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— Oughterard, mylord, please. Il vous suffit de contourner le lac.

Ma requête provoque une réaction de sa part.

— Si j’en crois la radio, vous n’êtes guère en odeur de sainteté dans cette aimable localité ? objecte-t-il.

— Justement, mon cher ami, je brûle de m’y faire absoudre. J’ai horreur de laisser une fâcheuse impression derrière moi.

* * *

Les deux maussades personnages nous ramènent au pays natal de Vernon O’Bannon. Tout dort et il serait vain de chercher les traces de la tragédie qui créa un si grand émoi dans la localité. Les rues sont vides, les façades obscures. Pas la moindre trace de poulardins. L’Irlande, c’est ça : la dorme avant tout ! Les pays tranquilles, tu remarqueras l’importance du sommeil. Ils sont somnolents par essence. Léthargiques, quoi. Faut qu’ils roupillent. Eux autres, l’I.R.A., bon, d’accord, les révolutions, révoltes, guerres religieuses ça les met en effervescence mais ne les empêche pas d’en écraser. Le plus fortiche, c’est qu’on n’aperçoit même pas une guinde policière. Les enseignes (de vaisselle, y a pas de vaisseaux à Oughterard) grinçaillent au vent d’ouest (ou d’est, ce que j’en ai à branler, moi alors !). J’ordonne à mon noble chauffeur de nous stopper before l’auberge.

— Attendez-moi ici, enjoins-je. Béru, tu tiens compagnie à ces messieurs, n’est-ce pas ?

— Soye tranquille, mec !

Tout à fait entre nous et la cathédrale de Chartres, faut être gonflaga pour revenir sur le terrain de nos exploits. Mais tu sais de longue date ma témérité ? Au plus y a de risques, au plus je suis partant. Bayard, en comparaison, c’était le dernier des foireux, un brunisseur de slip, un castagnetteur de dentier.

Nanti de mon petit sésame, je délourde la porte de l’hôtel, monte sans bruit jusqu’à ma chambre, donne la luce et redescends.

Où ? tout simplement dans la salle de restaurant dont la baie en rotonde permet une vue imprenable sur la rue principale du village. Je m’embusque derrière une magnifique plante verte posée dans l’embrasure. Ainsi tapi dans l’ombre, j’attends. Ça te ta coupe, hein ? Remarque, pour le peu que tu disposes…

Que je t’explique mon raisonnement simpliste. (Tout ce que j’avance au plan philosophique est d’un simplisme à se pisser contre, c’est ce qui me permet d’être compris de tous. Se faire comprendre des gens intelligents, c’est facile, voilà pourquoi mes zillustres confrères se mettent la gamberge en « 8 » pour chier des phrases hermétiques, manière de compliquer un peu le jeu. Ce faisant, ils se ferment à double tour la comprenette des moudus. Tandis que moi, je pense au con avant tout. Si le con me comprend, à plus forte raison le génie. Les grands penseurs qui sont souvent très cons — t’as qu’à les écouter rabâcher à la téloche — négligent les analphabètes, les consternants de la coiffe, les gélatineux du bulbe. Conclusion : ils doivent se contenter d’un lectorat réduit. Ils sont triomphants parce qu’ils ne touchent qu’une élite. Y a pas de quoi pavoiser, cependant, parce que l’élite est minoritaire et qu’on a jamais rien gouverné — pas même un bol de soupe — avec une minorité.)

Alors, pour te revenir à mon raisonnement élémentaire (à terre), il est ceci : O’Bannon est venu se planquer à Oughterard. Il y dispose d’une équipe qui réagit à tout ce qui bronche. A preuve, nous fûmes suivis dès notre première visite aux Aïlikitt, trois terreurs ont pénétré dans ma carrée dès la première nuit, une infirmière extrêmement spéciale occupa la demeure de ma dulcinée dès que nous eûmes le dos tourné. La police a été immédiatement alertée de ce qui se passait chez l’assureur alors que nous nous trouvions encore sur les lieux, le Gros et moi. Donc, sans qu’il y paraisse, Oughterard a des yeux et des oreilles venus d’ailleurs et qui guettent dans le silence de la nuit. Notre seule chance de pouvoir renouer avec ces mystérieuses gens, c’est de nous signaler à leur attention afin de leur donner envie d’intervenir une fois de plus.

Bien entendu, cette attitude comporte des risques. Mais nous sommes ici pour les assumer. Et voilà, poum ! J’te connais bien, remettez-nous ça, la patronne ! Je mijote derrière ma plante verte, un casus belli à corolle esbroufante, pendant une bonne quinzaine de minutes qui finissent par constituer un quart d’heure (de matelas). Rien ! Que dis-je, rien : nothing ! Le village est mort pour le compte. Il ne se remettra à vivre que demain morninge. Les troupes o’bannonaises auraient-elles évacué la place ?

