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Chris décida de faire la bête :

— Qu’est-ce qu’ils ont donc tous à sauter par-dessus le feu et à disparaître ensuite ? demanda-t-il.

— Vous n’avez jamais flirté dans votre jeunesse ? C’est ce qu’ils vont faire dans les buissons, fit Yona avec un rire sec.

Un peu plus tard, elle cessa de danser et proposa :

— Si nous allions faire un tour sur la plage. J’en ai assez de ce feu.

À ne pas en croire ses oreilles. Pour ne pas rompre le charme, Chris Jones ne dit pas un mot jusqu’au moment où ils s’assirent à deux cents mètres du feu, derrière un gros buisson. Galant, le gorille ôta sa veste et l’étala sur le sable. Il ne portait pas de holster de poitrine, conservant seulement un petit colt 38 Cobra dans un étui accroché à sa ceinture, au milieu des reins.

Il y eut un moment de gêne puis, se lançant à l’eau, il embrassa Yona. Elle lui rendit son baiser et le fit s’allonger contre elle. Chris sentit fondre quinze ans de discipline. Se livrer à l’acte de chair pendant les heures de travail. Et avec celle qu’il était chargé de surveiller. Voilà où l’avait mené la fréquentation de Malko.

Pour ne pas penser à cette abomination, il décida de s’enfoncer encore plus dans le stupre… Aidé par Yona, d’ailleurs. Quand il revint à lui, sa chemise était entièrement déboutonnée et Yona était dans une tenue si indécente qu’il détourna les yeux. Elle murmura :

— Pourquoi ne me faites-vous pas l’amour ?

— Ici ? fit le gorille, horrifié.

Il ne résista pourtant que mollement lorsqu’il sentit les mains de la jeune femme s’attaquer à ses vêtements. Intérieurement, il frémissait d’une telle impudeur.

Le reste fut coloré et vague comme un rêve d’opium. Il reprit conscience du monde extérieur, alors que Yona lui caressait gentiment la joue du revers de sa main. Dans l’obscurité il ne pouvait voir l’expression de ses yeux, mais il ne s’était jamais senti aussi bien, avec le bruit de l’orchestre en fond sonore. Comme dans les publicités en couleur pour les Caraïbes. Lui, Chris, il venait de faire l’amour sur une plage. Il n’avait plus que sa chemise, et encore… L’Israélienne rabaissa tranquillement sa robe sur ses cuisses nues et demanda :

— Tournez-vous une minute que je me refasse une beauté.

Éperdu de confusion et de reconnaissance, Chris fixa consciencieusement la ligne grise et invisible de la Baltique. Son coeur battait encore à grands coups dans sa poitrine, et il n’en revenait pas de sa chance. Il en aurait des choses à raconter à Milton.

— Ça y est, fit joyeusement Yona.

Elle était habillée et debout, pimpante et très à l’aise. Chris, gêné, se drapa dans les pans de sa chemise.

— Il vaudrait mieux que je parte la première, suggéra la jeune femme. C’est plus convenable. Je vous attends près du feu.

Théoriquement il ne devait pas la quitter d’une semelle. Mais comment refuser une chose aussi normale à une dame qui vient de vous accorder ses faveurs ?

Encore dégoulinant de volupté, il se rhabilla rapidement. Ce n’est qu’en rajustant sa cravate qu’il découvrit que l’étui de son 38 était vide. Il jura à voix basse, maudissant son imprévoyance. Il avait sûrement oublié de boutonner la bride de sécurité. À quatre pattes, il commença à explorer minutieusement le terrain de ses ébats amoureux, grâce à la lueur de son Zippo.

Au bout de dix minutes, il dut se rendre à l’évidence : le 38 n’était pas là.

Un affreux soupçon effleura le gorille. À grandes enjambées, il reprit la direction du feu. Peut-être Yona lui avait-elle joué un tour.

Le feu de la Saint-Jean brûlait de plus belle. Mais les couples étaient plus clairsemés. Terrassés par l’aquavit, des mâles isolés dormaient à même le sol, pas très loin du feu. Affolé, il se mit à la recherche de Malko.

