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Geary secoua la tête. « Oui, en effet. Je suis un tantinet… vieux jeu quand il me faut prendre des mesures coercitives visant les citoyens de l’Alliance. »

Astrida sourit. « Je suis bien certaine que nos ancêtres approuveraient cette attitude. Merci d’avoir demandé au lieu de vous être servi. Il y a encore autre chose. Vous avez parlé d’interdire à d’autres réfugiés ou à de nouvelles menaces de passer par Yokaï ?

— Oui. Nous avons ce qu’il faut ici. La question est de savoir si vous êtes disposés à faire les frais du déploiement de forces supplémentaires sans avoir l’assurance que l’Alliance paiera plus tard la facture. Je crois pour ma part qu’elle le fera parce que c’est nécessaire, mais je ne peux rien garantir. »

Le colonel Galland secoua encore la tête. « Les forces d’autodéfense d’Adriana n’ont aucun moyen de filtrer efficacement le trafic qui transite par Yokaï.

— Elles, non, effectivement, convint Geary. Mais vous, oui. Si vous y transfériez une de vos escadrilles…

— Baser une escadrille à Yokaï ? Je n’ai pas les fonds nécessaires ! Ni pour son entraînement ni pour d’éventuelles opérations, ni pour rien qui soit à la portée de ma bourse. Et je n’ai pas non plus l’autorisation d’élargir le champ de ma mission ! On me relèverait de mon commandement dès que le QG l’apprendrait, et on exigerait probablement de moi que je rembourse ces dépenses non autorisées sur ma propre escarcelle.

— Je crois savoir où ça nous mène », fit observer la présidente Astrida. Deux de ses collaborateurs parurent sur le point de protester, mais elle leur cloua le bec d’un regard acerbe. « L’amiral veut qu’Adriana paie l’addition. »

Galland la dévisagea d’un œil sceptique. « Il ne s’agirait en rien de frais de guerre. Il me faudrait un transport pour l’aller et le retour de mes AAR et du personnel de mon escadrille. Un transport de matériel lourd d’une espèce ou d’une autre. Cela étant, une fois mon escadrille sur place, je pourrais y laisser l’équipement et ne procéder si besoin qu’à l’expédition de matériel de remplacement. Ensuite, il me faudrait un soutien logistique, de quoi procéder à des relèves et approvisionner en vivres et autres produits de première nécessité les troupes déployées. Ces frais seraient récurrents.

— Quels seraient les coûts de l’opération, demanda l’homme maigre. Et vos ordres ? »

Galland réfléchit un instant, le front plissé. « Je pourrai en imputer un bon paquet à l’entraînement. Les exercices des patrouilles et le déploiement du matériel en relèvent. Même notre présence à Yokaï entrerait aussi dans ce cadre puisque nous y déployer en cas d’urgence constitue une de mes missions subsidiaires. Qui implique que nous devons nous familiariser avec ce système, n’est-ce pas ? Nous pourrions y réactiver une des bases. Une unique escadrille peut survivre très longtemps sur tout ce qu’on y aura probablement mis en veilleuse. Tant que mes dépenses ne dépasseront pas les montants autorisés, personne ne s’en apercevra ni ne s’en inquiétera au QG de l’aérospatiale.

— On pourrait toujours réattribuer discrètement une partie du budget, suggéra l’homme maigre. C’est jouable, à mon avis.

— Et nous aurions de nouveau des défenses à Yokaï, conclut la présidente avec une évidente satisfaction.

— Oui, mais, si une unique escadrille peut effectivement arrêter des bâtiments civils de réfugiés, voire des avisos, elle serait tout juste capable de harceler des croiseurs légers ou des croiseurs lourds syndics si d’aventure il s’en présentait. Ces menaces-là exigent le soutien de la flotte, et je ne crains pas de le reconnaître.

— Bataillerez-vous pour nous obtenir ce soutien à long terme ? demanda la présidente à Geary.

