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— En effet.

— Et en quoi cela nous serait-il utile avec les Lousaraignes ?

— Ça marche aussi dans l’autre sens, expliqua Geary. Le lieutenant Jamenson est également capable de repérer une information précise noyée dans tout un fatras de données.

— Des motifs, par exemple ?

— En quelque sorte.

— Peut-être est-ce un bon choix, alors. » Desjani s’adossa à son siège en même temps qu’elle enfonçait ses touches de contrôle des communications internes. « Encore un peu plus de dix-neuf heures de transit jusqu’au portail de l’hypernet, dit-elle à son équipage. Attelons-nous aux réparations de la coque. »

Les Lousaraignes passèrent six heures à bord du bâtiment vachours. Ils concentrèrent leur attention sur les secteurs des contrôles et de l’ingénierie, tandis que les humains, de leur côté, s’intéressaient de près à ce qu’ils examinaient. Le lieutenant Jamenson eut l’occasion d’ouvrir son casque à un moment donné, mais, si ses cheveux verts surprirent autant les Lousaraignes qu’ils étonnaient ses collègues, rien ne permit de le dire.

Les données des senseurs de la flotte chargés d’examiner les planètes habitées affluaient. Soulagé de n’avoir à analyser aucune activité menaçante, Geary laissait aux experts civils, au lieutenant Iger et aux gens du renseignement le soin de s’en dépêtrer. De temps à autre, il observait des régions planétaires auxquelles venaient d’avoir accès les senseurs à large spectre, apercevait des villes et des cités qui s’étendaient sur une grande surface et semblaient peu peuplées selon les critères humains. Les Lousaraignes y entretenaient sans doute une population importante, mais ils préféraient manifestement se déployer plutôt que de se concentrer dans des zones urbaines surpeuplées. Contrairement au système stellaire vachours, ces planètes présentaient une végétation très variée, souvent à l’intérieur même des villes.

Quatre heures après le départ et une autre tournée d’étreintes simulées de l’équipe lousaraigne qui avait visité le supercuirassé, et dix heures environ avant que la flotte n’atteignît le portail de l’hypernet, Rione appela Geary dans sa cabine. « Je dois vous transmettre un certain nombre d’informations.

— Très bien. Allez-y.

— En personne. »

Il soupira. Rione dans sa cabine. À une heure avancée de la nuit. L’amiral Timbal l’avait prévenu qu’on guetterait tout signe de non-professionnalisme de sa part ou de celle de Desjani. « Madame l’émissaire…

— Le capitaine Benan peut me chaperonner », le coupa-t-elle, ironique, comme s’il s’agissait d’une vieille plaisanterie entre eux.

L’idée, bien entendu, n’exalterait pas non plus son époux. « D’accord », répondit Geary.

Elle apparut quelques minutes plus tard, flanquée d’un capitaine Benan à la démarche raide. Une fois dans la cabine, il regarda autour de lui en plissant les yeux comme s’il cherchait à repérer des menaces puis salua avec rigidité avant de tourner les talons et de ressortir, pour se planter ensuite derrière l’écoutille refermée.

Geary attendit cet instant pour demander : « Comment va-t-il ?

— Mieux depuis la conversation que vous avez eue avec lui.

— Au moins avons-nous mis le doigt sur la racine du mal et ai-je appris qu’on vous faisait chanter. »

Elle attendit un instant avant de répondre. « Sans confirmer pour autant votre seconde assertion, je déplore qu’aucune de ces deux informations ne nous soit d’un rapport immédiat, lâcha-t-elle finalement.

— C’est exact. Vous avez entièrement raison. Mais, selon vous, le capitaine Benan serait plus stable, non ?

— J’ai dit qu’il allait mieux. » Rione se dirigea vers une chaise et s’y assit en fixant l’écran des étoiles. « Plus stable ? Un peu. Mais il reste dangereux.

— Soyez sur vos gardes.

