur les Énigmas. Ils n’en avaient jamais vu un seul, n’avaient jamais parlé avec eux ni même aperçu un de leurs artefacts. Ils en savaient encore moins que nous quand la première flotte est entrée dans leur espace. Mais le principal motif qui inspire ma décision, c’est que je n’étais pas habilité à les retenir. Ils étaient libres de décider eux-mêmes de leur sort.

— Devons-nous condamner l’amiral Geary pour s’être conformé à la loi de l’Alliance ? Aux principes de l’Alliance ? s’enquit Navarro en faisant montre d’une ironie bien peu habituelle.

— Puisque vous abordez ce sujet et que celui des prisonniers abandonnés aux Syndics a été réglé, je me demande si l’amiral pourrait nous expliquer pourquoi il a laissé un de ses officiers supérieurs aux mains des Syndics ?

— Un de mes officiers ? Nous en avons perdu beaucoup trop au combat, et la plupart ont eu droit à d’honorables funérailles spatiales. Le seul officier vivant qui n’est pas revenu avec la flotte est le capitaine Bradamont. Elle a été affectée à la fonction d’officier de liaison entre l’Alliance et le système stellaire de Midway.

— Qui donc a approuvé cette mesure, amiral ? demanda âprement Costa.

— J’ai rédigé moi-même les ordres », répondit Geary de sa voix la plus neutre. C’était la version officielle sur laquelle Rione et lui s’étaient accordés et il comptait bien s’y tenir. Un ou plusieurs des sénateurs qu’il affrontait en ce moment même pouvaient fort bien être de ceux qui, pendant la guerre, méditaient de faire chanter Bradamont quant au travail qu’elle accomplissait pour les services du renseignement de l’Alliance. « Bien entendu, j’en ai d’abord demandé l’autorisation aux représentants du gouvernement qui accompagnaient la flotte.

— Soit l’émissaire Charban et moi-même, ajouta platement Rione.

— Vos instructions en tant qu’émissaires… commença Costa.

— Nous laissaient entière latitude, la coupa Rione. Toutes instructions unanimement approuvées, au demeurant, par le Grand Conseil, devrais-je ajouter.

— Pourquoi a-t-on choisi le capitaine Bradamont pour travailler avec les Syndics ? demanda le sénateur Wilkes. Des bruits ont couru mettant gravement en cause sa loyauté envers l’Alliance. »

Geary laissa longuement son regard, dur et inflexible, s’attarder sur Wilkes. « Comme je l’ai dit un peu plus tôt, finit-il par répondre, et comme mon rapport l’établit clairement, le capitaine Bradamont est l’officier de liaison de l’Alliance attaché au système stellaire nouvellement indépendant de Midway. Tant les autorités que la population de Midway sont violemment hostiles au gouvernement des Mondes syndiqués, hostilité que j’ai également consignée dans mon rapport. Je ne nourris aucun doute quant à la loyauté du capitaine Bradamont, et, si vous disposez d’informations attentant à son honneur, vous devriez les exposer ouvertement. Je peux vous assurer, à vous comme à toutes les personnes présentes, que je puis moi-même faire état de renseignements permettant d’amplement réfuter toutes les accusations portées contre cet officier, et que je les tiens si besoin à la disposition de l’assistance. »

Wilkes fusilla Geary du regard. Il cherchait manifestement ses mots, mais Navarro lui coupa le sifflet. « Vous avez mis en doute l’honneur d’un des officiers de l’amiral, le tança-t-il comme s’il s’adressait à un enfant. Je suis persuadé que l’amiral tiendra sa promesse de la défendre. Sommes-nous prêts à voir divulguer toute cette information ?

— N’existe-t-il pas des restrictions qui s’y opposent ? demanda Costa.

— Lesquelles ? s’enquit Suva. Et se rapportant à quelles informations exactement ? »

Quelques secondes s’écoulèrent au cours desquelles les sénateurs échangèrent des regards éloquents, puis Wilkes agita la main, l’air agacé. « Nous pourrons toujours en débattre ultérieurement. Je vois mal quel profit l’Alliance pourrait bien tirer de la présence d’un officier supérieur si profondément engagé en territoire ennemi.

— Le capitaine Bradamont nous a déjà fourni de nombreuses informations capitales, répondit Rione. Grâce à elle, nous avons eu la confirmation que les Syndics ont désormais appris à interdire sélectivement l’accès aux portails de leur hypernet.

— J’ai vu cela dans votre rapport, déclara Navarro en se rejetant en arrière pour scruter intensément Rione et Geary. C’est d’une très grande importance. Comment s’y prennent-ils ?

— Nous l’ignorons. Manifestement, nos experts devraient se pencher sur ce problème. »

La sénatrice Unruh secoua la tête. « Les recherches sur l’hypernet financées par le gouvernement ont été réduites de manière drastique par souci d’économie. » Elle balaya lentement et longuement ses collègues du regard. « Félicitons-nous que l’amiral Geary ait rapporté de ses voyages un dispositif conçu par les Syndics et interdisant aux portails de s’effondrer sur l’impulsion d’un signal télécommandé. Par bonheur, eux continuent d’investir dans des recherches dont nous avons décidé qu’elles n’intéressaient pas l’Alliance.

— Nous avons déjà parlé de tout cela, se plaignit Suva. Il faut bien établir des priorités.

— Notre flotte a de nouveau failli se retrouver piégée au plus profond d’un territoire ennemi, constata Unruh. Permettez-moi de m’interroger sur des priorités qui procurent de si grands avantages à l’ennemi. »

Le visage de Suva s’empourpra de fureur. « Suggéreriez-vous que je…

— Je suis bien certain que la sénatrice Unruh ne suggère rigoureusement rien, intervint Navarro.

— Si je m’y risquais, je ne limiterais pas les sous-entendus à un seul de mes collègues, déclara Unruh.

— À ce que nous avons cru comprendre, avança Geary dans le silence gêné qui suivit cette dernière déclaration, les Syndics ne peuvent pas savoir qui va emprunter un de leurs portails. Ils sont tout juste capables d’en bloquer l’accès, ce qui ne peut leur profiter que s’ils savent où nous nous trouvons et connaissent notre destination. Ils ont disposé de cet atout à Midway. Si nous devions de nouveau affronter cette situation, nous saurions désormais que nous pouvons gagner d’autres portails par sauts successifs et louvoyer à travers leur territoire sans emprunter le chemin tout tracé qu’ils tiennent à nous voir prendre.

— Chemin jonché d’embûches, grommela Costa.

— Sommes-nous en paix avec les Mondes syndiqués, oui ou non ? demanda Suva d’une voix presque plaintive.

— Nous, oui, répondit Navarro. Pas eux, j’en ai peur.

— Nous avons fait deux prisonniers sur l’Invulnérable et nous les avons ramenés, signala Geary.

— Deux prisonniers qui ne peuvent rien nous apprendre, lâcha Navarro avec un écœurement marqué. Ils ont reçu un conditionnement mental si puissant que le premier est devenu catatonique sous nos yeux et que le second est à peine conscient. Nous ne pouvons rien prouver de l’implication officielle des Syndics dans ces agressions.

— On se moque de la preuve ! On connaît déjà la vérité ! Ils doivent périr ! Il faut les achever ! insista Costa.