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— On dirait un trait d’arbalète, constata Starling.

— Donc, une deuxième personne, peut-être celle à l’arbalète, a fini de découper le chevreuil, en s’y prenant beaucoup mieux que ce gus, et puis, mon Dieu… Il ou elle s’est occupé du mec aussi. Regardez avec quelle précision la peau est incisée : c’est assuré, c’est… volontaire. Rien d’abîmé, rien de perdu. Un maître-boucher n’aurait pas mieux fait. Aucune trace de sévices sexuels sur les corps. C’est juste la viande qui l’intéressait.

Starling porta ses phalanges à ses lèvres. Une seconde, le médecin crut qu’elle baisait une amulette.

— Est-ce que les foies ont été enlevés, docteur Hollingsworth ?

Il la contempla un moment par-dessus ses lunettes.

— Celui du chevreuil a disparu, en effet. Apparemment, le foie de ce monsieur n’a pas été jugé assez appétissant. Il a été en partie excisé pour être examiné, il y a une incision le long de la veine porte. L’organe est cirrhosé, décoloré. Il est toujours dans le cadavre. Vous voulez jeter un œil ?

— Non merci. Et le thymus?

— Les ris, n’est-ce pas ? Enlevés chez les deux, oui. Dites, personne n’a encore cité de nom, si ?

— Non. Pas encore.

La porte du sas s’ouvrit dans un soupir. Un homme mince et tanné, en veste de tweed et pantalon de toile kaki, apparut dans l’embrasure.

— Alors, shérif, comment va Carleton ? lança Hollingsworth. Agent Starling, je vous présente le shérif Dumas. Le frère du shérif est en réanimation cardiologique ici.

— Il tient le coup. Ils disent que son état est « stable », « stationnaire », ou je ne sais quoi encore…

Puis, par dessus son épaule

— Viens un peu par là, Wilburn.

Après avoir serré la main à Starling, il lui montra d’un geste le nouveau venu.

— Wilburn Moody, garde-chasse.

— Si vous préférez ne pas vous éloigner de votre frère, nous pouvons parler là-haut, shérif, proposa Starling.

— Non, ils ne me laisseront pas m’approcher de lui avant une heure et demie encore. Euh, ne vous vexez pas, miss, mais c’est Jack Crawford que j’ai appelé. Il va venir ?

— Il est retenu au tribunal. Quand vous avez téléphoné, il était en pleine déposition. Je suis sûre qu’il va nous contacter très vite. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de nous avoir prévenus aussi rapidement, shérif.

— Ce vieux Crawford a été mon prof à Quantico il y a des lustres de ça. Un type au poil. Enfin, s’il vous envoie, c’est que vous devez connaître votre boulot. Bon, on y va?

— Quand vous voudrez, shérif.

Dumas sortit un calepin de la poche de sa veste.

— L’individu ici présent avec une flèche dans le crâne est Donnie Leo Barber, sexe masculin, Blanc, trente-deux ans, domicilié au caravaning de Cameron. Pas d’emploi stable, à ma connaissance. Rayé des cadres de l’US Air Force avec blâme il y a quatre ans. Mécanicien aéronautique certifié pendant un temps. Une amende pour utilisation d’armes à feu en ville, une autre pour violation de propriété privée pendant la dernière saison de chasse. A plaidé coupable dans une affaire de braconnage au chevreuil dans le comté de Summit en… C’était quand, Wilburn ?

— Il y a deux ans. Il venait juste de récupérer son permis de chasse. Le bonhomme était bien connu, chez nous. Ça tire sans se soucier de ce que devient l’animal, il en blesse un, il en attend un autre. Tenez, une fois…

— Raconte-nous ce que tu as trouvé aujourd’hui, Wilburn.

