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— Vous êtes libre de parler, jeune Voyant, rétorqua Drunisine. Seules nous importent les preuves irréfutables.

— Tous les systèmes de surveillance étrangers qui gravitaient autour de la planète ont été détruits, reprit Setstyin. De même que tous les vaisseaux qui ont directement assisté à la bataille. Nous sommes en train de poursuivre et de disperser le reste de la flotte.

— Ils sont chassés comme des chiens, Voyant Taak, dit Drunisine en le regardant droit dans les yeux et en utilisant délibérément un vieux mot terrien. Nous les harcelons, brouillons leurs systèmes, les empêchons de communiquer entre eux, scellons leur destin, faisons en sorte que toute information concernant ce vaisseau et ses capacités soit définitivement perdue. J’ajouterai par ailleurs que nous avons également sérieusement envisagé de vous exécuter sommairement.

— Je vous suis reconnaissant de m’avoir épargné. Aucun des vaisseaux qui volaient au-dessus de Nasqueron ne sera autorisé à s’enfuir ?

— Aucun, répondit l’ancien.

— Ceux qui commencent les guerres doivent apprendre à en assumer les conséquences, expliqua Y’sul d’un ton sentencieux.

— Et ensuite ? demanda Fassin.

— Précisez, je vous prie.

— Si cette bataille marquait le début d’une guerre au sein de la Mercatoria, ou du moins d’Ulubis ?

— Je ne pense pas, dit Drunisine, comme s’il n’avait jamais songé à cette éventualité. À moins qu’ils essaient à nouveau de nous envahir. Pensez-vous qu’ils s’y risqueraient, Fassin Taak ?

Fassin avait la désagréable impression que, compte tenu de leur attitude pour le moins laxiste lorsqu’il s’agissait de glaner des renseignements militaires, ce qu’il s’apprêtait à répondre constituerait le socle, la base des décisions prises par les Habitants pour faire face à la situation.

— Non, je ne crois pas. Je pense qu’ils seront trop horrifiés par l’ampleur de leurs pertes pour risquer d’autres vaisseaux dans une pareille aventure. D’autant qu’une invasion se profile à l’horizon. Si cette dernière échoue ou si la Mercatoria finit par défaire ses ennemis et par reprendre ce système, il ne fait aucun doute que ses instances militaires voudront savoir ce qui s’est passé. À ce moment-là, il est clair que l’idée d’une expédition punitive leur traversera l’esprit. Mais, pour le moment, il convient davantage de s’inquiéter de l’arrivée imminente des Déconnectés d’E-5, ajouta-t-il en regardant Drunisine et Setstyin, qui restèrent silencieux. Même si vous avez manifestement les moyens de les recevoir… En fait, le jour où la Mercatoria aura vent de cette bataille, elle vous demandera probablement de vous unir à elle pour faire face aux forces d’invasion d’E-5.

— Pourquoi accepterions-nous de faire une chose pareille ? demanda Drunisine d’une voix neutre.

La journée avait été longue et fatigante. Fassin ne se sentait pas le courage de lui expliquer le pourquoi du comment. Par ailleurs, Drunisine était si vieux et expérimenté que sa question n’était certainement que de la rhétorique pure.

— Bon ! oubliez tout cela, dit Fassin. Faites comme si de rien n’était. Envoyez un message à ’glantine et proposez-leur de les aider à établir une nouvelle base pour les Voyants.

— C’est plus ou moins ce que nous nous apprêtions à faire, s’anima Setstyin.

