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L’hémorragie ne s’arrêtera plus.

J’ai déchiré tes chairs, rien ne viendra panser cette plaie désormais.

La lutte est engagée, j’en sortirai vainqueur.

Tu commences à m’appartenir et, déjà, le plaisir me grise.

Mais ce n’est que le début, mon ange. La suite sera meilleure encore. Pour moi, bien sûr. Parce que pour toi…

Pas de plaisir sans douleur. Une règle qu’il te faudra accepter.

Tu dois souffrir. Pour moi.

Parce que je l’ai décidé, parce que je t’ai choisie. Simplement pour ça.

Je veux que tu aies mal, à en crever. Que tu implores la mort d’abréger ce supplice. De venir te libérer, te sauver de moi.

Sauf que la mort, ce sera moi.

Je t’arracherai les ailes, mon ange. Alors, tu ramperas devant moi.

Chapitre 18

Bertrand boit quelques gorgées d’eau froide directement au robinet. Puis son regard s’enfuit par la fenêtre de la cuisine. L’aube s’annonce. Mais la nuit n’est pas finie.

Il retourne dans la chambre, s’allonge à côté de Cloé, profondément assoupie. Sur le ventre, comme toujours.

Il n’a plus sommeil, a trop envie d’elle pour se rendormir.

Pourtant, la partie commence à être longue, il faudrait en entamer une nouvelle.

Une autre fleur à butiner puis à faucher.

Il faut que je songe à mettre le point final. Mais chaque chose en son temps. Je n’ai pas terminé avec elle. Pas encore. Le meilleur reste à venir…

Lentement, il fait descendre le drap, découvrant son corps presque parfait.

Parfait, ce serait ennuyeux.

Il la déguste des yeux, malgré la faible clarté qui baigne la pièce.

Il sait ce qu’il veut. Devenir une obsession, une drogue qu’aucune autre ne peut remplacer.

Rien n’est plus excitant.

C’est ça, être vivant. C’est ça, exister.

Exister, c’est manquer à quelqu’un.

Exister, c’est être la douleur d’un autre.

Une vie rangée ? Bertrand n’en veut pas. N’en a jamais voulu. La routine qui s’installe, qui bousille tout. Qui ronge lentement tout ce qu’elle touche. Qui érode les pierres les plus solides, craquelle n’importe quel ciment.

Il veut qu’elles se souviennent de lui. Toujours.

Il veut qu’elles aient envie de mourir pour lui. Par manque de lui.

Qu’elles se morfondent en pensant à lui. À ce qu’il leur a donné. Puis repris.

Il n’est qu’un simple voleur, après tout. Un voleur d’âmes.

Il les collectionne, comme d’autres collectionnent les montres ou les objets d’art.

Avec douceur, il décide de réveiller Cloé. Avec douceur, toujours. On obtient tout ce qu’on désire, par la douceur. Ou alors, c’est par la force. Les deux peuvent être agréables.

Comme les armes : toutes efficaces, à condition de savoir s’en servir.

Et Bertrand est un chasseur redoutable.

Il caresse son dos, monte et descend le long de sa colonne vertébrale. Elle ouvre les yeux, met quelques secondes à émerger d’un rêve. Ou d’un cauchemar.

Quelle importance ? Il s’en fiche.

Elle vient se coller contre lui, il dépose un baiser dans son cou, un autre sur son épaule. Elle se rendort bien vite, ne l’entend pas lorsqu’il murmure :

— Tu seras bientôt prête…

Il l’arrache à nouveau au sommeil qu’elle avait enfin réussi à trouver.

Mais elle ne lui en veut pas. Tellement heureuse de compter pour lui.

De compter autant.

Chapitre 19

Le neurologue n’en finit plus d’examiner l’électroencéphalogramme, comme s’il cherchait l’erreur.

Bertrand, par le biais d’un ami, a réussi à lui obtenir un rendez-vous en urgence chez un spécialiste réputé. Cloé a accepté de jouer le jeu, seulement pour prouver qu’elle n’est pas en train de perdre la raison. Qu’il y a bien une ombre dans sa vie. Pas dans sa tête.

— Est-ce que vous prenez des médicaments, madame ?

— Non, répond-elle un peu vite. Enfin… Juste un truc pour le cœur. J’ai une tachycardie de Bouveret.

Elle se creuse la cervelle pour se souvenir du nom des gélules qu’elle avale chaque matin, le livre enfin au spécialiste.

— Autre chose ?

— Un autre médicament, vous voulez dire ?

— Ou… une autre substance.

Cloé reste médusée. Elle a dû mal comprendre.

— Substance ? Qu’entendez-vous par là ?

Petit sourire à peine perceptible.

— Je suis là pour vous soigner, non pour vous juger. Vous pouvez tout me dire, vous savez… Vous consommez de la drogue ? Cocaïne, par exemple ?

— Mais non ! s’offusque Cloé.

Il la fixe de manière embarrassante, elle soutient son regard.

— Je ne me drogue pas. Ni cocaïne, ni autre chose.

— Des somnifères ?

— J’en ai pris vendredi. Mais ça ne m’arrive quasiment jamais.

— Le nom de ce médicament ?

Cette fois, Cloé a beau chercher, elle ne le trouve pas.

— Qui vous l’a prescrit ?

— Personne. C’est mon ami qui me l’a apporté quand je lui ai dit que je faisais des insomnies.

— Pas d’anxiolytique, ou d’antidépresseurs ?

— Non. Pourquoi ces questions ?

— Les symptômes que vous décrivez pourraient être dus à deux facteurs : la prise de certaines substances ou un surmenage doublé d’un très fort stress. Est-ce le cas ?

Elle est sur le point de lui confier que oui, elle est stressée. Qu’elle vit dans l’angoisse depuis que l’Ombre marche dans son sillage. Pourtant, elle se retient. Elle est là pour démontrer qu’elle est saine d’esprit, autant ne pas lui tendre la perche.

— Eh bien… je suis nerveuse, ces derniers temps. J’ai beaucoup de pression au travail. Je ne dors presque pas, mais je ne me sens pas vraiment fatiguée.

— Je vois. Je vais vous prescrire quelque chose pour vous détendre, pour vous permettre de retrouver le sommeil. Mais c’est provisoire, bien sûr. Le temps de récupérer. L’important, c’est de vous reposer quelques jours.

— Vous voulez dire que je ne dois pas aller travailler ?

— Pendant une semaine, voire deux.

— Impossible ! s’exclame Cloé.

Le neurologue a un léger soupir d’agacement. Tous ces gens qui se croient indispensables…

— Disons une semaine d’arrêt, pour commencer.

— Je vous dis que c’est impossible pour moi de m’absenter une semaine du bureau !

— Vraiment ? Si vous voulez mon avis, et vous le voulez, sinon vous ne seriez pas là, il y a deux options : soit vous vous reposez maintenant, quelques jours, soit vous continuez à tirer sur la corde. Et là, ce ne sera plus une semaine au calme qu’il vous faudra. Ce sera un mois. Peut-être deux… Dans le meilleur des cas. Alors, que préférez-vous ?