— Ben, je roulais sur la forestière 47, à environ un kilomètre et demi du pont, il devait être dans les sept heures du matin, quand je vois le vieux Peckman qui me fait signe d’arrêter. Il avait une main sur le cœur, le souffle coupé, incapable de prononcer un mot, sauf qu’il me montrait du doigt un point dans les bois. J’ai dû faire… oh, pas plus de cent cinquante mètres dans les taillis, et voilà que je tombe sur le Barber ici présent effondré contre un arbre avec une flèche au milieu de la tête, et ce chevreuil-ci à côté. Ils étaient raides tous les deux, d’hier au moins.

— Hier matin très tôt, je dirais, compléta Hollingsworth.

— Mais la saison, c’est ce matin qu’elle ouvrait, reprit le garde-chasse. Et ce gars-là avait une nacelle d’observation qu’il n’avait pas encore installée dans un arbre. Ou bien il voulait préparer sa position pour aujourd’hui, ou bien il était encore en train de braconner, mais enfin, si c’était rien que pour mettre la nacelle, je vois pas pourquoi il avait pris son arc… Enfin, ce joli chevreuil-là s’est pointé et il a pas pu résister à la tentation. J’en connais plein qui feraient pareil. C’est devenu banal comme tout, ce genre de comportement. Et puis l’autre lui est tombé dessus pendant qu’il dépeçait la bête. Au point de vue traces, impossible de dire parce qu’il y a eu une grosse averse et…

— Et c’est pour ça qu’on a pris des photos et qu’on a emporté les corps, intervint le shérif. Le vieux Peckman, c’est le propriétaire de ces bois. Barber avait une autorisation de chasse sur sa réserve en bonne et due forme, signée par Peckman, mais à partir d’aujourd’hui seulement. Il loue chaque année son droit de chasse, Peckman, il charge un courtier de s’en occuper. Barber avait aussi une lettre dans sa poche lui annonçant qu’il avait gagné deux jours pour le chevreuil. Toutes ses affaires sont trempées, miss Starling. Je n’ai rien contre nos gars d’ici, mais je me demandais si vous ne devriez pas relever les empreintes à votre labo. Les flèches aussi, elles sont mouillées. On a essayé de ne pas les toucher.

— Vous voulez les prendre avec vous, miss Starling ? demanda Hollingsworth. Et comment je vous les enlève ?

— Si vous pouviez les tenir avec des pinces pendant que vous les sciez en deux au niveau de l’épiderme, je les fixerais sur mon support de preuves avec des colliers plastiques, lui répondit-elle en ouvrant déjà sa mallette.

— Je ne crois pas qu’il y ait eu bagarre, mais vous voulez un prélèvement sous les ongles, au cas où ?

— Je préférerais avoir des rognures pour le test ADN. Pas besoin de les identifier doigt par doigt mais ce serait bien de spécifier main droite et main gauche, docteur.

— Vous êtes équipés pour les amplifications en chaîne par polymérase synchronisée ?

— Au labo central, ils le sont. On aura quelque chose pour vous d’ici trois ou quatre jours, shérif.

— Et le sang du chevreuil, vous pouvez aussi l’analyser? demanda Moody, le garde-chasse.

— Ça non. On peut juste confirmer que c’est du sang d’animal.

— Et si vous veniez de trouver la viande de c’te bête dans le frigo d’un bonhomme, miss ? insista Moody. Vous aimeriez bien être sûre qu’il s’agit de la même, pas vrai ? Nous, des fois, on est forcés d’identifier un animal par rapport à un autre avec son sang, dans des affaires de braconnage. Chaque chevreuil est différent, sur ce plan. Vous pensiez pas, hein ? Alors on doit envoyer un échantillon sanguin à Portland, au Service de la chasse et de la pêche de l’Oregon, et si vous avez la patience d’attendre ils finissent par vous dire, tiens, ça c’est le chevreuil numéro un, ou « Sujet A », avec tout un tas de chiffres, comme ils font souvent, puisqu’ils ont pas de nom à eux, les chevreuils, hein ? En tout cas, c’est ce qu’on connaît, nous autres.