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Geary garda un instant le silence. « Tenter de devenir quelqu’un.

— Ouais. Parce qu’elle croit que tout ce qu’elle avait a disparu. Que quelque chose doit le remplacer. Elle a changé après s’être rendue sur ta planète natale, souviens-toi. Que lui a-t-on dit là-bas, selon toi ? Combien de fois a-t-elle dû se mesurer non pas à une légende mais à une personne réelle ? Et, maintenant, il lui faut prouver qu’elle est une Geary. »

Il fixa la paroi devant lui sans la voir. Il ne voyait s’y plaquer que les images d’autres officiers en quête de gloire personnelle : le capitaine Midea conduisant le Paladin à sa destruction à Lakota ; le capitaine Falco, à Vidha, menant Triomphe, Polaris et Avant-garde à leur perte. Le capitaine Kila sabotant froidement le Lorica à Padronis, tout en cherchant également, par tous les moyens, à provoquer aussi l’anéantissement de l’Indomptable.

Tous s’étaient crus des héros, et leur vaisseau et leur équipage en avaient payé le prix.

Il y avait un moyen d’empêcher ça.

« Je ne crois pas que ce serait une bonne idée », dit Tanya.

Il reporta son attention sur elle. « Qu’est-ce qui ne serait pas une bonne idée ?

— La relever de son commandement.

— Comment as-tu… ? »

Elle se pencha et posa un index sur sa poitrine. « Je sais à qui tu penses. Tu t’imagines qu’elle appréciait Midea. Je connais Midea depuis plus longtemps que toi. Jane Geary ne lui ressemble en rien. Elle s’est montrée un tantinet téméraire, elle a poussé à la roue pour exiger davantage d’action, mais elle n’a jamais été stupide.

— Et Falco ?

— Falco ? Falco était d’une bêtise crasse et ne songeait qu’à gaspiller des vies et des vaisseaux pour s’attribuer le mérite d’une victoire supplémentaire. » Elle le fixa en plissant les yeux. « Tu penses à quelqu’un d’autre.

— Tu lis réellement dans mon esprit, n’est-ce pas ? » Sur le moment, ça n’avait rien d’incroyable.

« Ne sois pas ridicule. À quel autre officier songeais-tu ?

— Kila. »

Desjani le dévisagea plusieurs secondes, l’air ulcérée. « Nul ne mérite d’être comparé à cette garce sanguinaire, et surtout pas ta petite-nièce. Gardez cela en tête, amiral. Pour les officiers incompétents, je suis la mort. Vous le savez. Jane Geary n’est pas incompétente. Elle est intelligente, mais elle a besoin d’être guidée d’une main ferme. Vous êtes son chef. Guidez-la.

— Oui, m’dame.

— Ce n’est pas drôle, amiral. À présent, allons apprendre aux Bofs qu’il est malsain de défier la flotte de l’Alliance…

— Ça me rappelle…» Voyant qu’il la fixait en fronçant les sourcils, Desjani s’arrêta pour le regarder. « Pourquoi n’as-tu pas fait allusion à la possibilité que les Vachours s’en prennent directement aux Lousaraignes si la flotte se scinde en trois ?

— Parce que tu le savais déjà ! J’étais consciente que tu refuserais d’admettre que ça risquait de se produire, mais tu sais que je connais assez bien mon boulot pour l’avoir prévu, et moi que tu connais assez bien la stratégie pour l’avoir repéré aussi vite. »

Il fallut à Geary un bon moment pour démêler l’écheveau de son explication. « Je n’en avais rien vu avant que quelqu’un ne me le fasse remarquer, Tanya.

— Sérieusement ? » Elle le fixa encore longuement puis haussa les épaules. « Pardon, amiral. Vous êtes doué pour la tactique. Vous le savez. Je pars toujours du principe que vous voyez l’évidence et, en l’occurrence, j’ai cru plus diplomatique de m’abstenir de dire : “Plutôt ces horribles dupes que nous.”

