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– Christophe! ne me méprise pas!

Et il était bouleversé de remords. Il se jetait sur le lit et baisait le visage du mort, en pleurant. Il répétait, comme autrefois:

– Mon cher papa! ne te méprise pas, je t’aime! Pardonne-moi!

Mais la plainte ne s’apaisait pas, et reprenait, angoissée:

– Ne me méprisez pas! Ne me méprisez pas!…

Et brusquement, Christophe se vit couché lui-même à la place du mort; il entendait les terribles paroles sortir de sa propre bouche, il sentait sur son cœur peser le désespoir d’une inutile vie, irrémédiablement perdue. Et il pensait avec épouvante: «Toutes les souffrances, toutes les misères du monde, plutôt que d’en arriver là!…» Combien il en avait été près! N’avait-il pas failli céder à la tentation de briser sa vie, pour échapper lâchement à sa peine? Comme si les peines, toutes les trahisons n’étaient pas des chagrins d’enfant auprès de la torture et du crime suprêmes de se trahir soi-même, de renier sa foi, de se mépriser dans la mort!

Il vit que la vie était une bataille sans trêve et sans merci, où qui veut être un homme digne du nom d’homme doit lutter constamment contre des armées d’ennemis invisibles: les forces meurtrières de la nature, les désirs troubles, les obscures pensées, qui poussent traîtreusement à s’avilir et à s’anéantir. Il vit qu’il avait été sur le point de tomber dans le piège. Il vit que le bonheur et l’amour étaient une duperie d’un moment, pour amener le cœur à désarmer et à abdiquer. Et le petit puritain de quinze ans entendit la voix de son Dieu:

– Va, va, sans jamais te reposer.

– Mais où irai-je, Seigneur? Quoi que je fasse, où que j’aille, la fin n’est-elle pas toujours la même, le terme n’est-il point là?

– Allez mourir, vous qui devez mourir! Allez souffrir, vous qui devez souffrir! On ne vit pas pour être heureux. On vit pour accomplir ma Loi. Souffre. Meurs. Mais sois ce que tu dois être: – un Homme.