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— D’infection ? » Castries regarda sa main, laquelle était couverte de diverses nuances de noir, de violet et de vert, les bleus commençant d’apparaître.

« Vous étiez sur Europa.

— Je… C’est… Quoi ? Je suis vraiment réveillée ? C’est bien réel ? Je dois passer trois semaines là-dedans ? » Castries prit brusquement conscience de quelque chose et reporta le regard sur Yuon, qui commençait à son tour à cligner des paupières. « Trois semaines avec lui dans ce trou à rats ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? se désola-t-elle.

— Peut-être un sédatif est-il indiqué ? » suggéra Palden, impassible.

Soulagé de trouver Castries en bon état et d’avoir finalement mené à bien une opération de sauvetage passablement risquée, Geary ne put s’empêcher de laisser échapper un petit rire en se tournant vers Desjani. « Je crois qu’on peut désormais écarter tout sujet d’inquiétude quant au sort de Yuon et Castries. »

Elle sourit. « On ne sait jamais. Ils vont se retrouver tous les deux coincés là-dedans pendant trois semaines, de sorte qu’on ne saurait exclure un… comment dit-on déjà ?… syndrome de Stockholm. »

Geary raccompagna le commandant Nkosi à la soute des navettes, où les deux médecins, le chef Tarrini et les deux spécialistes de l’armement qu’avait amenés Nkosi les retrouvèrent. Derrière Geary venaient le sénateur Sakaï et Victoria Rione. À son entrée, l’amiral constata qu’un jovial chef Gioninni avait acculé les deux spécialistes dans un angle où, manifestement, il les remerciait profusément.

Nkosi s’arrêta avant de pénétrer dans sa navette personnelle pour consulter son unité de com. « Mon vaisseau me fait suivre un message. Le gouvernement de Sol m’ordonne de ne pas autoriser votre opération avant plus ample réflexion. »

Geary sourit. « Les limitations et délais imposés par les vitesses subluminiques peuvent parfois jouer dans votre camp.

— Absolument, surtout quand ceux à qui l’on envoie ses rapports et qui vous transmettent leurs ordres se trouvent à près d’une heure-lumière. » Nkosi hésita un instant. « Je leur rapporterai ce que j’ai vu.

— C’était l’idée générale, convint Geary, dont le sourire s’effaça. Nous n’avons rien cherché à vous cacher. Et nous n’avons fait que ce que vous-même auriez fait si vos ordres vous l’avaient permis, et cela le plus tôt possible.

— Oui, renchérit Rione. Ce que vos ordres auraient exigé. Veillez à le répéter à tout le monde, commandant. Nous avons pris les dispositions que nous imposaient les lois du système solaire. »

Nkosi soutint son regard sans ciller. « Je veillerai à ce que ce soit largement diffusé. Faire appliquer la quarantaine à Europa a été une tâche solitaire, passablement ennuyeuse et, parfois, une horrible expérience. Je n’hésiterai pas à rappeler à la population du système solaire ce que ses lois exigent des équipages de mes vaisseaux et de ceux de vaisseaux étrangers. Et je leur dirai aussi que les mesures que vous avez prises n’étaient pas seulement nécessaires, mais qu’elles ont éradiqué une épouvantable menace pour nous tous.

— Merci, commandant, déclara Sakaï. L’Alliance vous est reconnaissante de votre coopération dans cette affaire.

— Espérons qu’elle ne sera pas la seule ! » Nkosi salua puis tourna les talons et entra dans sa navette. Le docteur Palden et les deux techniciens de l’armement lui emboîtèrent le pas. Geary vit ces deux derniers traîner derrière eux deux gros appareils de communication qu’ils secouèrent, l’air très intrigués.

Dès que la navette eut décroché, les chefs Tarrini et Gioninni éclatèrent de rire.

« Qu’avez-vous manigancé ? s’enquit Geary.

