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Desjani eut un rire bref. « Elle est gonflée. Je déteste cette femme, mais elle en a dans le ventre. Combien de temps devront-ils rester en quarantaine ?

— Ça dépendra de ce que diront les médecins à leur retour, quand ils les auront examinés.

— Bon sang ! » La voix de Desjani s’était faite plus sourde et intense. « J’en suis toute remuée. Voilà un moment que le genre humain attend depuis des lustres, dont il rêve et qu’il redoute peut-être depuis des millénaires. Il arrive enfin et c’est nous qui en sommes témoins.

— Plutôt effrayant, non ?

— Et suis-je encore démoniaque si j’espère que la délégation lousaraigne que nous ramenons avec nous étreindra aussi les politiciens du Grand Conseil de l’Alliance ?

— Non. » Geary eut la vision fulgurante d’un Lousaraigne « embrassant » la sénatrice Suva et sourit. « Je ne répugnerais pas à assister moi-même à ce spectacle. »

Le premier Lousaraigne était en train de s’exprimer dans ce bourdonnement pépiant suraigu qui leur servait de langage. Ses bras se replièrent précautionneusement sur son abdomen puis ses griffes cliquetèrent à plusieurs reprises avant qu’il ne s’incline devant Charban et Rione. Il releva une patte pour désigner cette fois la direction générale d’un des points de saut, puis pointa quatre membres vers les deux émissaires.

Charban hésita un instant avant de lever le bras pour saluer, l’abaissa et recula d’un pas.

Rione écarta les mains en souriant et adressa un signe de tête aux extraterrestres avant de faire à son tour marche arrière.

Les deux Lousaraignes se replièrent à l’intérieur du tube ovale, sortant ce faisant du champ de vision de Geary.

« Et maintenant ? demanda Rione à Charban.

— On referme le sas, j’imagine. » Il déclencha la fermeture des écoutilles intérieure et extérieure puis resta planté devant dans une posture manifestement indécise.

Le pilote avait assisté à toute la scène depuis son cockpit, sur la retransmission vidéo de la zone des passagers, mais elle réagissait à présent à une alarme qui venait de s’allumer sur son panneau. « L’atmosphère du sas diminue très vite. Elle baisse, elle baisse. Disparue. Ce qui était entré en contact avec notre coque a également disparu.

— Ramenez la navette, ordonna Geary. Pliez-vous ensuite au protocole de quarantaine, tant pour le matériel que pour le personnel.

— Compris, amiral. Nous regagnons sur-le-champ l’Indomptable. »

Les deux appareils se séparèrent et chacun retourna vers sa propre espèce.

Ce moment ineffable avait pris fin. Pourtant, alors même que Geary regardait rentrer la navette, il se disait que le motif cosmique dont parlaient les Lousaraignes avait été altéré d’une manière telle qu’aucune quantité de ruban adhésif ne saurait lui rendre son état antérieur.

Elle atteignait tout juste l’Indomptable que l’appareil lousaraigne s’engouffrait dans un vaisseau plus grand, lequel se retournait pour gagner un point de saut différent de celui qui avait été assigné à la flotte. Presque au même instant, un des bras incurvés de la formation extraterrestre s’effilocha et six de ses vaisseaux en décrochèrent pour filer vers une position entre la flotte de l’Alliance et le point de saut qu’elle devrait emprunter.

« Notre escorte », je présume, déclara Geary en voyant les six bâtiments décélérer pour épouser la vélocité des vaisseaux humains. Il appela les experts civils, sachant qu’ils n’auraient pas manqué une miette du spectacle, et tomba sur un professeur Schwartz qui le regardait de travers. « Un problème ? »

Schwartz inspira profondément avant de répondre. « Pardonnez mon attitude bien peu professionnelle, amiral, mais savez-vous à quel point il nous a été difficile d’assister à cette rencontre sans intervenir ?