Fassin lui envoya un signal poliment amusé. Il avait toujours du mal à appréhender les implications du spectacle auquel il avait assisté. Qui donc avait construit cette machine colossale capable de détruire une flotte entière en un clin d’œil ? Quelles structures sociétales jusque-là inconnues, quelles installations industrielles étaient en mesure de produire quelque chose de si énorme et terrifiant ? Y en avait-il d’autres ? Était-ce le seul Protecteur de Nasqueron ? Grand Dieu, faisait-il partie d’une flotte ? Toutes ces histoires de navires secrets et de supercanons étaient-elles vraies ? Les Habitants de Nasqueron pourraient-ils balayer les Déconnectés d’E-5 d’un simple revers de la main, s’ils le souhaitaient ? Étaient-ils en mesure de prendre possession de toute la Mercatoria ? Tout cela voulait-il dire que la Liste n’était pas une monstrueuse farce, que la chercher n’était pas une pure perte de temps ? Comme il aurait aimé pouvoir s’entretenir avec Setstyin en privé avant cette réunion formelle, histoire d’être briefé sur les événements survenus depuis leur dernière entrevue. De toute façon, il n’aurait d’autre choix que de poser certaines questions.

— Ce qui nous intéresse, reprit Drunisine, c’est de savoir pourquoi les forces mercatoriennes d’Ulubis ont pensé utile, sage et profitable de pénétrer l’atmosphère de Nasqueron de cette façon et en si grand nombre. Quelqu’un peut-il répondre à cette question ? demanda le vieil Habitant en les dévisageant à tour de rôle.

— Il n’est pas impossible que cela ait un rapport avec moi, répondit Fassin.

— Avec vous, Voyant Taak ?

— Je suis venu sur Nasqueron pour chercher certaines informations.

— Et vous aviez besoin d’une flotte de guerre pour nous les soutirer ?

— Non. Mais ils se sont peut-être dit que j’étais menacé.

— Menacé par qui ?

— Je l’ignore.

— Nous parlons donc d’informations suffisamment importantes pour justifier une guerre ? Alors que la Mercatoria s’apprête à faire face à une invasion dans les mois qui viennent. Il doit manifestement s’agir de données capitales. Peut-être pourrions-nous vous aider. Que cherchez-vous au juste ?

— Merci, mais je crois être près du but.

— Ah ! fit Valseir. À ce propos…

— Oui ? demanda Fassin.

— Eh bien, tout ce que je vous ai dit au sujet du dossier, du coffre et de Chimilinith, mon ami de Deilte.

— Oui ?

— Tout n’est pas totalement vrai.

— Pas totalement vrai ?

— Pas totalement.

— Vous pouvez préciser ?

Valseir recula très légèrement, comme pour se donner le temps de réfléchir. Les motifs qui apparaissaient sur son épiderme trahissaient sa surprise.

— En fait, presque tout était vrai.

— Alors, qu’est-ce qui ne l’était pas ? demanda patiemment Fassin.

— Eh bien, il n’y avait pas de dossier dans le coffre.

— Donc, Chimilinith n’a pas les informations.

— Exact.

— Je vois.

— J’attends toujours d’être éclairé au sujet de ces informations fondamentales et ô combien mystérieuses, intervint Drunisine d’une voix glaciale en toisant Valseir.

Merde, pensa Fassin, si Valseir leur dit la vérité, si cette histoire n’est pas une invention pure et simple, nous sommes morts tous les deux.

La même pensée traversa sans doute l’esprit de Valseir.

— Il est question de voyage supraluminique, répondit-il à l’officier.

La carapace de Setstyin trahit une hilarité contenue. Drunisine, pour sa part, semblait aussi peu impressionné qu’il était possible de l’être pour un Habitant d’un âge si respectable.

— Pardon ? dit-il.

— Oui, l’appendice d’un ouvrage très ancien – un ouvrage trouvé par le Voyant Taak lors de l’une de ses « fouilles », comme disent les Rapides – mentionne une méthode de voyage supraluminique qui n’utiliserait ni Adjutage, ni Canule, répondit Valseir en évitant d’utiliser les termes « portail » et « trou de ver ».

Fassin se dit que Valseir avait mis juste ce qu’il fallait d’amusement dans sa voix. Enfin, il l’espérait.

— Le Voyant Taak a pour mission de découvrir les détails de cette, hum, technologie improbable.