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— J’aimerais bien savoir ce qu’il est advenu du commandant en chef Kolani, s’interrogea Geary.

— Mieux vaut sans doute l’ignorer. » Desjani scrutait d’un œil soupçonneux l’image de la kommodore.

« Kolani m’avait frappé par sa farouche allégeance aux Mondes syndiqués, reprit Geary. Ce qui explique certainement pourquoi cette kommodore Marphissa a pris sa place. »

L’intéressée, prévoyant probablement que ses interlocuteurs allaient échanger des réflexions, s’était accordé une pause de quelques secondes mais reprenait à présent la parole en affichant une sereine assurance : « Nous accueillons favorablement l’assistance de la flotte de l’Alliance, sous les ordres de l’amiral Geary, dans la défense du système stellaire de Midway contre toutes les menaces qui pèseraient sur lui. »

Pas moyen d’ignorer l’accent qu’elle avait placé sur une de ses paroles. « Toutes ? s’enquit Desjani. Toutes ? Cette pétasse d’ex-Syndic cherche à nous entraîner dans sa lutte contre le gouvernement syndic. Qu’est-ce qui peut bien lui faire croire que nous allons marcher dans la combine ?

— Nous nous dirigeons vers la géante gazeuse, reprit Marphissa. Nous garderons ce cap jusqu’à rencontrer les forces ennemies ou recevoir l’ordre de vous épauler. Néanmoins, on m’a déjà transmis des instructions péremptoires, selon lesquelles la flotte de l’amiral Geary sera toujours la bienvenue à Midway. Au nom du peuple, ici la kommodore Marphissa, terminé. »

Geary plissa pensivement le front à la fin du message. « Vous avez entendu ?

— Jusqu’au moindre mot, répondit Desjani d’une voix tranchante.

— Je parlais de la fin de son message, qui s’achève sur “au nom du peuple”. J’ai souvent entendu ces mots dans la bouche de représentants des autorités syndics, mais toujours sans emphase ni émotion. Rien qu’un “au nom du peuple” énoncé à la va-vite et dépourvu de tout sentiment, comme si cette expression ne signifiait strictement rien. »

Desjani haussa les épaules. « Est-ce vraiment étonnant ? Vous savez comme moi que ce n’est qu’une farce. Rien dans les Mondes syndiqués n’est fait pour le peuple ni géré en son nom.

— Mais, à entendre la kommodore, elle avait l’air d’y croire très sérieusement », insista Geary.

Desjani se repassa la fin du message puis hocha la tête à contrecœur. « D’accord. Je m’en rends compte. Ces gens se sont révoltés contre les commandants en chef. Peut-être s’efforcent-ils réellement de se distinguer des Syndics. Mais Iceni et Drakon, leurs dirigeants, sont tous deux d’anciens syndics. Soit ils ont viré leur cuti, soit c’est de la pure comédie. Pour ma part, je sais sur quoi je parierais ma chemise. »

Geary se radossa pour étudier son écran, où des centaines de vaisseaux de l’Alliance, chacun sur un vecteur différent, se livraient à une chasse effrénée des trente-quatre Énigmas survivants. Cela dit, toutes ces trajectoires individuelles convergeaient vers l’intérieur du système ou le portail de l’hypernet en décrivant une courbe descendante. Aucune, pourtant, n’était balisée d’une interception, reflet de la triste réalité selon laquelle ses vaisseaux ne pourraient rattraper les Énigmas que si ces derniers altéraient leur course ou leur vélocité. « Quels que soient par ailleurs ces anciens Syndics, ils ont tout intérêt à bien savoir se battre. Nous ne pouvons pas arrêter les Énigmas. Ils devront s’en charger eux-mêmes. »

Des alertes s’activèrent soudain sur son écran, surlignant une douzaine de vaisseaux Énigmas.

