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Alexandre retient sa respiration.

— Il était infirmier dans un hôpital psychiatrique.

Chapitre 52

Encore interloqué par ce qu’il vient d’entendre, Alexandre demeure un moment immobile au volant de sa voiture.

— Incroyable ! Je l’avais sous les yeux… Je l’avais devant moi, ce salaud !

Il commence à réfléchir à la meilleure façon d’agir pour coincer ce malade.

Parce que Alexandre en est sûr : l’Ombre n’est autre que Quentin. Le séduisant et énigmatique Quentin. Bon mari, bon père, sans doute. Qui passe pourtant ses fins d’après-midi avec la meilleure amie de Cloé. Qui occupe son temps libre à terroriser une femme. Après en avoir poussé une autre au suicide. Le voilà, le fameux point commun entre Laura et Cloé.

Son portable sonne, il met un temps à décrocher, encore sous le choc. La voix de Cloé le ramène à la réalité.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Rien… J’avais juste envie de te parler, répond la jeune femme. T’es où ?

— Sur le parking d’un supermarché.

— Tu fais quoi ?

Il hésite un instant à lui révéler qu’il est sur une piste, sérieuse. Mais il se ravise.

— Je continue à chercher.

— Sur un parking de supermarché ? s’amuse Cloé. Drôle d’endroit pour enquêter !

— Tu veux qu’on déjeune ensemble ? propose soudain Alexandre.

Cloé est surprise, il devine qu’elle sourit.

— Oui, avec plaisir !

— Je reviens sur Paris… Je serai là dans une grosse demi-heure, ça te va ?

— C’est le resto où je venais tout le temps avec Caro, dit Cloé.

Gomez se hâte de saisir la perche qu’elle lui tend.

— J’ai trouvé que son mec était bizarre, non ?

— Quentin ? Bof… Je ne dirais pas ça. Un peu mystérieux, peut-être.

— Moi, je l’ai trouvé antipathique, prétend le flic. Qu’est-ce qu’il fait dans la vie, déjà ?

— Infirmier psychiatrique.

— Ah oui, c’est vrai ! Tu sais où il bosse ?

— À Villejuif. Dans un truc un peu spécial, je sais plus comment ça s’appelle… Un endroit où on enferme ceux qui sont vraiment dangereux.

— Une UMD ? suppose Alexandre.

— C’est ça, oui ! Une UMD. Ça veut dire quoi, au fait ?

— Unité pour malades difficiles.

— Drôle de boulot, quand même. Mais il paraît que là-bas, les infirmiers ont une prime spéciale, genre prime de risques, alors je suppose que ça motive le personnel ! Et en plus, Quentin y travaille la nuit, alors…

— Seulement la nuit ?

— Je sais pas. Il m’a dit qu’il faisait souvent les nuits.

— Et il est marié et père de famille, c’est ça ?

— Oui. Mais pourquoi tu t’intéresses tant à lui tout d’un coup ? s’étonne la jeune femme.

— Comme ça. Je te l’ai dit, je l’ai trouvé bizarre.

— Bizarre comment ? Tu veux dire que tu le soupçonnes d’être… ?

— Non ! s’empresse de répondre Gomez. Rien ne me permet de le soupçonner. Ceci dit, tous ceux qui t’ont approchée de près ou de loin deviennent des suspects potentiels.

— Évidemment… Mais bon, je le connais à peine, Quentin. Et je ne vois pas quel intérêt il aurait à… Tu le soupçonnes vraiment ?

— Je viens de te le dire : je n’écarte aucune piste. Et je ne me suis pas encore intéressé à lui. Ni à Carole, d’ailleurs.

— Carole ? Tu plaisantes, j’espère !

— Pas le moins du monde. Tu sais comment il s’appelle ?

— Non.

— Tu connais son adresse ?

— Non plus, regrette Cloé.

Elle lui prend la main.

— Heureusement que tu es là pour veiller sur moi.

— Seulement pour ça ? demande Alexandre en souriant. Allez, raconte-moi un peu comment Carole a rencontré ce type, comment elle est tombée amoureuse de lui…

— Je déjeune avec le flic ou avec l’homme ?

— Les deux, chérie ! Tu ne peux pas avoir l’un sans l’autre. À prendre ou à laisser.

— Je prends.

— Ça te gêne qu’on parle de ton amie Carole ?

— Ce n’est plus mon amie.

— Tu vas finir par lui pardonner, non ? espère Gomez.

— Je ne pardonne jamais.

endant le trajet, le cerveau d’Alexandre tourne à plein régime. Il se repasse le film de sa brève rencontre avec celui qui est devenu son principal suspect, ressasse ce que Cloé lui en a dit.

Ce fumier a séduit la meilleure amie de Cloé pour se frayer un chemin jusqu’à elle. Pour tout savoir sur elle. Chaque pièce du puzzle se met lentement en place.

Alexandre arrive enfin à Villejuif, stationne la Peugeot sur le parking de l’établissement spécialisé.

Un hôpital psychiatrique, endroit qui fait peur.

Ici se trouve une des Unités pour malades difficiles disséminées sur le territoire français.

Un lieu pour isoler celles et ceux que leur pathologie rend dangereux pour autrui ou pour eux-mêmes. Souvent pour eux-mêmes, d’ailleurs.

Ceux qui ont commis un crime pour lequel ils n’ont pas été reconnus responsables et que le préfet a décidé d’interner d’office.

Ceux qui n’ont plus leur place en prison et qu’on transfère ici.

Ou ceux dont on craint qu’ils ne deviennent un jour des agresseurs.

Derrière ces murs végètent aussi ceux qui s’automutilent, se détruisent. Ceux qui veulent mourir mais ont la malchance de se rater.

Avant de quitter sa voiture, Alexandre réfléchit. Comment obtenir les coordonnées de Quentin alors qu’il ne mène aucune enquête officielle ? S’il se présente sous sa véritable identité, il risque de compromettre la suite de ses investigations.

Même s’il sent qu’il va droit dans le mur, il décide de tenter sa chance.

Deux minutes plus tard, il se présente à l’accueil de l’UMD, armé de son plus beau sourire.

— Bonjour, mademoiselle. Je cherche quelqu’un qui travaille ici. Il est infirmier et fait les nuits… Il s’appelle Quentin.

— Quentin ? Oui, bien sûr. Je vous l’appelle tout de suite.

La jeune femme décroche son téléphone, Gomez reste sans réaction. Il avait à peu près tout prévu. Sauf l’évidence.

— Quentin ? C’est Rachel… Quelqu’un pour toi à l’accueil, dit l’hôtesse.

Elle adresse à Alexandre un sourire désarmant.

— Il arrive tout de suite, monsieur.

Le commandant songe à s’enfuir, mais il sait que ce sera inutile. La secrétaire a eu le temps de le dévisager, elle fera son portrait détaillé à l’infirmier. Autant l’affronter.

— Merci beaucoup, répond-il simplement. Dites-lui que je l’attends dehors.

Alexandre passe à nouveau les portes coulissantes et allume une cigarette. Il échafaude une ébauche de plan en deux minutes. Juste le temps pour Quentin de le rejoindre.

— Tiens… commandant ! Quelle surprise…

Les deux hommes se serrent la main.

— Désolé de vous déranger en plein boulot, mais je voulais vous parler.

— C’est calme, répond Quentin. Je peux vous consacrer quelques minutes.

— Parfait… On marche un peu ?

Ils s’engagent dans une allée bordée d’une pelouse rachitique. Un hurlement atroce traverse les murs d’enceinte, Gomez adresse un regard interrogateur à l’infirmier.