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— Je ne serai pas loin.

Elle remarque qu’il ne la regarde pas. Qu’il ne la regarde plus. Comme si elle était soudain un spectacle insoutenable.

Elle le rattrape alors qu’il est déjà dans le couloir.

— Restez, s’il vous plaît… J’ai peur d’être seule.

— Vous bossez demain, rappelez-vous. Alors il faut que vous dormiez.

— Je ne dors plus, révèle Cloé. Depuis des semaines.

— Impossible ! rétorque le flic.

— Une heure, par-ci par-là… Mais si vous êtes là, je prendrai un somnifère et je pourrai enfin dormir.

Alexandre est sur la défensive. Ne pas céder.

— Je ne suis pas votre doudou. Achetez-vous une peluche.

— Arrêtez de me traiter comme ça, commandant ! Je ne le mérite pas, merde !

Il ne répond pas, fixe la porte avec une envie grandissante de s’enfuir.

— Je peux vous préparer la chambre d’amis. Vous serez bien installé, je vous assure. Personne ne vous attend, de toute façon.

Il braque ses yeux dans les siens, enfin.

— Merci de me le rappeler, lance-t-il d’un air mauvais.

— Pardon, murmure Cloé.

Elle s’approche, beaucoup trop près. Prend la main du flic dans la sienne. Il n’essaie pas de la lui reprendre.

— OK, dit-il enfin. Je reste cette nuit, parce que vous n’avez pas encore fait changer les verrous. Mais c’est la dernière fois.

— Merci.

Elle fait monter ses doigts le long de son bras. Elle se colle contre lui, il ferme les yeux.

— Pas de ça, Cloé.

— Pourquoi ? Je sais que je vous plais…

Toujours cette assurance, inébranlable. Sûre d’elle, de son charme, de ce qu’elle suscite chez l’autre.

— Et vous me plaisez aussi, ajoute-t-elle.

— Non. C’est juste que vous avez besoin de moi.

Il la repousse avec un minimum de délicatesse alors qu’il a pourtant envie de la placarder contre le mur tout proche. Autant qu’il a envie de la porter jusque sur son lit.

Il ne sait plus très bien où il en est. Ce qu’il désire, ce qu’il refuse. C’est tellement soudain.

C’était tellement prévisible.

Il y a le visage de Sophie. Qui vient se superposer au sien.

Il y a cette angoisse absurde de ne pas y arriver.

Il y a l’odeur imaginaire de l’autre sur sa peau. Ce salopard qui l’a touchée pas plus tard que la veille.

Cloé revient doucement à la charge, passe ses bras autour de son cou, essaie de l’embrasser. Il ressemble à une statue en bronze.

— Je vous fais peur ? murmure-t-elle. C’est parce que je lui ressemble ?

Il la repousse une nouvelle fois, elle renonce. Soudain très mal à l’aise.

— Excusez-moi, j’ai cru que… C’était stupide. Je vais vous préparer la chambre. J’en ai pour cinq minutes.

Elle se sauve bien vite, il reste planté comme un idiot dans le couloir.

Fuir ou rester. Résister ou plonger.

Cloé réapparaît, il a l’impression qu’elle ne s’est jamais éloignée.

— Votre chambre est prête… Vous avez besoin d’autre chose ?

Il oublie de répondre.

La dévisage pendant de longues secondes. Elle a pleuré, ses yeux n’en sont que plus beaux.

Lorsqu’il s’approche, elle n’est pas surprise.

Lorsqu’il prend son visage entre ses mains, elle oublie pourquoi il est là.

Lorsqu’il l’embrasse, qu’il l’enlace, elle oublie qu’elle va mourir.

Un endroit où se sentir en sécurité. Enfin.

Chapitre 42

Quand Cloé se réveille, elle est étonnée.

D’avoir réussi à dormir. Sans somnifère, sans alcool. Juste en fermant les yeux.

Il est tôt, le jour n’est encore qu’une promesse. La seule dont on sait qu’elle sera tenue.