« Ils ont déclenché un bombardement de projectiles cinétiques, déclara Desjani. Visant la planète habitée si l’on se fie à leurs trajectoires. » Elle serra le poing et l’abattit doucement mais fermement sur son accoudoir. « Ni les Syndics ni nous ne pouvons les arrêter. »

Dix-huit

Fendant l’espace à une vitesse de soixante mille kilomètres par seconde, l’Indomptable se déplaçait dorénavant à près de 0,2 c, trop lentement malgré tout pour rattraper les vaisseaux Énigmas qui le devançaient. Quant à leur bombardement cinétique, il restait tout aussi inaccessible.

Geary et les siens ne pouvaient qu’attendre, impuissants, conscients qu’au cours des deux prochains jours ils devraient se contenter de regarder les cailloux fondre sur leur cible.

« Nous recevons un message de la planète habitée, amiral. » Geary hocha désespérément la tête. « Ils ne savent pas encore ce qui va leur tomber dessus. Voyons ce que la “présidente” Iceni veut nous dire. »

L’image qui venait d’apparaître montrait Iceni et un homme au visage dur assis derrière un impressionnant bureau de bois poli. Le type avait plutôt l’air d’un égal que d’un subalterne.

Iceni ne portait plus le complet bleu foncé des commandants en chef syndic mais une tenue suggérant en même temps pouvoir et fortune, toutefois avec discrétion. L’homme assis près d’elle arborait un uniforme inconnu mais visiblement dérivé d’une conception syndic. Cela étant, il n’en avait nul besoin pour produire l’impression qu’il appartenait à l’armée. Aurait-il porté un costume civil que Geary l’aurait catalogué parmi les militaires.

« Ici la présidente Iceni du système stellaire indépendant de Midway. » Elle marqua une pause.

« Ici le général Drakon, commandant des forces terrestres de Midway, lâcha sèchement l’homme en uniforme.

— Nous sommes heureux d’accueillir le retour de la flotte de l’Alliance dans notre système, reprit Iceni. Surtout compte tenu des circonstances présentes et de nos accords passés. Nous ferons de notre mieux pour le défendre contre les envahisseurs, et nous ne vous demandons que de nous assister dans cette tâche jusqu’à ce que la population de Midway soit de nouveau en sécurité. La kommodore Marphissa, notre officier de la flotte le plus haut gradé, a reçu l’ordre de se plier à toutes vos instructions, à moins qu’elles n’entrent en conflit avec son devoir, la défense de notre système.

» Sachez que les unités de propulsion du cuirassé en construction dans notre principal chantier spatial militaire sont opérationnelles, contrairement, pour l’instant tout du moins, à ses boucliers et armements, de sorte qu’on ne peut pas compter sur lui pour participer à la défense du système.

» Ici la présidente Iceni. Au nom du peuple, terminé. »

Rione venait de surgir près de Geary et se penchait vers lui, l’air intriguée. « Les accords passés ? »

Il hocha la tête en s’efforçant de ne pas afficher une mine coupable. « Les accords passés, se contenta-t-il de répéter, comme si tout cela était naturel et parfaitement normal.

— S’agit-il d’autre chose que du traité de paix signé par l’Alliance et le gouvernement des Mondes syndiqués ? De clauses additionnelles ?

— Pourquoi cette question ? »

Tant Desjani que Rione le fixaient à présent furieusement. Il prit brusquement conscience qu’il était coincé entre les deux femmes. « Auriez-vous passé d’autres accords avec les autorités de Midway, amiral ? »

Il hocha la tête. « J’ai consenti à les aider à se défendre contre les Énigmas, ce qui ne contrevient pas au traité de paix.

— C’est tout ? insista Rione. Cette kommodore, elle aussi, avait l’air d’attendre bien davantage de notre part.

— Oui, renchérit Desjani. En effet. »

Desjani et Rione liguées contre lui pour lui reprocher d’avoir mal fait… la situation de Geary pouvait difficilement être pire.