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Cloé se place entre lui et la porte.

— Restez ici !

— Je ne suis pas là pour obéir à vos ordres. Et je ne suis pas votre exutoire !

Elle ressemble à une panthère sur le point de lui sauter à la gorge. Sophie aussi était belle lorsqu’elle se mettait en colère… Cependant, elle avait plus d’élégance.

— J’ai une veine terrible ! balance Cloé. Le seul flic qui s’intéresse à mon cas est un paria, un imposteur !… Si ça se trouve, vous êtes son complice !

Il réprime une furieuse envie de la forcer à se taire.

— Vous délirez ! Et si je ne vous semble pas assez efficace, allez vous chercher quelqu’un d’autre.

Il ne pensait pas qu’elle le prendrait si mal. Espérait même qu’elle le trouverait héroïque. Il se demande soudain pourquoi il est venu à son secours.

— Vous m’avez prise pour une conne ! Disparaissez !

— Si vous voulez que je m’en aille, laissez-moi passer.

Elle ne bouge pas, continuant à le provoquer. Alors, il l’attrape par les épaules, la déplace d’un bon mètre et ouvre enfin la porte.

— Ne me touchez plus jamais !

Elle frise l’hystérie.

— Aucun risque, rétorque Alexandre en dévalant les marches du perron. Et passez le bonjour de ma part à votre ami, dès qu’il vous rendra visite !

Cloé perd sa dernière goutte de sang-froid et continue de hurler.

— Espèce d’enfoiré ! Ça m’étonne pas que ta femme t’ait plaqué ! Elle a bien fait de se tirer, pauvre con !

Alexandre fait demi-tour. Surprise, Cloé rentre à la hâte puis tente de refermer la porte.

Trop tard.

Gomez file un coup d’épaule, elle est projetée en arrière, manque de perdre l’équilibre.

— Oh pardon ! ricane Alexandre. Je n’ai pas bien entendu votre dernière phrase… Vous disiez ?

Instinctivement, Cloé recule de quelques pas.

— Sortez de chez moi.

Elle a baissé d’un ton, il accentue son sourire. Celui qui ferait frémir l’enfer. Cloé sait qu’elle vient de franchir la limite. Et que ce type est dangereux.

Courir ne servirait pas à grand-chose vu qu’il n’y a qu’une porte et qu’il est devant.

— Je me boirais bien un autre café, finalement, ajoute Gomez. Vous permettez ?

Il la frôle, va tranquillement s’installer dans la cuisine. Cloé reste plantée dans le vestibule, ne sachant trop quelle attitude adopter. Elle songe à s’enfuir de sa propre maison, essaie de se souvenir où elle a mis les clefs de sa voiture.

Sa voiture, garée en bas de chez Gomez.

Si elle part à pied, il la rattrapera. Alors autant l’affronter.

Elle le rejoint, constate qu’il s’est servi un café.

— Faites comme chez vous ! crache la jeune femme.

— Merci, vous êtes très aimable.

Il a l’air de bien s’amuser. Sauf que la haine enflamme ses yeux, redevenus ceux d’un fou.

Furieux.

Cloé attrape un couteau qui traîne sur le plan de travail et le planque dans son dos. Puis elle se campe en face de lui et soutient son regard.

— Alors comme ça, vous pensez que je suis son complice ? Peut-être même que c’est moi ! rigole le flic. Puisque je suis un enfoiré… Non, j’oubliais que je ne suis qu’un pauvre con… Je ne suis donc pas assez intelligent pour être ce fameux psychopathe !

— Je n’ai pas dit ça, murmure Cloé. Je n’ai pas dit que c’était vous.

Il ajoute un sucre dans sa tasse, ne la quitte pas des yeux.

— Je vous fais peur, mademoiselle ? Qu’est-ce que vous planquez dans votre dos ? Un couteau, je parie ! Vous croyez vraiment que vous faites le poids ?

— J’aimerais que vous sortiez de chez moi, maintenant.

