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Boris n’avait pas bougé.

Malko et Lise traversèrent la salle du restaurant en courant. Le dernier garçon qui les attendait pour fermer, les regarda, l’oeil rond. Il n’était pas au bout de ses surprises… Quand il verrait la vaisselle… Malko jeta un coup d’oeil sur l’addition et laissa un billet de cent couronnes. Puis ils sortirent sur le quai désert.

— Où se trouve Langelinie ? demanda Malko.

C’est là qu’était mouillé le chalutier-barbouze Est-allemand. Si Otto et Stéphanie n’y étaient pas déjà, ce serait le but de leur voyage. Dans la première hypothèse, il n’y avait plus qu’à prendre le bateau d’assaut…

— J’ai ma voiture, dit Lise, je vais vous y conduire.

Ils montèrent dans la petite Saab rouge. Lise continua à suivre le canal, puis tourna dans Holmens, d’où elle rejoignit Bredgade, parallèle aux quais. Malko en profita pour tamponner avec son mouchoir ses blessures superficielles.

Ensuite ils s’engagèrent dans le dédale des allées de Churchill Parken, home de la célèbre petite sirène.

Les phares éclairaient çà et là des couples vautrés sur les pelouses, tranquillement appliqués à se prouver leur amour mutuel. Des écriteaux interdisaient de marcher sur les pelouses, mais pas de s’y coucher…

Enfin, après être passés sous un pont, ils débouchèrent sur un quai désert bordé d’un côté par un haut mur de pierre auquel étaient accrochées des bouées et de longs crochets et de l’autre par la mer.

Ils passèrent devant un petit bateau dont le pont n’arrivait même pas au niveau du quai et Lise continua jusqu’au fond. Le quai se terminait cinq cents mètres plus loin, en cul-de-sac, avec les énormes réservoirs de la Shell et un marchand de saucisses, fermé à cette heure.

— Voilà Langelinie, annonça Lise, en arrêtant la Saab.

À l’exception de quelques voitures en stationnement, il n’y avait pas un chat.

Le chalutier est-allemand était certainement le petit bâtiment mouillé au début du quai.

La Saab s’était arrêtée en face d’une cabine téléphonique. Malko y entra et appela à l’hôtel Royal, la chambre de Krisantem.

Cette fois le Turc était rentré.

— Viens immédiatement, ordonna Malko, avec la voiture.

Il lui expliqua où ils se trouvaient. Il tenta ensuite en vain de joindre les gorilles. Il y avait trop de tentations à Copenhague, au mois de juin, et ils se considéraient déjà en vacances.

Lise l’attendait dans la Saab, ne quittant pas le chalutier des yeux.

— Nous allons nous approcher à pied de ce bateau, suggéra Malko, en jouant les amoureux. Mais dès que Krisantem sera là, vous retournerez dans la voiture. La suite peut être dangereuse.

Avec enthousiasme, Lise descendit de la Saab et prit Malko par la main.

Vingt mètres plus loin, sous un réverbère, elle s’arrêta et lui enfonça dans la bouche une langue de fourmilier, chaude, douce et interminable. Il crut que les hanches de la Danoise ne pourraient jamais se décoller des siennes.

L’effet érotique du duel se prolongeait. Les marchands qui exposaient le kama-soutra en couleur et en relief dans toutes les boutiques du quartier de la gare faisaient fausse route : le romantisme n’était pas mort au Danemark.

Les deux cents mètres qui les séparaient du chalutier furent couvert en une douzaine d’étreintes plus torrides les unes que les autres. Si on les observait du bateau, le guetteur n’avait aucun doute sur leur sincérité. Lise était de plus en plus déchaînée. Malko avait beau s’efforcer de penser à Alexandra, il commençait à participer à son corps défendant. Si l’on peut dire.

Il fut sauvé par le gong : une voiture débouchait sur le quai et Lise consentit à relâcher son étreinte-ventouse.

