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Les plans de Boris en étaient totalement bouleversés. Adieu l’opération en souplesse grâce à Stéphanie.

Il rejoignit dans la voiture deux hommes qui l’avaient attendu et commença à leur donner des instructions très précises. Il fallait agir vite.

* * *

Otto Wiegand boudait. Quand Malko arrêta la Mercedes devant le Royal, il descendit sans l’attendre et claqua la portière. Malko se gara en infraction et suivit.

À travers la vitre de la marchande de journaux, il vit Otto se diriger vers la réception pour y prendre sa clé.

Au moment de passer la porte tournante, Malko s’effaça poliment pour laisser passer un homme plus âgé que lui qui marchait difficilement. Il y eut presque une bousculade car plusieurs autres personnes attendaient pour entrer. Soudain le vieillard eut un brusque mouvement de tête et porta la main à sa nuque comme si un insecte l’avait piqué.

Il avança lentement dans le hall et fit soudain quelque chose qui ne se fait pas dans les grands hôtels : il tomba raide mort sur la moquette.

Malko ne s’en aperçut pas immédiatement. Il venait de rejoindre Otto Wiegand. Ce dernier hésitait : devant les ascenseurs se tenait le Père Melnik.

— Je ne veux pas voir ce vieux fou, marmonna l’Allemand.

Malko sauta sur l’occasion. Avant tout éloigner Otto de l’hôtel et de Stéphanie.

— Allons faire un tour en ville, proposa-t-il. Il fait un temps magnifique, cela vous changera les idées.

Otto hésita, mais l’ennui de rencontrer le Père Melnik fut le plus fort.

— D’accord, fit-il mollement.

En se dirigeant vers la sortie, ils tombèrent sur un attroupement au milieu du hall. Intrigué, Malko parvint à se faufiler à travers la foule des badauds et aperçut le visage de l’homme étendu par terre. Il était déjà tout cyanosé, les narines pincées. Il reconnut immédiatement le vieillard de la porte d’entrée. Il était déjà mort. Malko se redressa avec un frisson désagréable dans le dos. La police danoise conclurait peut-être à l’accident cardiaque, mais lui savait à quoi s’en tenir : il revit en un éclair le sursaut de l’inconnu. Cet homme avait été frappé par une flèche au curare, expédiée par une sarbacane ou un pistolet silencieux…

Spécialité du KGB.

Il était mort à sa place.

L’assassin était loin. À moins qu’il ne soit là, prêt à recommencer. Malko éprouva un désagréable picotement sur le dessus des mains : il y avait peu de protection contre ce genre d’attentat. Cela signifiait que les autres avaient décidé de mettre le paquet…

— Que se passe-t-il ? demanda Otto par-dessus son épaule. Il a eu un malaise ?

— Je pense, dit prudemment Malko.

Inutile d’affoler encore plus l’Allemand. Au moment où ils allaient sortir, Krisantem se matérialisa près de Malko. Ce dernier lui fit signe silencieusement de les suivre.

Chris et Milton étaient partis faire du shopping, sachant que Malko et Otto se trouvaient au consulat.

Malko essaya d’engager la conversation avec Otto Wiegand, mais l’Allemand, perdu dans ses pensées, répondait par monosyllabes. Ils croisèrent une fille, sosie de Liz Taylor avant Burton, avec en plus la stature de Sophia Loren, mais Otto ne lui accorda même pas un regard. Stéphanie trottait dans sa tête jour et nuit…

Ils mirent près de dix minutes à traverser la Radhusplatz, centre de Copenhague, tant la circulation était intense. Malko était tendu comme une corde à violon. Quelle serait la prochaine action de Boris ? Pour que le Russe ait cherché à l’éliminer, il fallait qu’il ait un motif grave. On ne tue qu’à la dernière extrémité chez les barbouzes.

