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Les senseurs de leurs cuirasses de combat s’activèrent automatiquement, très efficaces, pour scanner l’appareil furtif et identifier jusqu’aux plus infimes reliefs de sa surface. Sur leur écran de visière, des symboles s’affichèrent par-dessus l’image de l’appareil pour désigner divers types de senseurs, quelques armes conçues pour le combat spatial et ses propulseurs de manœuvre.

« Soit on les a pris de court, amiral, soit ils nous attendent là-dedans », rapporta Orvis.

Geary hocha la tête par habitude, car le sergent ne pouvait pas voir son geste. « Assurez-vous qu’ils ne pourront pas redécoller. Nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser filer.

— À vos ordres, amiral. Sections deux et quatre, entamez le plan Alpha, ordonna Orvis en reprenant sa course. Nettoyez les cibles qui vous sont affectées. »

Dix fusiliers s’arrêtèrent le long d’un flanc de l’appareil en stabilisant leur arme avant de tirer, tandis que dix autres les imitaient de l’autre côté. Quelques salves rapides suffirent à mettre HS ses propulseurs, le privant du contrôle de ses manœuvres s’il tentait de décoller, puis les projectiles des lance-missiles endommagèrent assez les composants externes de sa seule unité de propulsion principale de poupe pour la mettre hors d’usage sans pour autant provoquer une défaillance catastrophique de ses composants internes.

Il n’avait fallu que quelques secondes pour le clouer définitivement au sol. Entre-temps, ceux des fusiliers qui avaient continué de cavaler derrière Orvis s’étaient arrêtés pour lever leur arme à leur tour. « Sections un et trois, nettoyez vos cibles. »

Les faisceaux de particules et les projectiles tirés par les fantassins pilonnèrent les quelques armes visibles sur la coque de l’appareil furtif, réduisant en miettes leurs éléments extérieurs ou obturant les fenêtres de tir. Les senseurs de la coque furent également réduits à l’impuissance par des tirs soigneusement ajustés. « Ils sont désormais paralysés, désarmés et aveugles, amiral, rendit compte le sergent artilleur Orvis.

— Parfait. » Geary se tourna vers Desjani, qui secoua la tête pour signifier qu’on n’avait encore reçu aucune transmission de l’appareil furtif. Le commando avait probablement détruit aussi ses émetteurs externes, de sorte que les ravisseurs avaient désormais perdu toute chance de négocier. Néanmoins, au moment de donner l’ordre suivant, Geary éprouva une curieuse réticence, une hésitation aussitôt dissipée par une bouffée de colère à l’encontre de ces imbéciles de kidnappeurs qui avaient rendu cette opération nécessaire. « Investissez l’appareil et finissez le travail. » Ces mots lui pesèrent comme s’ils avaient réellement un poids et lui écrasaient la poitrine de leur masse.

« À vos ordres, amiral. Sections un et trois…

— Sergeot ! Il y a quelque chose de ce côté, sous le sas ! »

Orvis ouvrit sur la visière de son casque une fenêtre virtuelle qui lui révéla ce qu’avait repéré la caporale Maya. Du coup, Geary eut accès lui-même à ce que voyait le sergent, en même temps, en miniature, qu’à ce qu’avait découvert le caporal. Il perdit pourtant une précieuse seconde à se demander comment il devait s’y prendre pour grossir l’image, avant de se gifler mentalement pour se punir de n’avoir pas songé plus tôt à basculer directement sur la visière de Maya.

L’image se rétrécit d’abord puis s’agrandit dans la fenêtre quand Maya zooma. « J’ai un corps, sergeot », annonça-t-elle.

Un corps ? Geary entendit quelqu’un inspirer brusquement sur la passerelle, mais, cela mis à part, il y régnait un silence crispé.

« Je ne vois pas de combinaison spatiale, fit remarquer Orvis.

— Y en a pas, répondit laconiquement Maya. L’infrarouge indique une température corporelle équivalente à celle de la surface. Doit être gelé et dur comme du béton. Le cadavre est à plat mais ses bras sont croisés dans une posture légèrement surélevée.