Alexandre a quitté la chaleur des draps. Assis dans un fauteuil, il la regarde. Avec une intensité dont seuls ses yeux sont capables.

— Tu es réveillé depuis longtemps ? demande Cloé.

— Je n’ai pas dormi.

— Pourquoi tu ne viens pas près de moi ?

Elle l’invite d’un petit geste de la main, d’un sourire provocant. Il ne bouge pas.

— Allez, viens ! supplie-t-elle d’une voix lascive.

Enfin, il franchit la courte distance qui les sépare, grimpe sur le lit à la manière d’un fauve en approche de sa proie.

Cloé est sous la couette, il ne s’y aventure pas. Il s’allonge sur le côté, continue à la regarder. Puis il fait descendre lentement l’enchevêtrement de tissus qui protègent son corps.

Elle empoigne les barreaux du lit, captive volontaire.

Lorsqu’il pose une main froide sur son ventre brûlant, elle se mord la lèvre.

— Ferme les yeux, ordonne Alexandre.

Elle obéit. Juste sentir, ressentir. Imaginer. On voit tellement mieux, les yeux fermés.

Cette main, incroyablement douce, qui monte jusqu’à sa gorge, redescend sur ses hanches.

Mais la douleur n’est pas loin. Là, juste sous sa peau.

— Tu crois qu’il m’a fait quoi ? demande-t-elle d’une voix à peine audible.

— Je crois qu’il t’a fait ça, chuchote le flic dans son oreille.

Sa main se fait moins légère lorsqu’elle s’immisce entre ses jambes.

Cloé serre ses cuisses dans un réflexe. Trop tard, il est déjà en elle.

— Ne bouge pas. Rappelle-toi, tu étais inconsciente, à sa merci…

Sa voix vibre de nuances cruelles, perverses. De menaces.

Cloé entend son cœur qui s’affole, cogne fort dans sa poitrine et jusque dans sa tête.

— Je crois qu’il a fait ça aussi…

De son autre main, Alexandre serre sa gorge. À peine, sans l’empêcher de respirer.

Cloé a envie de lui échapper. De lui résister.

De lui céder et même de l’encourager.

Quelque chose la force à se soumettre à sa volonté. Plaisir de lui donner ce qu’il attend.

— Tu t’en souviens, maintenant ? demande Alexandre.

Des images se bousculent dans le cerveau de la jeune femme. Sensations qui prennent vie, se mélangent les unes aux autres.

— Est-ce que tu as aimé ça ?

— Je sais pas… Je sais pas !

— N’ouvre pas les yeux, ordonne à nouveau le flic. Pas encore.

Il balade ses lèvres sur sa peau, le sang afflue jusqu’au cerveau de Cloé. Juste derrière ses paupières, un ciel rouge barré d’éclairs.

— Moi, j’ai aimé ça, révèle Gomez. Et j’avais hâte de recommencer !

Énorme coup de tonnerre.

Cloé ouvre les yeux et plonge directement dans ceux d’Alexandre. Comme dans un bain de lave en fusion.

— C’est toi ? murmure-t-elle avec effroi.

— Qui veux-tu que ce soit ?

Il sourit, sa poigne se referme sur la gorge de Cloé.

— Mon Dieu ! gémit-elle.

— Ton dieu, c’est moi.

La peur devient plus forte que l’envie. Elle tente de le repousser, de s’enfuir. Il la plaque sur le matelas et pèse de tout son poids sur elle. Ses doigts se sont transformés en lames qui lacèrent sa peau.

Elle hurle, se débat. Il la mord jusqu’au sang, lui arrache des morceaux de chair.

Bientôt, la douleur est si forte qu’elle exige le silence.

Bientôt, Cloé ne peut même plus crier.

Abandonner, s’abandonner. Lui donner ce qu’il désire.

Son corps en pâture, son âme en sacrifice.

Mourir entre ses mains en oubliant qu’un jour elle a aimé vivre.