Otto Wiegand marchait les mains dans les poches, indifférent. En face d’eux s’ouvrait Ströjet, la seule rue de Copenhague interdite à toute circulation automobile. Malko et son compagnon s’engagèrent dans la rue étroite mais ensoleillée. Elko Krisantem suivait discrètement à une dizaine de mètres. Le spectacle en valait la peine.

Partout, à tous les porches, sur les trottoirs même, des filles en maillot de bain ou simplement à moitié déshabillées prenaient le soleil. Une grande blonde, un peu maigre, avait purement et simplement enlevé son blue-jean et son chandail et bronzait, étalée sur trois petites marches en face d’une boutique yé-yé, vêtue d’une culotte et d’un soutien-gorge blanc, qui ne cachaient pas grand-chose de ses charmes.

D’autres étaient tout aussi provocantes avec des maillots trois tailles trop petits.

Sur l’escalier de fer d’une échoppe d’antiquaire, un couple s’embrassait avec une violence à faire fondre un transformateur. Les Danois circulaient, totalement indifférents, tout autant que les filles qui ne levaient même pas les yeux sur les centaines de passants qui les frôlaient. Il y a belle lurette que personne ne faisait plus attention à ce genre de choses au Danemark.

Seulement Elko Krisantem n’avait pas l’entraînement des Danois. Les yeux lui sortaient de la tête. Dans une bousculade, il s’appuya involontairement sur la poitrine aux trois quarts nue d’une jolie brune et se sentit délicatement coupable. Pour une telle faveur, à Istanbul, on se serait battu au couteau.

Malko commençait à se détendre un peu. Dans cette foule de piétons, il se sentait en sécurité. Ils arrivaient à la hauteur d’une vieille église entourée d’un petit parc qui donnait sur Ströjet. Là aussi, des jeunes prenaient des bains de soleil. Ils passèrent une rue à voitures qui coupait Ströjet, immédiatement après l’église ; les voitures s’arrêtaient respectueusement pour laisser passer les piétons.

Le Danois moyen respecte, dans l’ordre : le piéton, Dieu et le roi.

Un peu plus loin, Ströjet s’élargissait en une petite place dont le centre était occupé par la terrasse d’un café. Malko obliqua légèrement à gauche. Tout à coup il y eut un grondement de moteur derrière lui, puis des cris d’effroi et d’indignation.

Il était tellement tranquille qu’il mit bien une seconde à se retourner.

Une petite Austin verte fonçait sur lui, surgissant de nulle part, en plein milieu de la chaussée interdite aux voitures. Plusieurs Danois brandirent le poing avec indignation. Malko n’eut pas le temps d’en voir davantage. Il fit un saut de côté mais la voiture le heurta quand même et il décolla du sol, sans voir ce qui arrivait à Otto Wiegand.

* * *

Krisantem était en train de gagner son paradis. À chaque mètre il rencontrait un spectacle à damner saint Antoine. Soudain, il tomba en arrêt devant une boutique peinte d’un rouge agressif sous une enseigne annonçant « Porno-Shop ».

C’était on ne peut plus précis.

Malgré lui, le Turc s’arrêta et il crut que ses yeux jaillissaient de ses orbites. La vitrine réunissait un éventail absolument complet de tous les vices de l’amour, en noir et en couleur. Avec des gros plans à faire rougir un gynécologue…

Elko Krisantem allait pourtant s’arracher au spectacle quand une voix de femme annonça en anglais :

— Nous avons de très beaux films en couleur aussi, toutes les positions.

Une fille se tenait sur les marches de la boutique, dominant Krisantem. Brune, un peu forte, elle était vêtue en tout et pour tout d’un slip de dentelle rouge et d’une chemise de nuit en nylon transparent de même couleur, s’arrêtant en haut des cuisses. Les auréoles brunes de ses seins se détachaient sur le tissu avec une parfaite netteté. La partie la plus décente de son costume consistait en de hautes bottes de cuir noir. Elle souriait, engageante…