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— Que s’est-il passé ? demanda-t-il.

— C’est à vous qu’il faudrait le demander, rétorqua Confiant.

Servaz le foudroya du regard. L’espace d’un instant, il rêva que le jeune juge était une fragile porcelaine et lui un marteau. Puis il se tourna vers Cathy d’Humières.

— C’est Perrault ? dit-il en désignant le corps sous la bâche.

Elle hocha la tête affirmativement.

— Il m’a appelé sur mon portable, expliqua-t-il. Il voulait me parler de toute urgence. De toute évidence, il avait peur, il se sentait menacé. Il m’a donné rendez-vous là-haut. J’ai prévenu le capitaine Ziegler et j’ai foncé.

— Et vous n’avez pas jugé bon de demander des renforts ? dit Confiant.

— Le temps pressait. Il voulait que je vienne seul. Il ne voulait parler qu’à moi.

Confiant le fixait avec des yeux étincelant de fureur. Cathy d’Humières était pensive. Servaz jeta un nouveau coup d’œil à la forme bâchée allongée sur la civière roulante : des techniciens étaient en train de replier les roues de la civière et de la charger à bord de l’ambulance. Il ne vit pas le légiste. À l’évidence, celui-ci était déjà reparti. Il aperçut des badauds au-delà du ruban de sécurité, à l’autre bout du parking. Soudain, l’éclair d’un flash explosa. Puis un deuxième. L’hélicoptère avait dû se poser, on ne l’entendait plus.

— Et le tueur ? dit-il.

— Il a filé.

— Comment ?

— Quand la cabine est apparue, il manquait une vitre et Perrault était pendu en dessous, dit Maillard. C’est à ce moment-là que nous avons tout bloqué. Il y a un endroit où les télécabines croisent un sentier qui monte à la station. Il est assez large et, l’hiver, il sert de piste pour ceux qui veulent redescendre à skis jusqu’à Saint-Martin. Il y a une hauteur d’environ quatre mètres entre les cabines et le sentier. Mais votre type s’est probablement servi pour descendre de l’autre bout de la corde qu’il a utilisée pour pendre Perrault. Ensuite, un bon skieur est en bas en trois minutes.

— Où aboutit le sentier ?

— Derrière les thermes. (Maillard désigna la montagne.) Le quartier des thermes se trouve à l’est de cette montagne. Le sentier s’enroule autour et vient déboucher juste derrière le bâtiment, à l’abri des regards.

Servaz revit le grand édifice, il était passé devant à deux reprises. Une vaste esplanade rectangulaire, fermée sur un côté par les thermes adossés à la montagne boisée ; ils dataient du XIXe siècle mais ils avaient été rénovés et on leur avait adjoint une partie moderne entièrement vitrée. Les trois autres côtés de l’esplanade étaient occupés par des hôtels et des cafés. Au milieu, un parking. Et, par conséquent, des dizaines de voitures…

— C’est là qu’on perd sa trace, dit Maillard.

— Vous avez intégré le sentier à la scène de crime ?

— Oui, nous avons fermé le périmètre et une équipe de techniciens est en train d’examiner chaque mètre depuis les télécabines jusqu’au parking des thermes.

— Il a bien calcule son coup, fit remarquer Ziegler.

— Pourtant, il n’a pas eu beaucoup de temps.

— Comment a-t-il fait pour être au courant de l’appel au secours de Perrault ? demanda la gendarme.

Ils méditèrent un instant cette question, mais personne n’avait de réponse satisfaisante.

— La corde utilisée est une corde dynamique, dit Maillard. Du bon matériel d’alpinisme. Il l’avait peut-être en permanence dans sa voiture, tout comme les skis. Ensuite, il a pu la planquer dans un sac à dos.

— Quelqu’un de sportif, commenta Ziegler. Et qui n’a pas froid aux yeux.

Servaz acquiesça.

— Il devait être armé. Perrault n’aurait jamais accepté de monter avec lui sans ça. Mais je n’ai vu ni l’arme ni les skis ni le sac. Tout ça s’est passé très vite. Et je n’ai pas vraiment fait attention à ce qu’il y avait dans la cabine.

Le visage de Perrault… Défiguré par la peur… Il ne parvenait pas à le chasser de son esprit…

— Dans quelle position était-il par rapport à Perrault ? demanda Ziegler.

— Perrault était le plus proche, le tueur se tenait derrière lui.

— Perrault avait peut-être le canon de l’arme sur les reins. Ou bien une lame…

— Possible… Une mise en scène, encore une fois… Malgré le manque de temps. Il est rapide… et arrogant… Trop arrogant, peut-être… Quand les cabines ont été proches, il s’est planqué derrière Perrault, ajouta soudain Servaz en fronçant les sourcils.

— Pour quoi faire puisqu’il portait une cagoule ?

— Pour que je ne voie pas ses yeux.

Ziegler l’observait intensément.

— Tu veux dire qu’il avait peur que tu le reconnaisses ?

— Oui. C’est donc quelqu’un que j’ai déjà vu. Et que j’ai vu de près.

— Il faut interroger le guichetier, dit-il. Lui demander s’il a vu quelqu’un.

— C’est déjà fait. Il a reconnu Perrault. Ensuite, il est formel : personne n’est monté… jusqu’à toi…

— Comment est-ce possible ?

— Saint-Martin 2000 est aussi accessible par la route. Dix minutes environ à partir de la sortie sud de la ville. Il a largement eu le temps de monter par là.

Servaz réfléchit à la topographie. La sortie sud de la ville partait de la place des Thermes et finissait en cul-de-sac douze kilomètres plus loin, à quelques jets de pierre de la frontière espagnole. C’était cette vallée qu’il avait empruntée pour se rendre à la cabane de Grimm. De cette route en partait une autre qui montait à la station.

— Dans ce cas, il faut deux voitures, dit-il. Une en haut, une en bas.

— Oui. Et probablement quelqu’un qui l’attendait en bas, enchaîna Ziegler. Devant les thermes. À moins qu’il n’ait eu un deuxième véhicule garé depuis longtemps sur le parking.

— Le premier véhicule est peut-être encore là-haut. Vous avez placé un barrage sur la route de la station ? demanda-t-il à Maillard.

— Oui, on est en train de contrôler toutes les voitures qui en descendent. Et on va contrôler toutes celles qui sont restées là-haut.

— Ils sont deux, dit Ziegler.

Servaz la dévisagea.

— Oui. Ils étaient déjà deux à la centrale, et ils étaient deux cette fois encore.

Brusquement, il pensa à autre chose.

— Il faut appeler l’Institut — tout de suite.

— Ça aussi, c’est fait : Hirtmann est dans sa cellule. Il ne l’a pas quittée de la matinée. Deux personnes de l’Institut se sont entretenues avec lui et Xavier lui-même est allé vérifier.

Confiant fixait Servaz, l’air de dire « je vous l’avais bien dit ».

— Cette fois, la presse va se déchaîner, dit d’Humières. Nous allons avoir droit aux gros titres, et pas seulement ceux de la presse locale. Pas question que chacun fasse des déclarations intempestives de son côté.

Servaz et Ziegler ne dirent rien.

— Je propose que le juge Confiant et moi, nous nous chargions des rapports avec la presse. Pour les autres, silence radio. L’enquête suit son cours, nous avons plusieurs pistes. Rien d’autre. S’ils veulent des détails, ils s’adressent à moi ou à Martial.