— Il doit être là depuis un bon moment, lâcha Orvis. On dirait bien que ce bonhomme est mort en tentant d’escalader la coque pour regagner le sas, et qu’il en est tombé déjà à demi gelé. Rapproche-t’en, on te couvre. »

Maya fit un bond vers le cadavre, en même temps que ses senseurs le scannaient en quête de traces de piège. Geary faillit tiquer de nouveau en le voyant de plus près : une femme, uniquement vêtue d’une combinaison légère, reposait sur le dos à même la glace d’Europa, déjà presque aussi gelée qu’elle. Son visage, déformé par la mort et les lésions provoquées par l’environnement hostile, n’était que partiellement visible sous une couche de givre et des mèches de cheveux durcies par le gel.

Geary fixa longuement l’image en s’efforçant de déterminer si ce visage n’était pas celui du lieutenant Castries. Les ravisseurs avaient-ils finalement décidé qu’un au moins des officiers de l’Alliance ne leur était plus utile vivant ? Qu’il était aberrant de garder en vie une bouche de plus à nourrir, et qu’ils avaient trouvé un moyen aussi cruel que vicieux de s’en débarrasser ? Le cadavre de Yuon gisait-il lui aussi à proximité, camouflé par la mort et le givre ?

Les fusiliers arrivaient-ils trop tard ?

Cinq

Accroupie près du corps, la caporale Maya évitait de le toucher et prenait soin de ne laisser aucune pièce de sa cuirasse, hormis la semelle de ses bottes blindées, entrer en contact avec le sol d’Europa. « Je ne crois pas que ce soit une des nôtres », avança-t-elle d’une voix neutre de professionnelle. En faisant preuve d’une surprenante délicatesse, elle déplaça du museau de son fusil quelques-unes des mèches qui masquaient le visage de la morte. Elles se brisèrent comme de minuscules glaçons.

« Ce n’est pas elle, déclara Desjani, la voix rauque. Ce n’est pas le lieutenant Castries.

— Vous avez capté, sergent ? s’enquit Geary.

— Cinq sur cinq, amiral. Nous avons fouillé le secteur, et c’est le seul cadavre.

— Le sas est juste au-dessus de moi, poursuivit Maya en se relevant. L’étui de son arme est vide. Ce n’est pas un suicide. Quelqu’un la lui a prise puis a balancé cette femme hors de l’appareil. Vous avez raison, sergeot. Elle essayait de remonter à bord quand Europa l’a tuée. »

Geary reporta le regard sur une autre fenêtre virtuelle ouverte près de celles des fusiliers ; celle-là montrait le docteur Nasr et le toubib chargé de la quarantaine en train d’observer la même scène. « Existe-t-il un moyen de déterminer si cette femme était contaminée avant sa mort, docteur ?

— Non, répondit succinctement le docteur Palden.

— Suggérez-vous qu’elle aurait été éjectée de l’appareil parce qu’elle était malade ? demanda Nasr. C’est difficile à dire compte tenu du peu de données dont nous disposons, mais, si les rapports sur le fléau sont exacts, si elle a bien été infectée et montrait des symptômes de la maladie, elle aurait été trop atteinte pour tenter de grimper. Une fois que le mal s’est manifesté, désorientation et faiblesse physique surviennent très vite. Les autres l’ont peut-être suspecté, à moins que le motif de son expulsion soit entièrement différent. »

Le docteur Palden se renfrogna mais ne chercha pas à le contredire.

« On l’a jetée dehors vivante, dit Desjani. On voulait qu’elle souffre. C’est un coup des ravisseurs. Rien à voir avec l’épidémie.

— Je suis de l’avis de votre commandant, déclara Nkosi. J’ai déjà vu des criminels expulser ainsi des gens par un sas. Ils s’appellent même ça “passer à la planche”, comme s’ils étaient des pirates de roman plutôt que de vulgaires assassins. »