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livre noir où s’inscrivent les notes les plus importantes sur le crédit public, sur la Banque, sur le Commerce. Casuistes de la Bourse, nous formons un Saint-Office où se jugent et s’analysent les actions les plus indifférentes de tous les gens qui possèdent une fortune quelconque, et nous devinons toujours vrai. Celui-ci surveille la masse judiciaire, celui-là la masse financière; l’un la masse administrative, l’autre la masse commerciale. Moi, j’ai l’œil sur les fils de famille, les artistes, les gens du monde, et sur les joueurs, la partie la plus émouvante de Paris. Chacun nous dit les secrets du voisin. Les passions trompées, les vanités froissées sont bavardes. Les vices, les désappointements, les vengeances sont les meilleurs agents de police. Comme moi, tous mes confrères ont joui de tout, se sont rassasiés de tout, et sont arrivés à n’aimer le pouvoir et l’argent que pour le pouvoir et l’argent même. Ici, dit-il, en me montrant sa chambre nue et froide, l’amant le plus fougueux qui s’irrite ailleurs d’une parole et tire l’épée pour un mot, prie à mains jointes! Ici le négociant le plus orgueilleux, ici la femme la plus vaine de sa beauté, ici le militaire le plus fier prient tous, la larme à l’œil ou de rage ou de douleur. Ici prient l’artiste le plus célèbre et l’écrivain dont les noms sont promis à la postérité. Ici enfin, ajouta-t-il en portant la main à son front, se trouve une balance dans laquelle se pèsent les successions et les intérêts de Paris tout entier. Croyez-vous maintenant qu’il n’y ait pas de jouissances sous ce masque blanc dont l’immobilité vous a si souvent étonné, dit-il en me tendant son visage blême qui sentait l’argent. Je retournai chez moi stupéfait. Ce petit vieillard sec avait grandi. Il s’était changé à mes yeux en une image fantastique où se personnifiait le pouvoir de l’or. La vie, les hommes me faisaient horreur. – Tout doit-il donc se résoudre par l’argent? me demandais-je. Je me souviens de ne m’être endormi que très-tard. Je voyais des monceaux d’or autour de moi. La belle comtesse m’occupa. J’avouerai à ma honte qu’elle éclipsait complètement l’image de la simple et chaste créature vouée au travail et à l’obscurité; mais le lendemain matin, à travers les nuées de mon réveil, la douce Fanny m’apparut dans toute sa beauté, je ne pensai plus qu’à elle.