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— Je vous l’accorde. Mais vous êtes convenu qu’un piège pouvait vous attendre là-bas. »

Geary éclata de rire, surprenant son compagnon. « Il n’y a pas de piège. Pas comme nous l’entendions. Pourquoi tant s’inquiéter du cuirassé de Tiyannak ? Parce que les défenses de Yokaï et d’Adriana ont été laminées, n’est-ce pas ?

— Effectivement, convint Duellos. Point tant d’ailleurs qu’on pourrait négliger un cuirassé si celles de Yokaï étaient encore pleinement actives.

— Qui, selon vous, a bien pu approuver ce retrait des forces mobiles et des défenses fixes ?

— Le QG de la flotte, s’agissant de nos unités, et celui des forces terrestres pour… » Duellos s’interrompit brusquement puis se fendit d’un sourire sardonique. « L’amiral Tosic et le général Javier. Qui, à cause de ces décisions ineptes, se trouvent maintenant confrontés à tout un tas de problèmes. Ils doivent bien avoir une petite idée de la menace que pose Tiyannak, non ?

— Je le parierais. Le résultat de leur décision est un gigantesque foutoir. Ils ont besoin de quelqu’un qui les tire de ce sac de nœuds. Qui les dédouane.

— Et qui mieux que Black Jack ? » Duellos se rembrunit. « Mais, s’ils savaient pour ce cuirassé, pourquoi ne vous avoir confié qu’une seule division de croiseurs de combat pour vous accompagner à Adriana ?

— Parce qu’ils refusent de reconnaître qu’ils étaient informés de cette menace. Et qu’ils ont besoin d’une brigade de pompiers pour enrayer l’incendie qu’ils ont allumé eux-mêmes en prenant ces mesures. Si j’éteins le feu, ils s’épargnent des questions oiseuses. Si j’y échoue, eh bien… ils avaient envoyé Back Jack sur place avec un nombre plus que suffisant de vaisseaux pour mener à bien la mission de rapatriement des réfugiés, pas vrai ? Comment seraient-ils responsables de son échec ?

— Futé, admit Duellos. Et la tendance des médias, du gouvernement et des citoyens à se focaliser sur votre personne interdirait de revenir sur le passé pour se pencher sur les décisions prises par les QG.

— Précisément. Il ne s’agit nullement d’un vaste complot destiné à saborder l’Alliance ou à saper l’autorité du gouvernement, mais d’une bonne vieille magouille politicarde chargée de protéger les arrières des galonnés. » Geary sourit derechef. « Mais ça pourrait bien servir un objectif très différent de celui prévu. »

Duellos regarda autour de lui en feignant une surprise outrée. « Je ne vois la Rione nulle part, mais je jurerais avoir senti sa présence.

— Collaborer avec elle m’a donné à réfléchir, reconnut Geary. Tanya aussi m’a soufflé quelques idées. Il n’empêche que, si le cuirassé de Tiyannak est un jour opérationnel, l’intervention risque d’être assez rude. Mais c’est un problème que je sais gérer. »

Le colonel Galland attendait Geary sur le terrain d’atterrissage quand sa navette s’y posa. « J’ai déjà vu des gens user de leur autorité, amiral, mais vous tenez le pompon.

— Je ne suis pas si méchant que ça, répondit Geary en lui retournant son salut. D’habitude en tout cas. L’aérospatiale aurait-elle remis le salut à l’honneur ?

— Nous y songeons sérieusement. » Galland vint se placer à ses côtés pour se diriger vers le groupe de dignitaires du gouvernement qui les attendait. « Quand on vous retire votre personnel, vos AAR, vos exercices d’entraînement et jusqu’à de quoi vous nourrir, la tradition reste le seul succédané que vous pouvez vous permettre. Pour votre gouverne, Adriana a adressé il y a neuf mois au gouvernement central une pétition demandant une remise sur sa contribution à l’Alliance. Le système a réduit unilatéralement ses paiements de moitié en attendant la réponse.

— Et il se scandalisera probablement d’apprendre que des coupes sombres ont été effectuées dans le budget consacré à sa défense. » Geary balaya le comité d’accueil du regard. « Je ne vois aucun officier des forces terrestres. Ni non plus de PM pour la sécurité. Le général aurait tout intérêt à se montrer à cette réunion.

— Quelques hommes de la police régulière forment un cordon sanitaire un peu plus loin, lui dit le colonel Galland. La police militaire ne gère pas d’ordinaire ce genre d’événements. Elle s’occupe davantage de la sécurité intérieure. »

Geary en fut si choqué qu’il s’arrêta un instant de marcher. « De la sécurité intérieure ?

— Oui. » Galland le dévisagea avec circonspection. « Ça vous change de votre époque, j’imagine. Elle enquête sur les menaces à l’Alliance en provenance de puissances étrangères. »

Une force militaire menant des opérations de sécurité intérieure ? Ça expliquait pourquoi les PM étaient équipés d’un matériel servant aux effractions. « En effet. Ça me change de mon époque. » Geary inspecta de nouveau les environs du regard : le ciel bleu, les bâtiments de service amassés autour du terrain d’atterrissage, les citoyens qui l’attendaient. Rien de tout cela n’était bizarre en soi, pourtant il lui semblait brusquement débarquer en terre étrangère. Les méthodes qu’avait adoptées la flotte pour combattre les Syndics l’avaient stupéfié quand il en avait eu vent, mais jamais il ne lui était venu à l’esprit qu’une colère, une peur et un désespoir identiques avaient pu altérer aussi le comportement des forces intérieures de l’Alliance.

Le colonel Galland le scruta de nouveau, intriguée, puis la compréhension se fit lentement jour dans ses yeux. « Ce n’était pas comme ça ? Pas du tout ?

— Non. Qu’en est-il du service de renseignement des forces terrestres ?

— Pareil. Il surveille les menaces intérieures et observe les menaces extérieures. »

Nos ancêtres nous préservent ! « De mon temps, l’armée et les services du contre-espionnage n’avaient les yeux tournés que vers l’extérieur. Ils ne prenaient jamais pour cibles les citoyens de l’Alliance. Nous avions des lois qui le leur interdisaient.

— Il faut croire que les lois ont changé. » Galland fixa le lointain en se mordillant les lèvres. « Et que nous nous y sommes habitués. Je viens de me rendre compte que, si l’on avait récemment réduit de manière drastique les effectifs des forces militaires, ceux des services chargés de la sécurité intérieure ont été en revanche renforcés. Peut-être devrions-nous y réfléchir.

— Sans doute », répondit Geary en reprenant sa marche.

La plupart des personnages les plus importants du gouvernement d’Adriana étaient présents, ainsi qu’un général que Geary ne reconnut pas. « Yazmin Schwartz, se présenta-t-elle. Chef d’état-major des forces défensives d’Adriana. »

La présidente Astrida conduisit Geary vers un des véhicules terrestres qui les transporteraient au lieu prévu pour la rencontre. Geary s’efforça d’en inspecter l’intérieur le plus discrètement possible et prit note de finitions passablement luxueuses et de moyens de défense active et passive assez impressionnants.

Le général Schwartz remarqua l’intérêt qu’il portait au véhicule. « Nous n’avons procédé à aucune modification non autorisée, déclara-t-elle, sur la défensive, comme si elle s’attendait à des critiques.

— C’est un modèle gouvernemental standard ? demanda-t-il.

— Oui. Spécifications standard, répéta-t-elle. Exigées pour tous les officiels gouvernementaux d’un rang équivalent ou supérieur à celui de sénateur. »