— Je ferai de mon mieux.

— Une promesse de Black Jack n’est pas une mince affaire. » Elle le fixa, insondable. « Nous ne savons pas tout des pertes qui vous ont été infligées pendant les dernières campagnes de la guerre et durant vos missions postérieures, mais le bruit court qu’elles furent conséquentes. »

Geary hocha la tête puis, les souvenirs refaisant brutalement surface, permit à son regard de se poser sur l’écran des étoiles pour éviter de croiser ceux de l’assistance. « La flotte avait déjà subi des pertes colossales quand j’en ai pris le commandement. Elle en a subi d’autres durant son trajet de retour, quand ses unités rescapées qui pouvaient encore défendre l’Alliance ont été rudement touchées par les attaques syndics qu’elles ont dû repousser. Depuis, nous avons de nouveau été contraints de les combattre, ainsi que deux espèces extraterrestres, les Énigmas à plusieurs reprises, et les Bofs.

— C’est là un malheur qui nous a maintes fois affligés au cours du dernier siècle, compatit le colonel Galland. Il a frappé la flotte, les forces terrestres et l’aérospatiale. Pertes monstrueuses et flux constant de renforts et de reconstructions. La différence, c’est que, cette fois, les relèves ont cessé d’affluer.

— Je peux en comprendre la raison, affirma Geary. Mais on ne peut pas permettre à nos forces de se réduire aussi massivement, ou nous risquons d’affronter de plus en plus fréquemment de telles situations.

— Il devrait y avoir assez de fonds disponibles pour financer une meilleure défense que celle qu’on nous a laissée, protesta un officiel. Où est passé l’argent ? Nous avons une idée assez grossière du montant de la contribution prélevée par l’Alliance à d’autres systèmes et au nôtre. Je le reconnais, et, si les coupes sombres qui touchent le nôtre peuvent servir d’indicateur, elles excèdent ce qu’on peut normalement regarder comme de fortes réductions budgétaires.

— J’ignore où il peut bien passer, admit Geary. Peut-être vos sénateurs ne le savent-ils pas non plus. Je vous recommande de les charger de se renseigner. Gabegie et programmes… mal avisés sont des luxes que nous ne pouvons pas non plus nous permettre. Du moins si nous tenons à garder la confiance de nos concitoyens, qu’ils soient civils ou militaires.

— Soyez certain que nous chercherons à obtenir ces réponses, déclara la présidente Astrida. Colonel Galland, mon état-major contactera le vôtre pour mettre au point les détails de vos… euh… manœuvres d’entraînement élargies à Yokaï. Amiral Geary, nous vous informerons de l’envoi à Batara de transports affrétés par nos soins et chargés d’y convoyer les forces terrestres. Général Schwartz, je tiens à ce que vous assumiez la responsabilité de préparer le plus vite possible les deux régiments en question. Si vous rencontrez des problèmes, faites-le-moi savoir illico. » Ces derniers mots accompagnés d’un regard au général Sissons aussi perçant qu’un poignard. « Y a-t-il autre chose ? demanda-t-elle à la cantonade.

— Une seule, répondit Geary. Rien qu’une, ajouta-t-il précipitamment, sentant soudain remonter la tension. J’ai promis de visiter un établissement de votre planète qui ne devrait pas se trouver très loin d’ici. Pourrait-on me fournir un véhicule terrestre pour m’y rendre ? »

Astrida hocha la tête. « L’Académie ? Bien sûr. Je suis certaine que vous y serez bien accueilli et je vous remercie personnellement de rendre visite à ces enfants. »

Le colonel Galland arrêta Geary alors qu’il s’apprêtait à grimper dans la limousine. « Vous avez rendu mon existence plus passionnante, amiral.

— Moins qu’elle ne le deviendrait, assurément, si le cuirassé surgissait et prenait tout le monde de court, lui rappela-t-il.