— Je finis d’abord mon café, ça ne vous dérange pas ? J’ai passé la nuit à me geler les couilles dans ma caisse, juste pour veiller sur une hystérique. Ça mérite bien une petite récompense, non ?

Il avale son café, se lève. Mais, au lieu de se diriger vers la porte, il se dirige droit sur elle.

— Et j’ai faim, ajoute-t-il.

Cloé se liquéfie sur place. Il la bloque contre l’évier, tend le bras pour ouvrir le placard et s’empare d’un paquet de biscuits. Il approche sa bouche de son oreille.

— Ma femme ne m’a pas plaqué, murmure-t-il. Elle est morte dans d’atroces souffrances.

Un grand froid enlace brutalement Cloé.

— Je… je suis désolée. Je n’avais pas compris…

Elle n’essaie même pas de se dégager, consciente de n’avoir aucune chance.

— Vous ne comprenez rien. Vous vous croyez supérieure à tout le monde. Vous vous croyez parfaite… Ce malade ne vous a pas choisie au hasard, je crois.

— Qu’est-ce que vous en savez ? contre-attaque Cloé.

— C’est une évidence.

Cloé ravale une insulte. Elle sait qu’en ajoutant un mot, un seul, elle peut déclencher un cataclysme.

— Je peux même comprendre qu’on ait envie de vous démolir…

Le cœur de Cloé fait un tour sur lui-même, elle étouffe.

— Qu’est-ce qui se passe, mademoiselle Beauchamp ? Vous avez perdu la parole ?

Se taire et baisser les yeux, elle ne voit pas d’autre alternative. Ne pas attiser les braises rougeoyantes de sa colère. Celles qui éclairent son regard de dément.

Face à son silence, Alexandre recouvre son calme. Il passe une main derrière elle, s’empare du couteau et le jette dans l’évier.

— Faut pas jouer avec ça, dit-il. C’est dangereux.

Il s’éloigne enfin, Cloé respire à nouveau.

— Bonne chance, en tout cas ! lance-t-il depuis le couloir. Et encore merci pour le café.

Dès qu’il a fermé la porte, Cloé se laisse glisser jusqu’au sol. Il ne l’a pas touchée, elle a pourtant l’impression d’avoir été rouée de coups.

Elle se retrouve des années en arrière, immobile dans ce silence et cette hébétude qui succédaient à la violence.

Chapitre 41

Le crépuscule a pris une bonne heure d’avance. Le ciel est si bas, si lourd, qu’il semble prêt à crever les toits.

— Voilà, ça fait dix-neuf cinquante, madame.

Cloé tend un billet de vingt euros au chauffeur de taxi.

— Gardez la monnaie, dit-elle.

Elle rejoint aussitôt sa Mercedes, garée juste derrière la voiture d’Alexandre. En levant la tête, elle aperçoit un rectangle de lumière sur la façade éteinte. Il est donc chez lui.

Cloé joue nerveusement avec sa clef. Envie de déguerpir, sauf que…

Ça fait des heures qu’elle y pense. Pas le choix, il faut qu’elle y aille. Qu’elle lui parle. Même si la simple pensée d’une confrontation avec Gomez lui est insupportable.

Il le faut. Parce qu’elle n’a personne d’autre et qu’un maniaque l’a choisie pour cible.

Parce qu’elle est seule à en crever et qu’il est son unique espoir.

Parce que tout le monde la croit folle à lier. Tout le monde, sauf lui.

Parce qu’il est coriace, fort et intelligent. Un solide rempart entre elle et l’Ombre.

Reste à trouver les mots justes, ceux qui le feront flancher. Il faudra faire profil bas. Peut-être même user de son charme. Peu importe la façon, seul compte le résultat : le convaincre de redevenir son ange gardien.

Cloé se présente à l’entrée de l’immeuble plutôt modeste pour ne pas dire moche. La veille au soir, elle est rentrée en sonnant au hasard. Quelqu’un a fini par lui ouvrir.