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— Non, affirme Gomez. Un homme galant vous aurait demandé l’autorisation avant de l’allumer. De toute façon, je ne suis pas galant.

— Merci de me prévenir, commandant !

— Appelez-moi Alexandre, par pitié. Sinon, je vous appelle gardienne de la paix.

— OK, Alexandre. On va où ?

— Je connais un petit resto sympa sur les bords de Marne. Ça vous tente ?

La voiture remonte vers Paris, ils restent un long moment silencieux.

— Pourquoi avez-vous accepté mon invitation ? interroge soudain Alexandre.

— À vrai dire, je me le demande.

— Peut-être parce que vous me trouvez irrésistible ?

Elle tourne la tête vers lui, se retient de rire.

— Ça doit être ça, en effet.

— Moi, en tout cas… je vous trouve irrésistible.

— J’avais bien compris. Mais vous devriez regarder la route. Si je passe au travers du pare-brise, je serai beaucoup moins irrésistible.

Alexandre rigole à nouveau. Il ne l’avait pas imaginée si mordante, est agréablement surpris.

— Vous êtes censé être où, en ce moment ? questionne la jeune femme.

— Pardon ?

— Pour votre femme, précise Valentine.

— Avec vous.

— Vous vous moquez de moi, non ?

— Pas le moins du monde. Je lui ai dit que j’avais rendez-vous avec une jeune femme qui se prénommait Valentine. Elle a trouvé que vous aviez un joli prénom, d’ailleurs.

— Elle n’est pas jalouse ?

— Si, bien sûr.

Valentine perd un peu ses moyens.

— Vous me menez en bateau. Elle pense que vous êtes au boulot.

— Vous n’êtes pas obligée de me croire. Mais je vous assure qu’elle sait parfaitement ce que je suis en train de faire.

— Très bien… Et qu’êtes-vous en train de faire ?

Il repère une place libre, réalise un créneau parfait.

— Vous ne répondez pas à ma question, Alexandre ? insiste Valentine.

Gomez contourne la voiture pour lui ouvrir la portière.

— J’emmène au resto une plante vénéneuse, non comestible, mais particulièrement charmante !

— Et vous n’avez pas peur ? s’amuse Valentine en descendant à son tour de la bagnole.

— Je suis immunisé, mademoiselle !

Il l’invite à marcher vers le restaurant en lui prenant la main.

— Et j’ai faim.

Cloé met un peu d’ordre sur son bureau, enfile son manteau, attrape son sac.

— Vous êtes encore là ?

Elle sursaute ; Pardieu vient d’entrer, discret comme à son habitude.

— Je partais, précise Cloé.

— Vous m’accordez quelques instants ?

Il s’assoit, elle en fait autant, tout en jetant un coup d’œil impoli mais discret à sa montre.

Pas assez discret.

— Je ne vous retiendrai pas longtemps, précise le président.

— Aucun problème, prétend la jeune femme.

Il la dévisage quelques secondes, elle commence à se sentir mal à l’aise.

— Bravo, pour ce matin, dit-il enfin. L’excuse pour justifier votre retard à la réunion… Bien joué, vraiment !

— J’ai pensé qu’il fallait les étonner, sourit Cloé.

— Je vous reconnais bien là. Et quelle est la vraie raison ?

— Ce serait un peu long à expliquer, monsieur.

— Et ça ne me regarde pas. Toutefois, il ne faudrait pas me décevoir maintenant.

La gorge de Cloé se serre.

— Votre retard était malvenu, mais ce n’est pas le pire…

Le Vieux ménage une petite pause, histoire de prolonger le suspense.

— Vous n’aviez pas préparé correctement cette réunion.

— Si, je…

— Laissez-moi finir, voulez-vous ?

Elle se tait, sa bouche se crispe.

— Vous n’aviez pas préparé correctement cette réunion et nous avons bien failli passer à côté d’un contrat important. Heureusement que Martins était là. N’est-ce pas ?

— C’est vrai que j’ai commis une ou deux maladresses, mais…

— Ne vous relâchez pas maintenant. Si vous voulez toujours ma place, bien entendu.

— Je vous promets que ça ne se reproduira pas, monsieur, se hâte-t-elle de préciser.

— Je n’en doute pas, conclut Papy en se levant. Passez une bonne soirée, mon petit. Et ne me décevez plus jamais.

Cloé reste clouée dans son fauteuil de longues minutes. KO.

Gomez stoppe la voiture devant la maison et laisse tourner le moteur.

— Vous voilà chez vous, Valentine.

La jeune femme ressemble de nouveau à une collégienne timide. Elle qui s’est pourtant cachée durant toute la soirée derrière un rideau d’impertinence et d’audace.

Mais arrive le moment crucial où s’évaporent les apparences. Elle attend qu’il la prenne dans ses bras, qu’il l’embrasse. Elle, n’osera jamais. Pour cela, il faudrait d’abord qu’il coupe le contact.

Elle hésite à descendre de voiture, ne peut finalement s’y résoudre.

— Vous ne me demandez pas de vous inviter à prendre un dernier verre ? demande-t-elle comme si elle s’excusait de tant de hardiesse.

Elle le dévisage avec son sourire ingénu, ses yeux de biche.

— Non.

Son sourire s’évanouit, elle encaisse le choc. Aussi brutal que s’il venait de la gifler.

Alexandre regarde la route, les mains sur le volant. Il était pourtant sûr de lui. Savait ce qu’il venait chercher, ou plutôt voler, en l’invitant à passer cette soirée avec lui. Il cherchait à se rassurer, sans doute. À vérifier qu’il n’était pas seulement un futur veuf, mais encore un homme séduisant. Il cherchait à étancher sa soif, rassasier sa faim. Oublier son malheur. Oublier…

Sauf qu’il ne pense qu’à elle. Encore et toujours.

Sauf que Valentine est trop fragile pour assouvir ses envies inavouables. Elle vaut mieux que d’être un simple palliatif à sa douleur.

— Ne m’en veuillez pas, Valentine. Je vous en prie. Je suis désolé, mais je ne peux pas.

— C’est à cause de votre femme ?

Il acquiesce d’un silence.

— Je croyais qu’elle était au courant ! sourit tristement Valentine.

— Elle l’est. Elle m’a même encouragé à vous rejoindre, ce soir.

— Vous ne vous aimez plus, c’est ça ?

— Elle est en train de mourir. Et on s’aime comme au premier jour.

Deuxième choc. Encore plus violent que le premier.

Alexandre fixe son alliance, maintenant. Chaque mot lui érafle le cœur.

— On avait plutôt passé une bonne soirée, non ? Et voilà que je gâche tout…

— Ne dites pas ça, Alexandre.

Un silence atroce s’invite dans l’habitacle.

— Tu es merveilleuse, Valentine, ajoute brusquement Gomez. Alors je ne veux pas me servir de toi. Je vais te faire du mal et je ne le veux pas. Sauve-toi, maintenant.

Elle avance une main vers son visage. Il la stoppe juste avant qu’elle le touche.

— On pourrait seulement parler, dit-elle.

Elle est sincère, il le voit dans ses yeux. Encore plus merveilleuse qu’il l’imaginait.

— Pour que je te raconte ma souffrance ? Tu ne le mérites pas… Ou que je te fasse pitié ? Je ne le mérite pas. Sauve-toi, je te dis.

— Elle a de la chance de t’avoir. D’être aimée par toi.

Il sent une poigne invisible serrer son cou.