— Tu dois me faire part de ce genre de détails au lieu de présumer que je les connais déjà.

— Afin que tu puisses me répondre : “Ça, je le savais déjà” ?

— Je ne l’ai fait qu’une seule fois.

— Je vous prie respectueusement de me permettre d’en douter, amiral.

— Je… Tanya, pourquoi diable es-tu parfois capable de lire dans mes pensées alors qu’à d’autres occasions tu sembles parfaitement infoutue de deviner ce que j’ai à l’esprit ?

— Je savais que tu allais me dire ça ! Non, je ne peux pas lire dans tes pensées. Pouvons-nous livrer cette bataille, maintenant ?

— Oui. » Au moins aurait-il une petite chance d’en sortir vainqueur, contrairement à cette discussion.

Il prit place dans son fauteuil sur la passerelle de l’Indomptable en s’efforçant de se vider l’esprit pour ne plus se concentrer que sur le seul combat imminent. Nous allons éliminer leurs escorteurs, les détruire tous si nécessaire, et, une fois les supercuirassés privés de leur soutien, nous nous en prendrons à eux. Présenté ainsi, ça paraissait un jeu d’enfant. Dans la réalité, ce serait infernal.

Mais un bip de son unité de com signalant qu’on tentait de le joindre mit un terme à ses efforts. Au moins fonctionnait-elle maintenant.

Non. Pas vraiment. L’appel provenait du capitaine Vente, qui venait apparemment d’enfin se rendre compte qu’il était complètement sur la touche depuis la perte de l’Invulnérable. Or un appel de Vente aurait dû être bloqué automatiquement.

Devait-il en faire part à Tanya ? Elle non plus n’avait pas besoin de distractions.

Cela dit, si le système de communication de l’Indomptable recommençait à dérailler, elle devait en être informée afin qu’on le réparât. « Commandant, le système ne reconnaît pas mes réglages. »

Le visage de Desjani se durcit. « Transmissions. Les communications de l’amiral ne fonctionnent pas correctement. Vous avez quinze minutes pour les remettre en état, faute de quoi ce vaisseau aura un nouvel officier des trans.

— Bien reçu, commandant. »

Geary s’efforça de nouveau de se préparer mentalement au combat, mais un voyant se mit à clignoter rouge sur son écran. Avant qu’il eût pu accuser réception du message, l’image du commandant du Spartiate apparut devant lui. « La moitié de mon vaisseau est plongée dans l’obscurité, amiral. Selon une estimation préliminaire, plusieurs raccordements auraient flanché pratiquement en même temps.

Et mince, mince et mince ! « Vos systèmes de manœuvre et de propulsion sont-ils encore opérationnels ?

— Nous avons toujours la propulsion, amiral. Nous sommes en train de bricoler les circuits des systèmes de manœuvre pour contourner le problème à tribord et nous devrions recouvrer toute notre capacité dans cinq minutes. »

Ç’aurait pu être pire. Bien pire. « Et si vous remplaciez ces connexions ? demanda Geary.

— Nous ne disposons que de cinq pièces de rechange à bord pour remplacer les sept qui ont flanché. » Le commandant du Spartiate faisait grise mine. « Je me suis assuré que les archives étaient scellées et les sites endommagés maintenus, sauf en cas de travaux de réparation. Si nous avons affaire à un sabotage ou à une négligence, nous pourrons identifier la méthode employée.

— Merci. Bien vu. Hélas, il y a de fortes chances pour qu’il s’agisse seulement d’une défaillance matérielle. Aviez-vous soumis les systèmes d’alimentation de votre vaisseau à des efforts supplémentaires juste avant cette panne ?

— Des efforts supplémentaires ? Nous nous préparions simplement au combat, amiral. En poussant nos boucliers à plein régime et en alimentant nos batteries de lances de l’enfer. »