— Je le suis toujours. Permettez-moi de vous informer de ce que j’ai pu apprendre lors de conversations avec certains Lousaraignes, alors que le général Charban et les experts civils discutaient avec d’autres. »

Geary s’assit face à elle. « Vous adressiez-vous au responsable ? Quel grade ont donc ceux qui se sont entretenus avec nous ? » La question n’avait cessé de le préoccuper, mais jamais quand un de ses interlocuteurs aurait pu y répondre.

« Je n’en sais rien. Nous n’en savons rien. » Rione écarta les mains, paume en l’air. « Quelle qu’elle soit, la structure de leur organisation est trop complexe ou trop étrangère pour que nous la comprenions de sitôt. Une de nos experts, le docteur Schwartz, pense que son organigramme doit prendre la forme d’une toile. Elle a peut-être raison. Toujours est-il que nous ne sommes pas parvenus à deviner comment s’établissait leur hiérarchie, même si eux semblent en avoir une notion très limpide.

» Maintenant, j’ai eu vent de certains éléments que vous devriez connaître. J’ignore dans quelle mesure on peut les divulguer à l’ensemble de la flotte, et c’est d’ailleurs pourquoi j’ai choisi de vous en faire part en privé. » Rione s’exprimait avec brusquerie mais restait prosaïque. « Avant tout, ces Lousaraignes m’ont appris qu’ils ne nous épauleraient pas si nous agressions les Énigmas, ni ne nous défendraient contre eux. Et cela sans qu’il subsiste aucune ambiguïté. Certes, ils riposteront si les Énigmas les attaquent, mais ils n’engageront les hostilités avec eux dans aucun autre cas.

— Vous en êtes certaine ?

— Absolument. Si jamais nous devions combattre les Énigmas, nous serions livrés à nous-mêmes.

— Le général Charban vous a-t-il parlé de ses impressions relativement aux Lousaraignes et à la guerre ?

— Oui. » Rione secoua la tête. « C’est une explication plausible, mais nous ignorons si elle est exacte. Tout ce que nous savons, c’est qu’ils ne combattront les Énigmas que pour se défendre.

— Au moins nous l’ont-ils appris. Croyez-vous qu’ils aient signé un pacte de non-agression avec les Énigmas ? »

Rione s’apprêtait à répondre, mais une idée lui traversa l’esprit et elle s’en abstint puis lui adressa un petit sourire. « Parce que, si un tel pacte existait entre Lousaraignes et Énigmas, nous pourrions espérer signer le même avec ces derniers.

— Oui.

— Je ne le sais pas. Je tâcherai de m’informer. » Elle se pencha sur les touches de l’écran des étoiles, toute proche de Geary, et en tapota quelques-unes.

Même s’ils ne se touchaient pas, il était conscient de sa proximité, et les souvenirs de moments qu’ils avaient passés ensemble dans cette cabine, avant que Tanya et lui n’eussent pris conscience de ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre, lui revinrent sans qu’il pût les refouler.

Il ne montra rien à Rione de ce qu’il venait d’éprouver et de revivre, et elle-même n’eut aucune réaction. Sa voix restait ferme et assurée : « Nous allons émerger de l’hypernet lousaraigne dans ce système stellaire. On ne lui a pas donné de nom, rien qu’une désignation astronomique. Les Syndics ne sont pas arrivés jusque-là quand ils ont poussé plus loin leur exploration de cette région, voilà un siècle. Depuis cette étoile, nous effectuerons un bref saut jusqu’à cette autre. Toujours pas de nom d’origine humaine, mais, quand les Lousaraignes nous en ont parlé, ils se sont servis du même symbole que pour Honneur, bien que ce soit une étoile d’un type différent. »

Geary fixa son écran en réfléchissant. « Un symbole. Une étiquette, non pour désigner un type d’étoile mais autre chose ? Ils maintenaient une ligne de défense à Honneur pour la garder contre les Vachours. Cette étoile servirait-elle le même objectif, mais cette fois contre les Énigmas ? Ce symbole représente peut-être une forteresse, une place forte ou l’équivalent.