Le véhicule ralentit en passant devant Malko et Lise et celui-ci eut le temps de voir l’intérieur à la lueur du réverbère. Krisantem était seul au volant. Il alla jusqu’au bout du quai et s’arrêta. Malko et Lise le rejoignirent et se glissèrent dans la voiture.

— Fais demi-tour, commanda Malko.

Le Turc s’exécuta et la Mercedes se trouva face au chalutier.

— Éteins les phares.

Ils ressemblaient maintenant à toutes les voitures arrêtées sur le quai.

Discrètement, le Turc dégagea son parabellum Astra de sa ceinture.

— S’il était déjà à bord, remarqua Malko, ils auraient levé l’ancre.

Une demi-heure passa. Malko commençait à se demander si toute l’opération n’était pas une feinte montée de main de maître par Boris. Pendant qu’il séchait près du chalutier, Otto Wiegand était peut-être en train d’embarquer sur un autre bateau ou dans un avion privé.

Jamais le temps n’avait passé aussi lentement. Tout à coup, la lueur blanche de deux phares apparut entre les arbres du jardin.

Le véhicule déboucha lentement sur le quai et ralentit encore. C’était une grosse voiture noire et il faisait trop sombre pour en distinguer la marque.

Au moment où elle stoppait devant le chalutier, Malko tournait déjà la clé de contact de la Mercedes. La culasse du Star claqua.

Là-bas, tout se passait très vite. Deux portières s’étaient ouvertes en même temps. Deux hommes bondirent sur le quai et l’un sauta sur le pont du chalutier.

Dans un rugissement de moteur, la Mercedes fonçait. Lise s’était aplatie sur le siège arrière.

Presque aussitôt un son aigu déchira le silence. Le chalutier avait mis en route sa sirène de brume. En même temps le pare-brise vola en éclats sous une rafale de projectiles. Instinctivement Malko freina et se coucha sur le siège, imité par Krisantem.

De courtes flammes jaunes jaillissaient d’un point légèrement à gauche de la voiture noire arrêtée. On tirait sur eux avec un fusil d’assaut Kalachnikov, l’arme des fantassins russes. Une seconde arme automatique ouvrit le feu à son tour, du pont du chalutier. La sirène continuait son hululement, couvrant le bruit des coups de feu.

Aplati derrière le volant, Malko sentait les balles transpercer la carrosserie. L’une d’entre elles brisa le haut du volant en deux. Le pare-brise et les glaces latérales n’existaient plus. Ceux qui se trouvaient en face d’eux étaient des professionnels, tirant par courtes rafales précises.

S’ils avaient la mauvaise idée de jeter une grenade incendiaire, ils étaient morts. Soudain la portière claqua : Krisantem venait de se glisser hors de la voiture. Il y eut quelques secondes d’accalmie, puis la fusillade reprit. La Mercedes n’était plus qu’une passoire, et les cheveux de Malko étaient pleins d’éclats de verre. Derrière lui, Lise poussait de petits cris de terreur. Heureusement, le moteur les protégeait des coups directs.

Une détonation éclata tout près de lui et il reconnut le son mat de l’Astra. Aussitôt, l’un des deux fusils d’assaut se tut. Malko leva prudemment le nez.

Le réverbère éclairait l’homme étendu près de la voiture noire, une arme près de lui. Un second était penché sur lui. Il se redressa et sauta sur le chalutier.

Krisantem courait, plié en deux, le long de la digue. Il tenait dans la main gauche un objet cylindrique et long, et dans la droite son parabellum.

Le fusil d’assaut du chalutier tira une nouvelle rafale et le Turc plongea à plat ventre, protégé par un petit rebord de pierre du quai. Le tireur sauta à terre, l’arme à la hanche et expédia une nouvelle rafale vers la voiture où se trouvait Malko.

Des appels jaillirent du pont, en allemand et en russe. La portière arrière de la voiture s’ouvrit. Sous la protection de l’arme automatique, les occupants allaient gagner le chalutier.

— Fichu ! pensa Malko.