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Les échos retentissent. Ça bouzdingue à tout-va. Le canon tonne. Poum, poum, tralala ! Les trompettes, l’olifant de chichoune claironnent et clarinent. Y a lâcher de colombes sur la ville, de colombins sur les pavetons. Vive la couine ! Vive ! Vive ! T’occupe pas, Arthur : elle vivra ta Zabeth. Battra le record de dame Victoria son aïeule. C’est du bois dont on ne fait pas les pipes (sauf pour modèle) mais les règnes. On sent l’à quel point elle est parée pour toutes les ménopausetamies, la souveraine. Accueillera les Chinois quand ils traverseront le Channel. C’est de la nature coriace, inébranlable (Edimburg a jamais pu y parvenir). Vive ! Hurrah ! Gode save the queen ! Queen save the livre ! Guinée is good pour you !

Avec un tel braoum dans la propriété, je pourrais m’y pointer à motocyclette sans qu’on m’entende venir.

Ou bien les locataires sont sourdingues, ou bien ils écoutent la radio pendant que fonctionnent la machine à laver, l’aspirateur, le catarrhe du grand-père, la coqueluche du petit et le sommier de la bonne embroquée par le chauffeur.

Toujours rampant, je m’avance sur l’arrière de la house, en direction d’une porte étroite, comme les raffolait la mère Gide.

M’y voici. Je coule un œil. Oh, que c’est imprudent, ce que je fais là ! Me pointer seul et sans arme chez des tueurs ! Faut oser ! Etre la bravoure personnifiée. Si encore j’étais noir, je pourrais espérer faire illusion, mais non : blanc comme le lys dans la vallée, donc propice à toutes les souillures. Grand fou, va ! Si bien que j’avance. Impossible de résister dans ce cas pareil à l’attirance d’une lourde ouverte. Après tout, j’ai un aspect de cloche. Je fais irlandais. Je peux dire que je suis envoyé par le conseil communal pour m’assurer que ces étrangers ne manquent de rien. Ou bien que je suis le jardinier chargé d’entretenir les pelouses. Oui, plutôt.

Donc, je pénètre. La petite porte donne dans un étroit couloir. Une porte de cuisine entrebâillée me laisse apercevoir une sublime créature noire occupée à confectionner du café. Elle est nue ; sauf qu’elle porte un pansement à l’épaule. Je passe devant la cuisine pour pousser mes investigances. Le corridor conduit à une grande pièce qui devait être une buanderie, dans un premier temps, mais qui a vachement changé de vocation, comme tu vas pouvoir en juger si t’es pas trop glandu.

Figure-toi qu’on y a placé en son centre un immense bac de zinc d’au moins deux mètres zéro six de diamètre sur quelque trente centimètres de profondeur. Tout autour du bac, on a amené du sable. Un énorme projecteur éclaire et chauffe le local. Et ça fait la joie voluptueuse des deux énormes crocodiles qui se prélassent, mi dans l’eau, mi sur le sable chaud. Des crocodiles en Irlande ! Je sais bien qu’il y a des phoques, mais c’est plus compréhensible que ces bestioles. L’un d’eux, en m’apercevant, vagit. Car le crocodile vagit, que ça te plaise ou non. Alors, fissa, je relourde, déjà que les lézards me font froid dans le dos, alors des reptiles de ce gabarit, merci bien : je les fais cadeau à Hermès.

Une suée glacée m’inonde la limouille. Dans quel zoo viens-je de m’aventurer !

Courageusement, je poursuis mes pérégrinations. Ce que je magouille là, c’est pis que la roulette russe. D’une seconde à l’autre, je peux être vu. Le cas ayant échéé tout est à redouter. Alors ?

Une forte odeur de café frais. Un bruit de pas. La môme nue qui s’amène ! J’enquille la première lourde venue en priant Dieu pour qu’elle n’ouvre pas sur un vivarium empli d’araignées géantes, de serpents minute ou de scorpions.