Heureusement, il distingua rapidement la tache claire de la chemise orange. Malko était assis à quelque distance du feu, à côté d’une Lise très boudeuse. Elle n’était pas parvenue à le faire sacrifier aux traditions, en dépit de son application indécente dans les slows. Il n’avait vraiment pas la tête à la bagatelle. Otto semblait s’être volatilisé, mais il y avait peu de chance qu’il ait été se coucher. En voyant l’expression de Chris, il se douta d’une catastrophe. Le gorille ne s’embarrassa pas de préambules. Les explications viendraient plus tard.

— La fille m’a volé mon pistolet. Elle a disparu, annonça-t-il.

— Crétin, s’exclama Malko. Il faut la retrouver dare-dare. Elle est capable d’abattre Otto Wiegand. Allez par là, je vais de ce côté.

Galvanisé et mort de honte, Chris Jones se mit en chasse comme un fou, éliminant les couples. Mais Yona semblait s’être volatilisée. Il passa non loin de Stéphanie qui se conduisait à peu près comme une guenon en rut avec un nouveau cavalier, puis revint sur ses pas.

Malko le rejoignit, cinq minutes plus tard, bredouille également. Pas de Yona et pas de Otto.

— Filez à l’hôtel, ordonna-t-il. Ils y sont peut-être.

Chris courait déjà ventre à terre. Il revint soufflant comme un soufflet de forge. Les deux chambres étaient vides. Soudain, le gorille eut un éclair de génie.

— La fille, s’écria-t-il, l’autre, la salope. Je l’ai vue. Elle dansait avec un type là-bas. Son mari est peut-être en train de la surveiller…

— Bonne idée, admit Malko.

Ils trouvèrent facilement Stéphanie. Elle était complètement décoiffée, le maquillage de ses grands yeux bleus avait un peu coulé, mais elle était toujours aussi merveilleusement belle. Son pull était remonté jusqu’aux seins découvrant une bande de peau nue que son cavalier pétrissait à pleines mains.

Ce dernier avait un aspect assez inattendu. Comme Lise, il devait avoir du sang esquimau. Un peu plus petit que Stéphanie, il était large comme un bûcheron avec une crinière noire et d’énormes sourcils se rejoignant au-dessus de son nez. Son corps dégageait une expression de force brutale incroyable. À voir l’expression de Stéphanie, Malko se dit qu’avec ce partenaire-là, elle prenait son travail à coeur. Soudain, il enfouit son visage contre la poitrine de la jeune femme, tout en dansant, et Malko put voir qu’il lui mordait le sein à travers le chandail. Elle rit, d’un rire de gorge aigu, et se rejeta en arrière.

Le bûcheron gronda, la prit par la main et l’entraîna vers les buissons de la plage.

Malko et Chris se regardèrent. Otto était peut-être là, à guetter Stéphanie, mais où ? Il était impossible de fouiller tous les buissons. Yona devait le chercher, elle aussi, à moins qu’elle ne l’ait déjà trouvé. Bien que l’explosion d’un 38 ne puisse se confondre avec le bruit d’un baiser…

— Suivons-les, dit Malko, c’est notre seule piste.

Stéphanie et son cavalier avaient déjà disparu. Les deux hommes partirent sur leurs talons.

Ils les retrouvèrent facilement. Stéphanie, le chandail blanc roulé en boule près d’elle, était étendue sur le sable, vêtue de sa seule bande de cuir. Debout, l’homme se déshabillait. Malko n’avait jamais vu d’homme aussi velu. Un véritable pelage couvrait tout son corps. Les muscles noueux saillaient sous la peau, comme des cordes. L’homme se baissa, cloua Stéphanie au sol d’une main, et, de l’autre, commença à tirer sur la bande de cuir qui lui servait de jupe…

Stéphanie éclata d’un rire heureux.

* * *

Otto Wiegand comptait les minutes depuis le moment où il avait vu disparaître Stéphanie avec le géant danois. Toute la journée, il s’était préparé à ce moment, à grandes rasades d’aquavit. Il savait que, s’il se dominait ce soir, il serait sauvé, que Stéphanie aurait perdu son pouvoir sur lui.