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— Mais pourquoi maintenant ? Presque trente ans après ! Ça n’a pas de sens.

— Au contraire, c’est même très sensé. Tout ça arrive au moment où elle allait réussir. Un petit ami charmant, le poste de directrice… Elle avait tout. Alors que sa sœur n’a plus rien. Tu commences à comprendre, Alexandre ?

Gomez hoche la tête, à peine surpris par ce tutoiement inattendu.

— Bon, faut que je te laisse, annonce Quentin en consultant sa montre. Je ne peux pas m’absenter plus longtemps. Mais si tu as besoin d’autres infos, n’hésite pas.

Ils se lèvent, se serrent la main.

— Si je peux aider Cloé, je le ferai.

— Merci… Tu peux me laisser tes coordonnées ?

— Ouais, bien sûr. Tu peux m’appeler ici ou sur mon portable.

Quentin lui donne les deux numéros, Gomez les note avec application sur son calepin.

— Et ton nom ?

— Barthélemy. Comme la Saint-Barthélemy ! À bientôt, Alexandre. Et tiens-moi au courant.

— Je n’y manquerai pas.

L’infirmier retourne à l’intérieur de l’hôpital, Gomez le suit des yeux avant de marcher lentement jusqu’à sa voiture.

Il est venu ici traquer un suspect. Repart avec des incertitudes plein la tête.

Chapitre 53

Ils sont face à face, dans la cuisine.

Pensif, Alexandre n’a quasiment pas ouvert la bouche depuis qu’ils sont rentrés.

— C’est pas terrible, mais j’ai pas eu le temps de faire les courses, s’excuse Cloé.

— Pas grave. J’ai pas très faim de toute façon.

— Tu es contrarié ?

— Non. Juste un peu crevé.

Cloé attaque le contenu de son assiette du bout de la fourchette. Elle non plus n’a pas faim.

Jamais sommeil, jamais faim… Une pile électrique survoltée.

— Et toi ? Ta journée ? demande le flic.

Cloé hausse les épaules.

— Il est temps que j’aille voir ailleurs, ça devient insupportable ! Tout le monde ricane dans mon dos, tout le monde se fout de ma gueule…

Alexandre fronce les sourcils.

— Comment ça ? Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ?

— Oh, rien ! sourit nerveusement Cloé. Ils ne le font pas en face, tu penses bien ! Mais dès que j’ai le dos tourné, ça y va de bon cœur !

— Si c’est dans ton dos, comment le sais-tu ?

— Je le sais, un point c’est tout, élude sèchement la jeune femme. Ils sont tellement contents que je me sois fait humilier, ils jubilent !

— Et pourquoi n’y aurait-il pas parmi eux des gens déçus par la désignation de Martins ? Certains te préféraient sans doute à lui.

— Tu parles ! Je sais ce que je dis. Ils veulent tous ma peau.

— Tu te fais des idées.

Cloé le fusille du regard, laisse tomber sa fourchette.

— Non, je ne me fais pas des idées, s’emporte-t-elle. Ils sont tous ligués contre moi !

Les mots de Quentin éclairent la scène d’une lumière différente. Et brutale.

— Ils n’ont pas supporté que je grimpe aussi vite les échelons, que je sois meilleure qu’eux ! Alors, ils ont décidé de m’abattre. Peut-être même qu’ils sont de mèche avec Martins !

Les mots se bousculent, comme si Cloé frisait l’hystérie.

Ses yeux brillent, comme si elle avait de la fièvre.

— C’est qui, eux ? embraye Alexandre. C’est qui, ils ? Vas-y, file-moi des noms.

— Mais j’en sais rien, moi ! Des… des gens de l’Agence, dirigés par Martins. Ils ont très bien pu embaucher Bertrand pour me terroriser, pour me faire commettre un faux pas.

Gomez ferme les yeux, passe une main dans ses cheveux.

— Écoute, Cloé, je crois que tu délires. Tu vois le mal partout, tu suspectes tout le monde…

Elle le fixe avec rage, il ne se laisse pas démonter.

— La théorie du complot et du mercenaire, ça ne tient pas debout, je t’assure. Tu as trop d’imagination ! Je ne vois vraiment pas une poignée de collègues de travail soudoyer un type pour te séduire puis te terroriser. Un type qui gagne bien sa vie, en plus.

— Et moi, je crois que c’est toi qui manques d’imagination ! envoie Cloé.

Alexandre tente de garder son calme. Malgré son malaise de plus en plus prégnant.

— Tu oublies Laura, ajoute-t-il. Ce sont aussi Martins et tes collègues de travail qui l’ont poussée au suicide ?

Le visage de Cloé se pare d’un masque inquiétant.

— Il n’y a pas de point commun entre cette fille et moi.

— Tu en es sûre ? Moi pas. Alors, je continue à creuser.

— Si tu creuses au mauvais endroit, tu ne trouveras jamais.

— Tu sous-entends que je suis un tocard ?

Elle jette à la poubelle le contenu de son assiette et la balance violemment dans l’évier.

Évidemment, elle se brise.

— Putain ! Regarde ce que tu me fais faire !

— Doucement ! prie le commandant. On ne peut pas discuter sans que tu te mettes en rogne ? Je suis là pour t’aider, combien de fois faudra-t-il que je te le répète ? Mais si je te tape autant sur les nerfs, je peux très bien rentrer chez moi.

Cloé contient sa fureur, face à la menace la plus efficace qui soit.

— J’aimerais juste que tu me croies ! répond-elle, un ton en dessous.

— Moi aussi, j’aimerais que tu me croies. Je surveille Bertrand et, pour le moment, je n’ai rien sur lui… Sauf que je ne sais pas où il était lorsque le type t’a agressée hier.

Cloé revient s’asseoir, lui vole une cigarette qu’elle fera semblant de fumer.

— Il n’a pas bossé, il est resté chez lui. Mais je me suis endormi dans ma caisse et c’est ton coup de fil qui m’a réveillé. C’est là que j’ai vu qu’il s’était éclipsé.

— Génial ! ricane Cloé. Il est peut-être sorti avec une capuche sur la tête et des lunettes noires et tu ne t’es aperçu de rien !

— Si c’est lui, je ne tarderai pas à le choper.

— Quand il m’aura assassinée ?

— Bien avant, rassure-toi. Et justement, hier, tu l’as eu à quelques centimètres de toi… Alors essaie de te souvenir de quelque chose.

— Je t’ai déjà tout raconté, souffle la jeune femme.

— Tu ne m’as rien appris, je te signale. Quelle taille faisait-il ? Il était grand, petit ?

Elle tarde à lui répondre, regarde ailleurs.

— Alors ? s’énerve le commandant. Tu as bien vu s’il était petit ou grand, non ?

— Grand.

— Grand comment ? ajoute Alexandre en se levant. Comme moi ? Plus ?… Moins ?

— À peu près comme toi.

— Disons alors qu’il mesure environ 1,90 mètre. Ce qui n’est pas très courant. À vue de nez, je dirais que ton ex mesure 1,85 mètre, maximum. Tu es d’accord avec ça ?

Cloé soupire.

— 1,85 ou 1,90… c’est la même chose !

— Ah non ! rétorque le flic. Ce n’est pas la même chose.

— Il pouvait avoir mis des talons.

— Des escarpins, tu veux dire ? Voilà, ça, c’est un indice ! raille Alexandre.

— Arrête de te foutre de moi ! enrage Cloé.

— Bon, on va dire que ce type mesure entre 1,85 mètre et 1,90 mètre. Et sa carrure ?…

Comme elle reste muette, il continue sur sa lancée.

— Gringalet ? Large d’épaules ?