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— Tu es venu…

La colère succède rapidement à l’angoisse.

— Tu crois que tu me fais peur, salopard ?!

Elle vient de hurler dans le vide. Ses yeux s’emplissent de larmes de rage.

— Qu’est-ce que tu veux, à la fin ?

De l’autre côté de la rue, le voisin cesse d’astiquer sa voiture déjà rutilante et observe cette femme qui braille sur son perron. Inutile de passer pour une aliénée auprès des habitants du quartier ; Cloé respire à fond pour recouvrer un semblant de calme.

Faisant attention à ne pas marcher sur le malheureux volatile, elle pénètre chez elle avec prudence. Il faudra qu’elle songe à se procurer une arme. Ça devient urgent.

Elle saisit son parapluie à pointe métallique, passe la maison au peigne fin. Rien à signaler.

Comment ce fou ferait-il pour entrer sans forcer la porte ?

Elle n’est plus sûre de rien.

Une arme et un verrou supplémentaire. La liste des courses s’allonge.

Dans la cuisine, elle récupère un grand sachet de congélation, des gants en latex. Avec une grimace de dégoût, elle saisit l’oiseau du bout des doigts et l’enferme soigneusement dans le sachet avant d’aller le placer dans le congélateur du garage.

Pièce à conviction.

Elle entreprend ensuite de nettoyer le sang qui macule sa jolie porte.

— Saleté de malade mental !

Sa besogne terminée, elle ressent le besoin d’une douche, alors même qu’elle en a déjà pris une chez Bertrand.

Elle choisit à la va-vite un tailleur pantalon dans la penderie, un chemisier, et peut enfin rejoindre sa voiture. La pendule du tableau de bord lui reproche l’heure tardive. Elle se rappelle alors qu’elle a une réunion avec Pardieu et d’importants clients à 10 heures.

— Bon sang !

Au premier feu rouge, elle saisit son portable, compose le numéro du président.

— Bonjour, monsieur, c’est Cloé. Je risque d’être un peu en retard.

— C’est fâcheux.

Le feu passe au vert, Cloé redémarre.

— J’ai eu un souci ce matin… Mais je fais mon maximum, je serai là à 10 h 15 !

— Je compte sur vous.

Alors qu’elle raccroche, elle aperçoit les flics sur le bord de la route. Un type en uniforme lui fait signe de se ranger sur le côté. Le sort s’acharne. Une journée de merde s’annonce.

— Police nationale, madame. Coupez le moteur du véhicule, s’il vous plaît.

— Écoutez, je suis en retard et…

— Coupez le moteur, répète l’agent en haussant la voix. Et veuillez me présenter les papiers du véhicule.

Le flic épluche la carte grise, la carte verte, avant de passer au permis.

— Je suis pressée, rappelle sèchement Cloé.

— Vous téléphoniez au volant. L’amende est de 35 euros et deux points seront retirés de votre permis.

Cloé essaie la douceur et le charme. Sourire et regard enjôleurs.

— Je suis vraiment désolée, monsieur. J’ai juste passé un appel de trente secondes pour prévenir mon président que j’allais arriver en retard à la réunion.

Le flic sourit à son tour, se penche légèrement.

— Il est interdit de téléphoner au volant, madame.

— Oui, mais…

— Vous savez ce que le mot interdit veut dire ?

— OK, je suis tombée sur quelqu’un de très compréhensif ! Mais vite, je suis pressée.

Évidemment, c’est la phrase qu’il fallait éviter. Le policier dresse le PV avec une application toute particulière. Au bout de dix minutes, Cloé sort de la voiture. Et de ses gonds.

— Vous le faites exprès ? Je vous ai dit que j’étais en retard !

Un autre flic, sans doute un gradé, s’approche.

— Nous faisons juste notre travail, madame. Il vaudrait mieux garder votre calme.

— C’est à ça qu’on vous paye grassement ? À empêcher les gens d’aller bosser ?

Avec un sourire en coin, l’agent continue à écrire à la vitesse d’un enfant de maternelle. Tout juste s’il ne tire pas la langue.

— Nous sommes payés, et pas grassement, pour appliquer les lois, répond le gradé. Si vous étiez pressée, il fallait respecter le code de la route. Ça vous aurait permis d’économiser 35 euros et un bon quart d’heure.

— Connard ! marmonne Cloé.

— Pardon ?

Elle regarde ailleurs, appuyée sur sa Mercedes.

— Vous pouvez répéter ce que vous venez de dire ? insiste le gradé.

— Je n’ai rien dit, sourit Cloé. Vous devez entendre des voix, monsieur le policier.

— Vous voulez que j’ajoute outrage à agent sur le PV ?

— Je veux juste aller travailler. Si vous le permettez, bien entendu. Mais allez-y, prenez votre temps, messieurs !

Enfin, l’agent lui remet l’amende. Cloé grimpe dans sa voiture et démarre en trombe.

Pour Pardieu, le retard est un péché capital. Il faut qu’elle invente très vite un alibi en béton.

Il est 10 h 40 lorsque Cloé pénètre dans la grande salle de réunion. Tous les regards convergent vers elle, comme chaque fois qu’elle entre dans une pièce. Armée d’un sourire de pénitente, elle vient s’asseoir près du président.

— Bonjour, messieurs, je vous prie d’excuser mon retard.

— Nous n’attendions plus que toi, précise Philip Martins d’un ton acerbe.

— Je suis vraiment désolée, ajoute Cloé en le fixant droit dans les yeux. Mais ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de sauver une vie.

Le silence se fait, ils sont suspendus à ses lèvres.

— J’ai dû pratiquer un massage cardiaque à une vieille dame qui avait un malaise. J’ai pensé que ça valait bien une demi-heure de retard… Non ?

Martins garde la bouche ouverte, Pardieu esquisse un petit sourire.

— Eh bien, puisque notre héroïne est enfin arrivée, nous allons pouvoir commencer.

La pub, c’est essentiellement une question d’imagination.

Gomez ralentit pour vérifier le nom de la rue. Quartier résidentiel d’Évry, alignement de pavillons qui ont une fâcheuse tendance à se ressembler. Mieux vaut ne pas rentrer chez soi ivre mort sous peine de se tromper de baraque et d’atterrir dans le plumard du voisin.

Au beau milieu de cette collection de maisons de poupées tristes, celle où vit Valentine.

Le commandant aperçoit alors la jeune femme qui l’attend déjà sur le trottoir.

— Bonsoir, Valentine ! Grimpez…

Elle monte et le considère avec un malaise évident.

— Vous êtes resplendissante. Cette tenue vous va bien mieux que l’uniforme.

— Pas difficile.

— C’est vrai. On y va ?

Elle hoche la tête, il passe la première.

— Détendez-vous ! Je ne vais pas vous manger.

— Je ne suis pas comestible.

Gomez éclate de rire. Il profite d’un stop pour la fixer droit dans les yeux.

— Vous êtes pourtant fort appétissante.

Valentine rougit malgré elle, mais rétorque aussitôt.

— Les plantes vénéneuses sont toujours appétissantes.

Il allume une cigarette et descend la vitre.

— Ça ne vous dérange pas, j’espère ?

— Si.

— Tant pis !

— Un homme galant jetterait sa cigarette.