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— Un peu comme se tenait le… euh… Lousaraigne, convint Geary. Les pattes écartées et les griffes ouvertes.

— Prêt à nous attraper, railla Desjani. Mais comment, d’ailleurs, peuvent-ils bien se livrer à de délicates manipulations mécaniques avec des griffes ?

— Autre bonne question. » Geary fronça les sourcils, sans doute conscient que Rione avait raison mais se demandant s’il serait capable, maintenant qu’il avait vu à quoi ressemblait son interlocuteur, de s’exprimer ouvertement et sereinement. « Pouvez-vous envoyer la réponse dans le même format que celui de la vidéo que nous avons reçue ?

— Bien sûr. L’Indomptable peut parfaitement le faire, répondit Desjani, l’air ulcérée qu’on pût suggérer que son vaisseau n’était pas à la hauteur.

— On peut se servir du même logiciel de conversion, amiral, expliqua l’officier des trans. Sauf qu’au lieu de convertir leur message dans notre format nous ferons l’inverse. »

Geary hocha la tête puis garda un instant le silence. Il s’efforçait de se mettre dans le bon état d’esprit afin de s’adresser à ces êtres sans montrer sa répulsion.

Charban reprit la parole sur un ton méditatif. « On peut juger en partie les gens sur leurs actes, sur ce qu’ils créent et sur l’environnement dont ils s’entourent. C’est ce que nous avons fait pour les Vachours, en observant comment ils avaient transformé leur planète et en en concluant qu’ils devaient être impitoyables. Ici, nous ne sommes pas en mesure d’étudier le monde natal de cette nouvelle espèce, mais nous avons au moins leurs créations sous les yeux. Nous pouvons constater qu’ils aiment produire la beauté. Au moins cela permet-il une certaine empathie.

— Une empathie ? » Geary sentit distinctement qu’il avait laissé percer son scepticisme dans cet unique vocable.

« Oui. Exactement comme vous pourriez voir certains aspects de ce qui est humain dans ce que nous créons et fabriquons. » Charban montra tout ce qui l’entourait. « Nous avons construit cette flotte. Une puissante machine de guerre. Cela en dit déjà très long sur nous, mais ça ne doit pas s’arrêter à ce qui crève les yeux. Tout n’y est pas le reflet de la science pure, de la physique et de l’ingénierie. Un grand nombre d’éléments se rapportent à la manière dont nous fabriquons les objets parce qu’il nous plaît de procéder ainsi. Non pas pour leur plus grande efficacité mais parce que nous aimons obtenir ce résultat. Ça compte beaucoup pour nous, même si nous ne saurions pas l’expliquer.

— Le nombre d’or, lâcha Rione. C’est un rapport entre deux longueurs. Les hommes s’en servent pour fabriquer de nombreux objets parce qu’ils aiment les voir se plier à ces proportions.

— Un rapport ? demanda Geary.

— Une constante mathématique irrationnelle, rapporta le lieutenant Castries en louchant sur le résultat d’une recherche qu’elle venait de lancer. Le rapport entre deux quantités dont une est supérieure à l’autre. Il est d’environ 1,6. On le retrouve entre autres dans l’architecture, la sculpture, le format des livres, du papier, des cartes à jouer et des fenêtres virtuelles.

— Exactement. » Rione désigna son écran. « Ces écrans correspondent probablement à ces proportions parce qu’elles flattent notre sens de l’esthétique. Maintenant, regardez ces êtres et ce qu’ils ont créé. Il y a quelque part en eux un sens de la beauté.

— Profondément enfoui peut-être, convint Geary.

— Songez à ce qu’ils ont créé et réfléchissez à ces œuvres en vous adressant à eux.

— Ou bien prenez d’abord une bonne cuite, conseilla Desjani. Ivre, on tolère toujours mieux la laideur.

— Je préfère ne pas savoir d’où vous le tenez », répondit Geary. Il soupira et se leva en s’efforçant de ne pas adopter une posture agressive. Puis il s’arrêta net. « Les images ! Nous pourrions utiliser l’imagerie. Comment régler mon écran pour qu’il leur apparaisse en même temps que moi ?

— Vous voulez leur montrer un de nos écrans ? interrogea Desjani.

— Oui.

— Une seconde, amiral. » Les doigts de l’officier des trans coururent sur des touches. « Voilà. Il sera visible pendant que vous transmettrez. Une fenêtre virtuelle secondaire montrera à quoi vous ressemblez. »

Cette fenêtre apparut, de sorte que Geary pouvait se voir lui-même à côté de l’image de son écran. Il réfléchit à la manière dont il allait procéder puis tapota à son tour sur ses touches. « Merci d’avoir accepté de communiquer avec nous. Nous voulons traverser pacifiquement ce système stellaire. » Il désigna de l’index le point de saut d’où la flotte venait d’émerger puis fit pivoter son doigt vers celui qui se trouvait de l’autre côté de l’étoile. « Des ennemis nous ont poursuivis jusqu’ici. » Il tendit la main, paume ouverte, pour masquer la représentation de l’armada vachourse en même temps qu’il levait l’autre poing comme pour frapper. « Nous ne voulons pas vous combattre. » Il laissa ensuite retomber ses mains pour faire face à l’image des vaisseaux lousaraignes et les montra, ouvertes et vides. « En l’honneur de nos ancêtres. Ici l’amiral Geary. Terminé.

— Commandant ? » Desjani leva les yeux. L’image d’un lieutenant venait d’apparaître devant elle. Geary reconnut un des officiers du service de sécurité de l’Indomptable. « Nous avons isolé la pièce jointe au message des extraterrestres et nous l’avons ouverte dans un système matériellement désolidarisé du réseau afin qu’elle ne puisse rien infecter. Ça nous a demandé pas mal de boulot, mais nous avons réussi à comprendre comment l’ouvrir puisqu’elle contenait son propre O. S., qui semble s’être adapté à nos bécanes.

— Compatible avec notre matériel ? s’alarma Desjani.

— Oui, commandant, mais ne vous inquiétez pas. Il ne peut pas contaminer nos systèmes. Aucune connexion physique ni électronique, et cette unité se trouve dans un caisson d’isolation. »

Desjani inspira profondément. « De quoi s’agit-il ? demanda-t-elle.

— Je crois…» L’officier de la sécurité se gratta la tête. « Il y a des images et une sorte de routine interactive. Ça m’a un peu rappelé un bouquin pour les gosses. Vous savez, pour apprendre les mots et l’alphabet aux tout-petits.

— Les mots ? s’écria Charban. Un abécédaire illustré permettant d’établir la communication ?

— Oui, général, reconnut le lieutenant. C’est l’impression que ça me fait.

— Gardez-le en quarantaine, ordonna Desjani. Et…

— Nous devons pouvoir y accéder, insista Charban.

— Ce vaisseau est le mien et c’est moi qui décide qui doit avoir accès à ses systèmes.

— Capitaine Desjani, je suis d’accord pour qu’on le laisse en quarantaine, mais le général Charban et l’émissaire Rione, ainsi que les experts civils, doivent pouvoir en disposer le plus tôt possible, déclara Geary sur un ton officiel.

— Nous pourrions organiser un réseau isolé, suggéra le lieutenant de la sécurité. Ça demandera du travail et ils ne pourront y accéder que depuis un seul compartiment, car nous n’établirons que de courtes connexions entre les postes de travail, mais, de cette façon, tous pourront s’amuser avec en même temps.