— On n’a rien fait de mal, amiral, le rassura Tarrini. Vous avez vu les gros appareils que trimbalaient les deux techniciens. Des unités de com, soi-disant ! Même Sol n’est pas assez en retard sur nous pour avoir besoin de machins aussi volumineux. C’étaient des dispositifs de collecte de données. Ils ont scanné et enregistré toutes nos armes qu’ils pouvaient approcher.

— Alors on a laissé dans cet angle un puissant électroaimant, pouffa Gioninni. Je les y ai coincés pour leur dire combien nous leur étions redevables de l’aide qu’ils nous avaient apportée, puis le chef Tarrini l’a activé. Le champ magnétique était assez puissant pour envoyer valser tous leurs fichiers dans le trou noir des données corrompues.

— Un accident malencontreux, conclut le sénateur Sakaï en se fendant d’un de ses rares sourires. Je crois que mes propres fichiers ont fait la connaissance de ce trou noir à une certaine occasion.

— Sénateur, avec la permission du gouvernement de l’Alliance, j’aimerais assez que nous gagnions le portail de l’hypernet pour rentrer chez nous, intervint Geary.

— Permission accordée, lâcha Sakaï en recouvrant sa solennité. C’est la formule consacrée, n’est-ce pas ? » Il regarda autour de lui. « Merci à tous d’avoir trouvé le moyen de sauver deux jeunes officiers et d’en avoir excellemment mené à bien l’exécution. J’aimerais féliciter personnellement vos fusiliers dès que l’occasion se présentera. »

Tarrini dévisagea Sakaï comme si elle se posait des questions sur les motifs réels qui le poussaient à les remercier, mais Gioninni sourit.

« Tout le plaisir était pour nous, sénateur. Cela dit, il se passera sans doute quelques jours avant qu’ils ne puissent vous rencontrer. Ils sont vannés.

— Et ils auront besoin, me semble-t-il, d’un traitement et d’une médication supplémentaires pour se remettre de ce qui s’est passé sur Europa », ajouta Nasr. En dépit de la froideur de son ton, il se conduisait comme si un nuage noir s’était levé depuis le départ de Palden.

« C’était une sale besogne, convint Geary. Je regrette d’avoir dû la leur imposer. » Il tapota sur le plus proche panneau de com. « Cap sur le portail de l’hypernet, capitaine Desjani. On rentre à la maison. »

Il ne s’écoula que quelques secondes avant qu’il n’entendît des acclamations se réverbérer dans les coursives du croiseur. La nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre.

Geary n’était pas d’humeur à se joindre à la liesse. Les événements d’Europa avaient jeté une ombre par trop sinistre sur son esprit. Il ne ressentait qu’une sorte de soulagement empreint de lassitude à l’idée qu’une autre tâche incontournable avait de nouveau été accomplie.

Il arrivait parfois à la sénatrice Costa de prendre place à la table d’un compartiment de réfectoire pour engager la conversation avec les matelots. Geary avait depuis longtemps compris que l’objectif de Costa n’était pas seulement de se mettre dans les bonnes grâces de l’équipage, mais encore de lui tirer les vers du nez et de jauger ses réactions à diverses questions.

Il se contentait d’ordinaire de la saluer poliment lorsqu’il la trouvait se livrant à cette activité, mais, cette fois, en entrant, il vit deux matelots se lever de la table qu’ils partageaient avec la sénatrice ; ils avaient fini de déjeuner. Avant qu’elle pût les imiter, il s’y installa. « Comment allez-vous, sénatrice ? »

Le sourire de Costa fut aussi peu sincère que celui d’un CECH syndic. « Pas trop mal, amiral.

— Puis-je me joindre à vous ?

— Bien sûr. Vous me voyez très surprise de vous voir chercher à engager la conversation avec moi. »

Les tables environnantes furent peu à peu désertées par les spatiaux qui s’éclipsaient discrètement. D’autres obliquaient en passant près de la leur pour ne pas trop s’en approcher. En quelques secondes, sans qu’on en ait donné le signal ni prononcé le premier mot, un large cercle de tables inoccupées s’était créé autour d’eux, leur accordant une certaine intimité jusque dans ce local pourtant public.