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— Qu’est-ce qu’il me veut ? Hein ? Qu’est-ce qu’il me veut à la fin ? Martins a eu le poste, alors pourquoi il ne me laisse pas tranquille ?

— Je sais pas, murmure Alexandre. Mais je vais trouver. Je te le promets.

Chapitre 51

— Bonne journée, sourit Alexandre.

Un sourire crispé qui ne fait pas vraiment illusion. Il est inquiet, c’est évident. Une inquiétude qui réconforte Cloé.

Elle l’embrasse, caresse son visage. Il ne s’est pas rasé, ce matin. Pourtant, elle le trouve plus charmant encore.

— À ce soir… Je récupérerai ma voiture.

— OK, mais je te suivrai.

Elle ouvre la portière, ne descend pas. Elle le regarde encore, avec une intensité rare.

— C’est long une journée sans toi, dit-elle simplement.

Il lui offre un vrai sourire, cette fois.

— Va, tu es en retard. On se retrouve ce soir. Tout se passera bien, je t’assure, ajoute Alexandre avec un clin d’œil.

Elle quitte enfin la voiture, le flic attend qu’elle soit avalée par la tour gigantesque avant de démarrer et de reprendre la direction de la banlieue.

Direction le 95. Sarcelles.

Ce matin, il a rendez-vous avec Amanda, l’ancienne collègue et amie de Laura. Pour tenter d’en savoir plus sur les gens que fréquentait la précédente victime. Car il ne peut écarter l’hypothèse d’un seul et même agresseur.

Ce type qui se joue de lui. Qui s’amuse avec ses nerfs.

Il n’attend pas grand-chose de cette rencontre, mais ne veut négliger aucune piste. Quand on est perdu en pleine forêt, chaque début de chemin est un espoir.

Comme il est en retard, il place le gyro sur le toit et roule en quatrième, pleins phares.

La vitesse, les voitures qui se rangent pour le laisser passer. Ça lui donne l’impression qu’il a de l’importance. Qu’il est quelqu’un.

Alors qu’il n’est vraiment plus rien.

Rien d’autre qu’un flic en congé, lâché par sa hiérarchie et pas mal de ses anciens collègues.

Un veuf qui ne parvient pas à faire son deuil. Même s’il couche avec une autre femme. Parce qu’elle ressemble à Sophie, il ne l’oublie pas. C’est peut-être plus horrible encore.

Pourtant, elle le maintient en vie. Une perfusion dans son bras. Un simulacre d’espoir, un semblant d’existence.

Il y a des secondes, des minutes même, où il s’imagine rester avec elle lorsque l’enquête sera terminée et l’Ombre effacée. Mais la couche de glace s’épaissit autour de son cœur. Il a froid. Même quand il serre Cloé dans ses bras. Même quand il est en elle.

Enfin, il arrive sur le parking du centre commercial et trouve une place proche de l’une des portes. Il se hâte de rejoindre le snack où Amanda l’attend déjà.

— Désolé pour le retard.

— C’est pas grave. Je ne prends mon service qu’à 11 heures, on a le temps…

Gomez se commande un café, offre un thé à la caissière. Elle doit avoir la quarantaine, se maquille un peu trop et se parfume beaucoup trop, ce qui indispose Alexandre.

— Bon, dit-il, vous avez réfléchi à ce que je vous ai demandé ?

— Oui, répond Amanda. Mais je ne connaissais pas toutes les personnes qui ont croisé le chemin de Laura. On était proches, c’est vrai, mais…

— Eh bien, dites-moi ce que vous savez. Chaque détail peut avoir son importance.

Gomez dégaine un calepin et un stylo de sa poche, ainsi que la liste écrite par Cloé.

— D’accord, je vais faire de mon mieux… Elle a fréquenté pendant deux ans un mec qui s’appelait Michaël. Il était vendeur dans une des boutiques du centre. Le magasin de sport, vous voyez ?

Gomez hoche la tête. Il note le nom, le prénom.

— Quel genre ?

