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— Y a-t-il un moyen d’éviter qu’on vous punisse ?

— Officiellement ? Non.

— Vous pourriez venir avec nous, proposa Geary. Dans l’Alliance. »

Nkosi sourit. « Je tiens à affronter les conséquences de mes décisions, amiral. Je suis de la vieille école.

— C’est aussi passablement mon cas. Mais vous ne méritez pas la mort.

— Vous n’êtes pas forcé de mourir, ajouta Rione en relevant les yeux de sa tablette de données. Quel est l’impératif irrévocable de vos ordres, commandant ? »

Il la fixa en fronçant les sourcils. « Nous en avons déjà parlé. Interdire à toute contamination de s’échapper d’Europa.

— Par tous les moyens nécessaires, précisa Rione.

— Comment connaissez-vous mes ordres ?

— Peu importe. Ce qui compte, c’est que ce que nous nous proposons de faire reste pour vous le seul moyen de… »

La mimique de Nkosi vira à la stupéfaction. « D’interdire à la contamination de quitter Europa. Si j’obéis à mes ordres à la lettre, je dois vous permettre d’intervenir.

— Ce sera pour vous une défense suffisante ? s’enquit Geary.

— Suffisante ? Non. Parfaite. Nous sommes dans le système solaire. Nos concitoyens vénèrent les procédures écrites, les lois et les règlements comme d’autres adorent un dieu. On ne peut pas m’incriminer pour avoir suivi mes ordres à la lettre. Et je ne mourrai donc pas. »

Geary se rendit compte qu’il souriait pour la première fois depuis plusieurs heures. « Et les autres vaisseaux du secteur ont reçu les mêmes instructions ? Comment vont-ils réagir ?

— Ils demanderont conseil à leurs supérieurs, répondit Nkosi en haussant les épaules. Il n’est pas normalement de leur responsabilité de faire appliquer la quarantaine, mais ils sont contraints de nous prêter assistance si nous le leur demandons. Si je ne le fais pas… le seul qui pourrait intervenir est Cole, de l’Ombre. Il n’est pas homme à faillir à son devoir, quoi qu’il implique.

— Devrons-nous l’arrêter ? demanda Geary.

— Je lui parlerai. Cole est un cabochard mais pas un imbécile. Il comprendra lui aussi que je n’ai d’autre choix que d’espérer la réussite de votre plan. » Nkosi chercha les yeux de Geary. « Je ferai partie de ceux qui assisteront à votre intervention depuis votre vaisseau.

— Assurément. Nous aurons besoin de vous et de tout le personnel que vous tiendrez à embarquer, et le plus tôt possible, pour mener à bien cette opération.

— Je vais faire préparer une navette. Permettez-moi d’appeler d’abord le lieutenant Cole pour m’assurer qu’il fera preuve dans cette affaire d’une prudence et d’une circonspection bien atypiques de sa part. »

Deux sous-offs, qu’il présenta comme des experts en systèmes de visée et d’armement, accompagnaient Nkosi, ainsi que son médecin de bord militaire, le docteur Palden. Le commandant resta auprès de Geary pendant que la chef Tarrini prenait les deux sous-offs en main. Le docteur Palden, femme d’âge mûr au regard perçant, assaillait le docteur Nasr de questions quand ils entreprirent de se diriger vers le lazaret.

« C’est un très bon médecin, affirma Nkosi. Très dévoué. Elle est avide de découvrir votre matériel médical.

— J’aimerais que vous inspectiez mes fusiliers avant leur départ », déclara Geary. Il conduisit Nkosi à la soute des navettes, où les quarante fusiliers les attendaient en rang. Dans leur cuirasse de combat, ils ressemblaient davantage à des ogres qu’à des êtres humains : c’était un spectacle intimidant, même quand on y était accoutumé.

