Выбрать главу

— C’est bien, fit-elle sombrement.

Elle pivota sur elle-même et il s’effaça pour la laisser passer, croyant qu’elle allait sortir.

D’un geste fulgurant, elle se baissa et saisit quelque chose dans sa courte botte noire. Puis, pliée en deux, elle fonça vers le lit.

Otto Wiegand hurla et Malko eut le temps d’apercevoir la lame brune d’un poignard tenu à l’horizontale.

Instinctivement, il plongea en avant, dans les jambes de la fille et la saisit au-dessous des genoux, l’entraînant dans sa chute. L’Allemand cria de nouveau et il se dit qu’il était intervenu trop tard. Yona roula sur le dos et lui décocha un coup de pied qui l’atteignit à la tempe, l’étourdissant.

Aussi rapide qu’un homme, elle se releva, le poignard toujours à la main. Otto jeta ses mains en avant dans un geste de défense, hagard. Son pantalon était déchiré à la cuisse gauche, laissant apercevoir une longue estafilade. Cette fois, la jeune Israélienne visa le ventre et plongea, tenant le manche du poignard à deux mains, à la manière des commandos japonais.

Ce genre de coup ne pardonne pas lorsqu’il atteint son but : le foie.

Malko se relevait tout juste. Parant au plus pressé, il la tira violemment en arrière et parvint à saisir le manche de l’arme de la main droite. Aussitôt, Yona fit volte-face et se colla contre lui. Il eut le temps de sentir un parfum agréable et la douceur de ses formes avant de recevoir un terrible coup de genou dans le ventre.

Des myriades d’étoiles filantes devant les yeux, il s’accrocha à ses jambes tout en tombant. Elle le frappa encore sur la tête avec le manche du poignard, de toutes ses forces. Un vrai démon. Dire qu’elle semblait si inoffensive à sa petite table… Il pensa quand même à lui saisir la cheville et il tira brusquement, horriblement confus de se conduire ainsi avec une femme. Déséquilibrée, elle poussa un cri et glissa en arrière, lâchant son arme pour protéger sa nuque.

Le poignard se planta en vibrant dans le plancher. Malko roula sur lui-même et immobilisa Yona en se couchant sur elle de tout son long.

Pendant près d’une minute, elle gigota furieusement, tentant de le mordre, de le griffer, se cambrant de toutes ses forces pour tenter de se débarrasser de lui. Tout en la maintenant, Malko éprouvait des sensations confuses. Il avait presque l’impression de vouloir la prendre de force.

Elle se calma d’un coup. Il sentait ses épaules agitées de sanglots. À plat ventre par terre, elle était prise d’une véritable crise de nerfs, pleurant, la tête dans ses bras. Malko se releva avec précaution, ramassant le poignard au passage. Sur le lit, Otto Wiegand comprimait sa cuisse blessée, l’air hagard, en regardant l’Israélienne avec un mélange de haine et de stupéfaction.

— Elle a voulu me tuer, bredouilla-t-il.

— Vous vous attendiez à quoi ? fit brutalement Malko. À ce qu’elle vous saute au cou ! Si j’avais connu votre vie en détail, je n’aurais jamais accepté cette mission.

— Dites donc, dit Otto Wiegand d’une voix aiguë, vous êtes ici pour me protéger, pas pour écouter les divagations d’une folle.

— Ne craignez rien, je vous protégerai, dit Malko.

Il se dégoûtait.

Le plus gentiment qu’il le put, il aida la jeune femme à se relever. Les épaules secouées de sanglots convulsifs elle ne pouvait plus arrêter ses larmes. Cela avait quelque chose de poignant.

— Je saigne, gémit Otto Wiegand.

Abandonnant Yona Liron, Malko se pencha sur lui pour examiner la blessure. C’était une longue coupure superficielle qui n’avait pas entamé le derme. Même pas besoin de points de suture.

— Ça vous changera les idées, fit-il sèchement. Ce n’est en tout cas pas ainsi que vous allez mourir. Bonsoir. Je vais me coucher et j’emmène cette jeune personne. Je vous souhaite de beaux cauchemars.

Il entraîna par le bras Yona, qui se laissa faire en reniflant.