— Le genre banal ! Sans histoires… Un peu ennuyeux, même. Assez quelconque. Et puis, un jour, il l’a plaquée. C’était avant qu’elle se fasse virer. Vraiment, je ne vois pas quoi vous raconter sur ce type, je le trouvais vraiment insignifiant. Alors que Laura, elle, avait un caractère bien trempé !

— Hum… Quoi d’autre ?

— Laura ne côtoyait pas grand monde, elle était plutôt solitaire. Beaucoup de gens la trouvaient hautaine, distante et froide. Mais c’est faux, vous savez. C’est seulement l’impression qu’elle donnait à ceux qui ne la connaissaient pas.

Hautaine, distante et froide. Comme Cloé, finalement, songe le flic.

Amanda livre encore quelques noms, quelques prénoms. Rien d’alléchant pour Gomez qui commence à se dire qu’il ne trouvera rien ici.

— Vous savez, reprend Amanda, depuis votre coup de fil, je me suis creusé la cervelle et y a un truc qui m’est revenu. C’est sans doute sans importance, mais…

— Allez-y, encourage le commandant.

— Eh bien, je sais que Laura avait rencontré un type dans une soirée. Un type qui lui avait tapé dans l’œil. Elle m’en a parlé quelques fois. Souvent, même.

— Comment s’appelait-il ?

— Aucune idée ! Elle m’a sans doute dit son prénom, mais je vous avoue que je n’arrive pas à m’en souvenir. En tout cas, elle l’avait trouvé beau, ténébreux, séduisant…

— C’est mon portrait tout craché ! s’amuse Alexandre.

Amanda se met à rire, elle ajoute un sucre dans son thé.

— Seriez-vous un psychopathe ?!

— Il paraît… Alors, ce mec, que pouvez-vous m’en dire ?

— Après cette rencontre, elle m’en a parlé plusieurs fois, répète Amanda. Elle m’a dit qu’elle aimerait le revoir.

— Elle était avec ce Michaël, à l’époque ?

— Oui. Mais je crois qu’elle n’était pas très heureuse.

— Je vois… Ça s’est passé à quelle période ?

— Environ trois ou quatre mois avant qu’elle se fasse licencier.

— OK, ça m’intéresse. Donc, ce mystérieux don Juan lui tape dans l’œil au cours d’une soirée et… ?

— Et elle réussit à avoir son numéro de téléphone par la personne chez qui elle l’a rencontré. Elle l’appelle, ils se filent rancard. Ils boivent un café, puis un autre. Mais au troisième rendez-vous, il lui apprend qu’il est marié et qu’il a des gosses.

— Aïe… ça rompt le charme !

— On peut dire ça ! confirme Amanda avec un sourire qui sent le vécu. Le type lui a expliqué qu’il ne pouvait pas aller plus loin avec elle, même s’il était très attiré par elle. Obligations familiales obligent… et bla-bla-bla ! Vous voyez le topo ? Je me suis dit qu’il n’aurait pas dû la revoir trois fois avant de lui avouer ça. Elle s’est fait des rêves pour rien. Je trouve que c’est vache, non ?

— Peut-être qu’il a eu peur au moment de franchir le pas. Les hommes ont parfois besoin de se prouver qu’ils peuvent séduire.

— Ouais, mais c’est quand même dégueulasse ! D’ailleurs, je crois que Laura en a souffert. J’avais l’impression qu’elle avait vraiment eu un coup de foudre pour cet homme, parce que après elle a changé. Même si ça n’a sans doute aucun rapport, c’est à partir de ce moment-là qu’elle s’est renfermée sur elle-même et qu’elle a déconné niveau boulot. Elle arrivait en retard, elle était agressive avec les clients…

Une alerte s’allume dans le cerveau de Gomez.

— Dites-moi que vous vous rappelez le nom de cet homme ! supplie-t-il. Ou au moins son prénom ! Un détail, quelque chose !

— Je n’ai jamais su son nom, je vous l’ai dit. Je ne me souviens même pas de son prénom, désolée. Par contre, je me rappelle très bien ce qu’il faisait dans la vie, parce que c’est pas banal…