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— “Ils vous ont appris” ? s’étonna Costa, sceptique. Comment cela ? Je croyais que vos communications restaient rudimentaires ?

— Ils nous ont dit qu’ils devaient se rendre dans un certain système. Ils se sont servis des pictogrammes pour devoir et voyager, de sorte que toute autre interprétation est exclue, répondit Rione. Idem, à de multiples reprises, pour leur condition préalable – si-alors – à des négociations ultérieures. »

Rione sortit sa tablette de données et tapa une commande : l’image en 3D de caractères anguleux apparut au-dessus. « Et ils nous ont montré ceci. C’est un mot formé à partir de caractères de l’alphabet d’une des langues les plus répandues de l’antiquité humaine, de sorte que nos systèmes n’ont eu aucune peine à le traduire. L’un de nous pourrait même le deviner plus ou moins, puisque notre langage actuel en dérive.

— Que dit-il ? s’enquit Navarro, un tantinet sidéré.

— Kansas.

— Quoi ?

— Ce mot antique est “Kansas”, expliqua Rione. Nous leur avons posé la question de toutes les façons possibles et les Danseurs ont persisté à nous répondre, par tous les moyens qui leur étaient accessibles, qu’ils devaient se rendre au Kansas.

— Où est-ce, bon sang ? demanda Costa. Je n’ai jamais entendu parler d’une étoile du nom de Kansas.

— Nous avons localisé le Kansas, dit Rione. Ce n’est ni une étoile ni une planète. C’est un lieu-dit d’une planète, l’ancien nom d’une région ou d’une province.

— Quelle planète et quelle étoile ? interrogea Navarro.

— La Vieille Terre. Le Système solaire. »

Le silence qui s’ensuivit fut si général et profond que la chute d’une aiguille aurait fait l’effet d’une explosion.

Quand Navarro le brisa, il chuchotait quasiment. Pourtant sa voix parut porter de manière surnaturelle. « La Vieille Terre ? Ils veulent aller sur la Vieille Terre ?

— Ils ont beaucoup insisté, répondit Rione.

— Pourquoi ?

— Ils ne peuvent pas ou ne veulent pas l’expliquer. Du moins tant qu’on ne les y aura pas conduits.

— Impossible, se rebella Costa. Mener des extraterrestres au Système solaire ? Sur la Vieille Terre elle-même, berceau de l’humanité, foyer de nos ancêtres ? On ne peut pas faire ça. »

Suva se tourna instantanément vers Costa, son vieil adversaire politique. « Ce sont les représentants de la première espèce intelligente non humaine qui cherche à communiquer avec nous. Ne pas les offenser est d’une importance critique.

— Ce qui est surtout d’une importance critique, c’est de ne pas permettre à une poignée de vaisseaux extraterrestres de larguer un déstabilisateur stellaire dans le Soleil !

— Ces extraterrestres nous ont aidés ! Ils ont aidé des gens, fit remarquer Unruh. Rien ne prouve qu’ils soient hostiles.

— Mais regardez-les, bon sang ! s’insurgea Wilkes. Nous sommes censés les amener sur le site le plus sacré de la Galaxie ? Ces monstres ?

— Jugez-les sur leurs actes, intervint Geary.

— Mais vous ne pouvez même pas nous dire pourquoi ils veulent s’y rendre ! Comment ont-ils seulement entendu parler de ce Kansas ?

— Minute ! s’égosilla Sakaï, un autre concert de récriminations menaçant de se faire entendre. Dites-moi une chose, amiral Geary. Vous connaissez les vaisseaux de ces Danseurs. Pourraient-ils gagner la Vieille Terre de leur propre chef ?

— Bien sûr, répondit-il en se demandant où l’autre voulait en venir. Ils disposent de l’équivalent de nos propulsions par sauts successifs, qui semble avoir la même portée que notre propre équipement.

— On les aurait vus et arrêtés, ironisa Costa.