Elle ne protesta pas non plus lorsqu’il la fit entrer dans sa chambre et l’installa dans un fauteuil. Puis, il alla chercher une serviette et lui essuya le visage. Au bout de quelques minutes elle cessa de pleurer et se coiffa maladroitement avec ses mains. En temps normal, elle avait un joli visage triangulaire. Puis, sans transition, elle demanda d’une voix dure :

— Rendez-moi mon pistolet et mon poignard.

Ça commençait.

Malko secoua la tête et s’assit sur l’autre chaise.

— Je ne vous les rendrai pas pour plusieurs raisons, expliqua-t-il.

» D’abord, parce que je ne veux pas que vous terminiez vos jours en prison dans ce pays. Les Danois ne plaisantent pas avec le meurtre. Vous vous apprêtiez à commettre un meurtre prémédité, même s’il est justifié dans le cas d’Ossip Werhun.

— Qu’est-ce que cela peut vous faire ? coupa-t-elle. Je m’attends à cela. Je n’ai pas de famille, pas d’enfants. Je n’en aurai jamais puisque j’ai été stérilisée. Alors, vivre en prison ou dans un kibboutz, c’est la même chose. Au moins je serai bien avec moi-même.

Il n’y avait pas grand-chose à répondre à cela. Yona continua d’un ton pressant :

— D’ailleurs, vous pouvez garder mes armes, cela n’a pas d’importance. Je m’en procurerai d’autres et je tuerai Ossip Werhun à la première occasion. Avec un couteau de cuisine s’il le faut.

Impossible de l’effrayer. Malko se dit que la seule façon d’en venir à bout était peut-être de lui dire la vérité. Au point de discrétion où il en était…

Lentement, avec le maximum de précisions, il commença à lui raconter l’histoire d’Ossip Werhun. Lorsqu’il en arriva à Stéphanie, une lueur mauvaise brilla dans les yeux de Yona.

« Dieu que je suis contente, s’exclama-t-elle, mais c’est encore trop doux pour lui. »

Malko alla jusqu’au bout, expliquant tout ce que la CIA attendait de l’Allemand. Cet homme avait été des années dans l’appareil de renseignement communiste. Il savait des milliers de choses.

— Voilà, conclut-il, pourquoi il doit rester en vie.

Yona secoua la tête.

— Ce sont vos affaires. Je vous comprends. Mais vous trouverez un autre traître. Celui-là m’appartient. Je le tuerai.

Ils étaient revenus au point de départ. Yona secouait sa chevelure acajou chaque fois que Malko revenait à la charge. Tout à coup elle se laissa glisser sur sa chaise et murmura :

— Je suis si fatiguée.

En une seconde, elle était endormie sur place, épuisée par la réaction nerveuse. Malko la regarda une seconde avec pitié, puis la prit dans ses bras et la déposa sur son lit. Il ignorait dans quelle chambre elle habitait et se souciait peu d’attirer l’attention sur lui.

Elle ne réagit même pas lorsqu’il la déshabilla, ne lui laissant que ses dessous, des collants noirs et un soutien-gorge qui tenait plus de Dior que de la femme-commando.

Puis, il se déshabilla à son tour et se coucha. La journée avait été longue et aucune solution n’était en vue, l’enlèvement de Stéphanie posant des problèmes pratiquement insolubles. À moins de déclarer le Danemark cinquante et unième État des USA…

Il craignait que Boris et sa diabolique complice ne viennent à bout de la résistance nerveuse de l’Allemand. En une journée, ils l’avaient déjà sérieusement ébranlé. Il finirait par se jeter dans le piège velouté de Stéphanie comme le lapin se jette dans la gueule du cobra.

Tout en réfléchissant, il s’endormit. Il fut réveillé un peu plus tard par un gémissement. Yona rêvait dans son sommeil. Elle se pelotonna contre lui, tremblant de tous ses membres. Ne sachant trop que faire, il lui caressa les cheveux, en pensant à Alexandra qui s’imaginerait encore Dieu sait quoi en voyant une fille dans son lit.

Puis l’Israélienne se serra plus fort. D’une façon telle qu’il ne pouvait plus douter que son cauchemar évoluait agréablement.