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En outre, avec tous ces soldats des forces d’autodéfense d’Adriana qui les accompagnaient à Batara, on avait le sentiment que tous les hommes et femmes de ce régiment, leurs parents et le tout-Adriana ne parlaient que de cela. Si ça ne mettait pas la puce à l’oreille de Tiyannak, il faudrait en remercier les distances intersidérales et la vitesse – toujours limitée – nécessaire aux vaisseaux pour colporter une nouvelle.

Le jour J se présenta enfin. Les réfugiés gardèrent un silence morose mais attentif sous les yeux de soldats du colonel Kim quand les cargos qui les transportaient entreprirent d’accélérer vers le point de saut pour Yokaï.

Geary ordonna à ses vaisseaux de s’ébranler en réglant leur vélocité sur celle des poussifs cargos, tout en regrettant pour la énième fois qu’auxiliaires et cargos fussent incapables des accélérations des bâtiments de guerre.

Assis à côté de lui sur la passerelle de l’Inspiré, Duellos observait son écran. Alors que le vaste convoi des cargos (qui, de plus près, évoquait un essaim de moucherons cornaqué par des vaisseaux de guerre en formation organisée) adoptait un vecteur le menant au point de saut, il se tourna vers Geary. « Nous n’avons plus vu de transports de réfugiés en provenance de Batara depuis le cargo qui avait des problèmes avec son réacteur, il y a trois semaines, fit-il observer.

— Je l’ai remarqué, répondit Geary. Le colonel Galland disait qu’ils se ramenaient auparavant à un rythme d’un ou deux par semaine.

— J’ai un mauvais pressentiment, poursuivit Duellos. Cela pourrait refléter un renversement prématuré de la situation à Batara.

— Je le partage. Les vivantes étoiles savent qu’on a perdu largement assez de temps pour permettre aux conditions d’évoluer. Nous sauterons vers Yokaï en formation de combat. »

Onze

Yokaï n’était pas aussi déserte qu’on pouvait l’espérer.

Geary avait sauté prêt à l’affrontement. Les croiseurs de combat et la moitié des destroyers émergèrent dix minutes avant les croiseurs légers et l’amas des cargos. Personne ne les attendait à proximité du point de saut sinon quelques balises automatisées de l’Alliance qui continuaient machinalement de remplir le rôle à elles assigné des décennies plus tôt. Mais, au milieu de toutes les défenses désormais silencieuses du système, un objet au moins semblait singulièrement actif.

« Un aviso syndic, rapporta le lieutenant des opérations. Juste à côté du point de saut pour Batara.

— Une sentinelle, en conclut Duellos. Mais à qui appartient-elle ? »

Ledit point de saut se trouvait à près de sept heures-lumière, de l’autre côté du système. « Voyons comment il régira à notre vue, dit Geary. Y a-t-il des indices laissant entendre qu’on cherche à s’établir ici ?

— Rien ne montre qu’on ait tenté de s’introduire par effraction dans les sites de défense désaffectés, répondit Duellos.

— Les systèmes de surveillance et de sécurité de quelques-uns signalent pourtant des tentatives de pénétration, commandant, annonça le lieutenant.

— Mais pas couronnées de succès ?

— Non, commandant. Tous rendent compte de leur statut actuel sans aucune incohérence, de sorte que personne n’est entré et qu’on n’a rien éteint dans le but de dissimuler une activité. »

Le lieutenant Nadia Popova, dite « Sorcière nocturne », pilote de l’AAR embarqué sur l’Inspiré, se trouvait également sur la passerelle. Elle pointa de l’index une grande installation orbitale proche de la frange du système stellaire, à quelque deux minutes-lumière de la position où rôdait l’aviso. « C’est là que sera basée notre escadrille. Nous réactiverons assez cette station pour subvenir à nos besoins et nous laisserons le reste dans l’obscurité.

— Vous pourrez intercepter tout ce qui surviendrait, affirma Geary. J’aimerais que vos gens y soient déjà.