— Les Danseurs jouissent d’excellentes capacités furtives, répondit Geary. Meilleures que les nôtres pour des objets aussi gros que leurs vaisseaux. Même si on les détectait, ils n’auraient aucun mal à déjouer toute tentative humaine pour les intercepter. Et nous ignorons depuis quand ils connaissent le voyage interstellaire et l’espace du saut, et depuis quand ils disposent de ces capacités. Si bien que nous ne savons pas à quand remonte leur première visite à la Vieille Terre. »

Sakaï opina lentement. « Ils pourraient donc se rendre n’importe où dans l’espace humain ? Et l’avoir déjà exploré à notre insu ?

— Oui, sénateur. Dans mon rapport, j’émets l’hypothèse qu’ils y seraient déjà entrés, du moins aussi loin que la frontière extérieure de l’Alliance. Ils en ont reconnu l’emblème.

— Pourtant ils nous en demandent la permission. Nous prient de les conduire à la Vieille Terre alors qu’ils pourraient s’y rendre sans notre autorisation. » Ayant exposé son point de vue, Sakaï regarda autour de lui. « Comment savoir ce qu’ils veulent y faire ? En les y menant, tout simplement.

— Et s’ils nous étaient secrètement hostiles ? protesta Costa, morose. Qu’arriverait-il ? Sol est sans défense. La mère patrie est démilitarisée et neutre depuis des siècles.

— Nous escorterions les vaisseaux des Danseurs, avança Sakaï. Tant pour les défendre, eux, que pour défendre Sol contre eux si besoin.

— Nous ne pouvons pas envoyer une flotte de vaisseaux de guerre à Sol, objecta Suva. Ce serait politiquement irrecevable. Le tollé consécutif nous vaudrait d’être démis de nos fonctions et tous les systèmes stellaires n’appartenant pas à l’Alliance se retourneraient contre elle.

— Comment nous en tirer ? demanda Navarro en faisant des yeux le tour de la table. Qu’est-ce qui serait politiquement acceptable ? »

Sakaï s’adressa de nouveau à Geary. « Amiral, l’Alliance a-t-elle déjà envoyé des vaisseaux de guerre dans le Système solaire avant la guerre ? »

Geary hocha la tête. « Oui, sénateur. » Il avait réussi jusque-là à faire une croix sur tout ce qu’il avait connu un siècle plus tôt et à s’adapter de son mieux à cette époque, mais des questions comme celles que venait de lui poser Sakaï le ramenaient trop viscéralement à son existence de jadis, remontant, pour tous ceux qui l’entouraient, à un lointain passé. « L’Alliance envoyait un vaisseau tous les dix ans à l’occasion de commémorations.

— Un seul ? demanda Suva en dévisageant Geary d’un œil méfiant.

— Oui, sénateur. Un seul. Bon, la flotte était beaucoup plus réduite à l’époque, bien sûr, mais, par respect pour la mère patrie, il s’agissait d’ordinaire d’un gros bâtiment. D’un cuirassé ou d’un croiseur de combat.

— Un croiseur de combat ? » Navarro opina, souriant. « L’Indomptable, votre vaisseau amiral, est un croiseur de combat et un bâtiment dont l’équipage s’est distingué par son héroïsme et son sens de l’honneur. »

Tout le monde semblait s’attendre à une réponse de Geary, de sorte qu’il retourna son hochement de tête à Navarro. « Je me garderai bien de contester cette description de l’Indomptable et de son équipage.

— Et de son commandant, assurément, persifla Costa.

— Un vaisseau bien assez gros pour embarquer dans ce voyage des représentants du gouvernement triés sur le volet, veiller à ce que tous se sentent suffisamment bien représentés et mener les négociations que les Danseurs entendent entamer à leur arrivée dans ce Kansas, ajouta Sakaï sans relever la pique de Costa relative à la relation intime de Geary et Desjani.

— Un croiseur de combat ? demanda Costa, le regard calculateur. Et les… positions de tous seraient équitablement représentées ? Je veux bien tremper là-dedans.