— Dans la bagnole, les trois occupants doivent commencer à se faire vioques. Pourvu que Mister Mastar ne s’endorme pas ! Et c’est alors que je perçois un grincement à l’intérieur de l’hôtel. Aurais-je réveillé les tauliers ?

Pas de doute : on marche à l’étage au-dessus. C’est feutré, prudent, circonspect et tout ce que tu pourras ajouter pour renforcer cette idée sera le bienvenu, moi j’ai pas tellement de temps à perdre dans un bouquin qui ne sera ni repris ni échangé. Je me coule jusqu’au hall. Les baffles en alerte, je sonde les entrailles de l’auberge. Oui : quelqu’un se déplace au premier. Et quand on possède deux tympans aussi exercés que les miens, on est prêt à parier le contenu de sa culotte contre le vide de la tienne, que ce discret glissement s’opère dans ma chambre, laquelle est située au fond du couloir. Alors je fais, tu sais quoi ? Ni une ni deux, oui ! Un grand coup d’oxygène car je n’aurai pas le temps de respirer pendant le trajet et je m’élance dans l’escadrin.

La personne qui me visite nuitamment bat en retraite en entendant ma charge. Mais mon rush est si prompt que je me trouve nez à nez avec elle sur le palier du first floor. Je m’attendais à beaucoup.

Pas à ça !

— Hello, Cathy !

La fille kidnappée de Vernon O’Bannon. La merveille qui oublie ses slips en quittant les hôtels. Les bras ne m’en tombent pas, Dieu thank you, j’en ai bien trop besoin pour agripper mon Agrippine. Elle porte une chemise de nuit si légère qu’on n’a aucune peine à l’oublier. Vue à contre-jour, grâce au rectangle de clarté provenant de ma chambre, elle propose la plus ensorcelante silhouette dont un gonzier puisse rêver après s’être cogné une bonbonne de L.S.D.

— Dieu soit loué, c’est vous ! s’exclame à voix basse (ce qui est difficile à réussir quand on n’a pas fait le conservatoire) l’admirable créature.

Je me demande si c’est du bacon ou du pig. Cependant l’exclamation lui est partie du cœur.

N’écoutant que le mien, je me livre au bonheur des retrouvailles en la pressant contre mon corps en émoi, parcouru de frissons indicibles et tout, quoi ! Pas besoin de te faire un dessin, y en a plein les vouatères publics. Elle est trémoussante. Elle fait « Ohh ! Aooo ! Aaaaaoh ! ». Je la ramène dans ma bédroume juste avant qu’elle largue définitivement les « o » pour ne plus proférer que des « a ». Le fade, sache-le une fois pour toutes, n’a besoin que d’une seule voyelle pour s’exprimer pleinement. Et cette voyelle, c’est le « a », uniquement. Elle est la voyelle voyouse intégrale. T’entendras jamais une sœur prendre son foot avec des « u », tu penserais qu’elle tourne charretière, ni avec des « i », t’aurais l’impression qu’elle se marre, si elle le faisait à renfort de « o » y te semblerait qu’elle s’étonne et ça te flanquerait des complexes inopportuns. J’en ai connu une qui jouissait en « y » mais elle était native d’Athènes. Quelquefois, cependant, des nanas grimpent en mayonnaise à l’aide du « e » muet. Généralement, ce sont des ancillaires ou des frigides. La soubrette que t’enfiles, elle se gêne un peu tout de même, comprends-tu ! Le « aaaaaa » elle le laisse à Madame parce que c’est franc et massif pour bruiter l’orgasme ; elle, programme commun ou pas, elle sait se contenter d’un « eeee » à deux mille balles par mois, nourrie, logée, blanchie. Tu la vois pas se permettre des « aaaaa » tonitruants pendant que tu la calces à la sauvette quand elle passe l’aspirateur. Ce serait vachetement indécent, moi je trouve. Les frigides, elles font « eeeeee » parce qu’elles ne savent pas faire « aaaaa », tout culment. Elles croivent que c’est ça, glapir au panard ! Elles ont entendu causer de la chose. Le comment les fières salopes poussent des bramades en déboulant dans les azurs du septième ciel. Elles ressentent rien, veulent imiter sans connaître, sans éprouver, les malheureuses biquettes, que si t’enfilerais un Corneski ce serait du kif. Alors elles y vont de leurs « eeee » misérables ; pour coïts de sous-traitants.