Mais non, il s’agit bonnement des gogues.

Je pousse le verrou. Ouf ! Un instant de rémission ne me fera pas de mal.

Je réfléchis un tout petit brin d’instant et dans le silence de ces lieux propices au recueillement, me rends soudain compte qu’entre le courage et la folie il n’y a qu’un pas que je suis en train de faire. Voyons : il n’est pas possible que je me déplace dans cette maison sans être découvert. Pourquoi me flanquer dans la gueule du loup ? Ce serait du suicide !

Je lève les yeux vers le fenestron chargé d’aérer l’endroit. Malédiction, il est garni de barreaux de fer forgé.

Saint Antoine, de Padova ou du Fleuve Noir, pourquoi m’abandonnez-vous au moment le plus crucial ? Voyez combien je suis démuni et menacé ! Alors aidez-moi, please ! Et si vous n’avez pas de permis de travail pour l’Irlande, déléguez vos pouvoirs à saint Patrick, puisqu’il a la mainmise sur ce bled !

Comme il est judicieux d’élever son âme !

Ça t’incite à lever également les yeux.

Grâce à quoi, j’aperçois une espèce de trappe au plafond des chichemanes. Tiens donc, voilà qui n’est pas négligeable ! Sans doute s’agit-il de quelque conduit d’aération ou de n’importe quoi. On va bien voir.

L’Antonio, pas manche, se juche sur la lunette afin d’atteindre le plafond. Il pousse. Ça ne résiste que par le poids car il s’agit d’une simple plaque de tôle ripolinée. Un effort, la plaque se déplace tout ce qu’il y a de volontiers. Trois ou quatre nouvelles poussées exercées simultanément de bas en haut et de gauche à droite (pour rester dans le goût de l’époque) découvrent complètement l’orifice rectangulaire. D’un léger bond, j’en chope les bords. Un rétablissement et voici mon buste engagé dans la lucarne. Ho hisse ! Je m’élève à l’intérieur d’un grenier mansardé. C’est alors qu’un bruit caractéristique retentit juste sous moi. Un dégourdi avec malice vient de lâcher une rafale de mitraillette dans la porte des cagoinsses. Une douzaine de perforations en zigzag s’inscrivent dans le bois. La chasse d’eau placée derrière l’abattant du siège est crevée, de la flotte s’en échappe, très drue, comme jaillissant d’une fontaine. Madoué, si je m’étais attardé une minute de mieux dans ces chiottes, j’avais droit au potage et je ne me serais rendu compte de rien. Ces gens, décidément, ne s’embarrassent pas de préjugés. Ils vont au plus rapide, au plus radical. En tout cas, je ne perds rien pour attendre à présent qu’ils ont détecté ma présence.

Et je n’ai plus la ressource de leur faire le coup du jardinier. Toujours est-il que je remets la plaque de fer en place. Je traîne sur icelle l’inévitable malle qui moisit dans tous les greniers du monde. Bon voilà. Et alors ?

CHAPITRE XXVI

 ?

Ne sois pas surpris par ce titre de chapitre, ô lecteur malveillant, toujours prompt aux suspicions et aux sarcasmes.

Quand tu auras pris connaissance de ce qui va suivre, tu comprendras, dans la crasse nuiteuse de ton esprit, qu’aucun autre n’aurait su convenir. Tellement incroyable ! Stupéfiant ! Attends que je cherche un synonyme de renfort : effarant ! Ce que nul romancier aurait l’audace d’imaginer, je vais le vivre d’ici tout de suite. Et, qui mieux est, je vais te le faire vivre à toi aussi, pauvre imméritant. Sans espoir d’être cru. Oui, tel le chalutier fendant la tempête pour aller chercher l’huile de foie de morue tant haïe de nos bambins, je vais affronter ton incrédulité, contre tes vents et marrades, par respect de la vérité.

Prêt ?

Go !