— Je le déplore, docteur Schwartz, mais les Lousaraignes ont insisté : deux représentants humains seulement. Et l’émissaire Rione et le général Charban avaient précisément été désignés par le gouvernement de l’Alliance pour nous servir de guides dans tout contact avec les extraterrestres. Je n’aurais pas pu choisir quelqu’un d’autre sans un motif valable.

— Oui, je sais, répondit Schwartz. C’est bien pourquoi j’ai admis mon manque de professionnalisme. Mais… tout de même… j’ai rêvé de cet instant toute ma vie durant, amiral, et je reconnais volontiers m’être vue, dans ces rêves, comme la première à accueillir des extraterrestres.

— Des tas de gens ont fait ce rêve, docteur. Vous l’aurez au moins vu se réaliser. » Schwartz sourit. « Nos deux émissaires vont être occupés pendant un certain temps à se soumettre à tous les examens médicaux dont pourraient rêver nos toubibs. Notre escorte dans l’espace lousaraigne s’est déjà mise en position, mais nous ne serons prêts à partir que dans douze heures. Le docteur Setin et vous-même, pourriez-vous contacter les Lousaraignes pour le leur faire savoir ?

— Douze heures ? répéta Schwartz. Douze, encore, ça va, mais heures… ? Eh bien, ça demandera pas mal de travail. Je vais demander à mes collègues de s’y atteler, mais, je vous préviens, ils boudent encore plus que moi pour l’instant.

— Bonne chance, docteur Schwartz. »

Elle sourit derechef. « Merci, amiral. »

Geary raccrocha puis remarqua que Desjani fulminait dans son fauteuil. « Quoi ?

— Le service de quarantaine a un problème avec le capitaine Benan, grommela-t-elle.

— Quel problème ?

— Il insiste pour voir Rione. Les médecins s’y opposent. Je vais le faire mettre aux arrêts. »

Geary se crispa puis parvint à se détendre. « Il veut la voir ? En personne ou seulement par le truchement des communications virtuelles ?

— Laissez-moi vérifier, répondit Desjani avec un regard agacé. Très bien. Il dit qu’il veut la voir et lui parler en virtuel. Le médecin aimerait pouvoir travailler en paix.

— Permettez au capitaine Benan de communiquer avec son épouse », ordonna Geary.

Le visage de Desjani afficha une certaine stupéfaction. « Je vous demande pardon, amiral ?

— Quoi ?

— Vous vous êtes servi de votre “ton de commandement”. Vous n’avez pas à le faire avec moi. Vous le savez parfaitement. »

Elle appuya sur une touche. « Le capitaine Benan est autorisé à s’entretenir avec sa femme. Vidéo et audio. Peu m’importe. Faites en sorte. Dites à l’équipe médicale que c’est un ordre de l’amiral et qu’ils peuvent en discuter avec lui si ça ne leur plaît pas.

— Désolé, Tanya, reprit Geary. Les agissements du capitaine Benan et son manque de self-control ne sont que le fruit de ce qu’on lui a fait subir.

— Je suis au courant, rétorqua-t-elle. Les Syndics…

— Et l’Alliance. Je vous l’ai déjà dit.

— Très bien. Mais vous ne m’avez pas dit ce qu’on lui a fait. » Elle le défiait du regard.

« C’est top secret, Tanya. Si je vous le disais, ça vous créerait des problèmes.

— Des problèmes ? » Elle éclata de rire. « Ah, non, pitié ! Des problèmes ! Comment ferais-je sans mon gardien et protecteur pour m’épargner des problèmes ?

— D’accord, reconnut Geary. C’était peut-être un poil condescendant…

— Beuh !

—… mais vous avez déjà bon nombre de sujets d’inquiétude. »

Desjani eut un reniflement sarcastique. « À propos de sujets d’inquiétude, nous savons vous et moi que le capitaine Benan est une bombe à retardement. Puisqu’il se trouve à mon bord et qu’il risque à tout moment de mettre mon vaisseau en péril, il ne serait peut-être pas mauvais de m’informer de ce qui se passe afin de me permettre de contrôler la situation.