Si Nkosi était décontenancé, il ne le montra d’aucune façon lorsqu’il inspecta les cuirasses et étudia les spécifications que lui déclinait Geary. « Très impressionnant, finit-il par laisser tomber. Nos cuirasses ne sauraient rivaliser avec les vôtres, mais il faut dire aussi que nous sommes en paix depuis de nombreuses années. »

Près des fusiliers, deux cuirasses d’appoint gisaient sur le pont. Nkosi les observa un instant puis baissa la tête, ferma les yeux et marmonna quelques mots, trop bas pour que Geary puisse l’entendre. « C’est là le facteur critique, dit-il à Geary en relevant la tête. Vos soldats sont-ils conscients qu’ils doivent tout faire pour éviter la contamination de vos deux lieutenants avant de leur faire endosser ces cuirasses ?

— Oui, mon commandant, affirma le sergent artilleur Orvis avant que Geary eût pu répondre. Nos ordres concernant les preneurs d’otages ont-ils changé, amiral ?

— Non. Faites-les sortir s’il le faut, mais uniquement si vous le devez. Si vous réussissez à entrer dans l’appareil et à en ressortir sans les tuer, ce sera parfait. Assurez-vous seulement que sa propulsion et ses systèmes de manœuvre soient trop endommagés pour lui permettre de redécoller. »

Orvis salua en portant sa main cuirassée à la tempe du casque lourd qui masquait entièrement sa tête. « Vu, amiral. On abîme l’appareil mais pas l’équipage, à moins qu’il ne nous force à jouer les méchants.

— Satisfait ? demanda Geary à Nkosi.

— Personnellement, oui. Mais je dois m’entretenir avec le docteur Palden. »

Geary appela le lazaret. Nasr affichait apparemment un grand calme, mais, à voir la tête qu’il tirait, Palden avait dû sérieusement lui tanner le cuir. En réponse aux questions de Nkosi, elle concéda en maugréant que le matériel disponible et les procédures envisagées seraient « conformes ».

Le commandant consulta ses sous-offs spécialistes, qui manifestèrent un bien plus grand enthousiasme. « C’est franchement du matos de pointe, affirma l’un des deux. Ils pourront faire ce qu’ils disent.

— Je suis satisfait, affirma le commandant Nkosi.

— Embarquez sur les navettes et préparez-vous au largage », ordonna Geary à Orvis.

Il conduisit Nkosi à la passerelle, où Tanya Desjani était déjà installée. « Déclenchez l’opération dès que vous serez prête, commandant, lui dit Geary.

— Merci, amiral. » Desjani pianota sur ses touches de com. « Lancez l’opération de récupération des otages. Largage des deux navettes. Tout le personnel reste en état d’alerte rouge. »

Tout en prenant place sur son propre siège, voisin de celui de Desjani, Geary appela l’envoyé Charban, qui était resté terré dans sa cabine pendant les deux derniers jours pour garder un contact constant avec les vaisseaux des Danseurs. « Comment vous sentez-vous, général ? »

Charban afficha une moue écœurée avant de répondre : « Au trente-sixième dessous. De quoi j’ai l’air ?

— Comme vous venez de le dire », admit Geary. À bien l’observer, Charban avait déjà dû recourir à plus d’un patch stimulant pour rester frais et dispos. « Les Danseurs vont-ils se tenir à l’écart d’Europa pendant notre intervention ?

— Commençons, voyons comment ils réagissent et nous aurons la réponse », dit Charban. Il se passa la main dans les cheveux. « Je pense leur avoir bien fait comprendre qu’ils ne peuvent pas descendre sur Europa, et ils s’en tiennent éloignés. Je suis pratiquement certain qu’ils en ont aussi compris la raison.

— Vous la leur avez divulguée ? » Geary était très partagé à cet égard : S’il faut les empêcher de se poser sur Europa, on doit leur expliquer pourquoi. Cela étant, apprendre à une espèce extraterrestre ce que la nôtre a fait à cette lune me remplit de… honte. Mais est-ce là une raison suffisante pour me montrer insincère ? « J’imagine qu’il s’agit d’un de ces secrets qui ne devraient pas le rester.