— Moi aussi, amiral. Je ne détesterais pas voir la silhouette d’un aviso peinte sur le flanc de mon coucou.

— Comment réagira votre escadrille si elle a affaire à plus fort qu’elle ? » demanda Duellos.

Popova sourit largement. « Elle fera la morte et enverra un drone estafette sauter vers Adriana pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. La base disposait de plusieurs de ces drones pour les urgences, et le colonel est pratiquement sûr qu’ils y sont restés, bien emballés dans la naphtaline. Pendant qu’on traversera le système, Siesta devrait envoyer un message ping au système gardien de la base pour se faire confirmer leur présence.

— Siesta ? demanda Geary.

— Le lieutenant Alvarez, amiral.

— Elle est à bord de l’Implacable, précisa Duellos en tournant vers Sorcière nocturne un regard interrogateur. Y a-t-il une raison à tous ces sobriquets dans l’aérospatiale, lieutenant ? »

Cette fois, Popova sourit jusqu’aux oreilles. « La tradition, commandant. En outre, ça rend dingue les forces terrestres et celles de la flotte. C’est plutôt un bonus.

— Qui est sur le Formidable ? demanda Geary.

— Rôdeur de nuit, amiral.

— Nous devons nous estimer heureux d’avoir hérité de Sorcière nocturne, j’imagine. Vous êtes-vous jamais rendue à Yokaï avant qu’on ne boucle les sites ? »

Le sourire céda la place au sérieux. « Oui, amiral. Juste le temps d’une rotation, pour nous familiariser avec. C’était encore très actif à l’époque. Ça file la chair de poule maintenant.

— Prévenez-moi de ce que… euh… Siesta aura découvert quant aux drones, ordonna Geary. Assurez-vous que vos deux collègues soient prêts à décoller en formation de combat quand nous atteindrons Batara. »

Popova fixa l’écran de Geary en fronçant les sourcils. « Mis à part cet aviso, le secteur est plutôt calme. Ça devrait être bon signe. »

Duellos secoua la tête. « Ah, l’optimisme de la jeunesse ! Lieutenant, l’amiral et moi avons noté que les cargos marchands brillaient par leur absence dans ce système et nous nous demandons pourquoi aucun vaisseau de réfugiés ne le traverse plus en direction d’Adriana. Leur flot semble avoir été endigué. Nous ignorons pour quelle raison au juste, de sorte que nous partons du principe que ça ne peut qu’entraver notre mission. Nous ne savons pas non plus qui cet aviso est censé prévenir, mais il est probable, et même certain, que nous ne jouirons pas de l’avantage de la surprise en débarquant à Batara. »

La mine sourcilleuse de la pilote vira à l’inquiétude. « À vos ordres, amiral. Nous serons parés à tout affronter dès notre arrivée à Batara, amiral. »

Je l’espère en tout cas, songea Geary en l’encourageant d’un signe de tête.

Bien qu’elle voyageât à bord d’un des cargos de réfugiés, le colonel Galland semblait toujours aussi réjouie. « Il y a eu un brin d’effervescence, amiral, mais la plupart des réfugiés ont été virés de Batara ou l’ont fui pour sauver leur peau et celle de leur famille au lieu d’y rester comme ils l’auraient préféré. Vous aviez raison à cet égard. Moisir pendant des mois dans un cargo surpeuplé fétide a suffi à doucher tout l’enthousiasme que pouvait leur inspirer la perspective de passer à l’Alliance, du moins s’ils ne nous prenaient pas déjà pour des monstres. Ils ont l’air contents de rentrer chez eux maintenant que nous en prenons le chemin.

— Ne s’inquiètent-ils pas du sort que risque de leur réserver le gouvernement de Batara ? » demanda Geary.

Le sourire de Kim s’épanouit encore. « Ils en ont été expulsés par petits groupes mais reviennent en masse, et, à ce que je puis en dire, ils n’ont nullement l’intention de s’en faire de nouveau chasser. Si vous voulez savoir, c’est plutôt le gouvernement de Batara, selon moi, qui devrait se faire du mouron.