Выбрать главу

— Oui, c’est une définition alternative viable, avait répondu l’un d’entre eux après quelques secondes de silence.

Une semaine plus tôt à peine, il n’y avait rien à signaler dans le ciel.

Les envahisseurs arrivaient avec un peu de retard, tandis que la Grande Flotte avait de l’avance sur le planning annoncé. Ce qui était délibéré, évidemment. L’ennemi avait des espions dans le système et devait être au courant de l’arrivée imminente d’un adversaire à sa mesure. Il convenait donc de le surprendre, afin de ne pas trop lui faciliter la tâche. Qu’il continue de croire qu’il a le temps, ainsi, il ne sera pas tout à fait prêt lorsque la bataille commencera.

Frapper. Il fallait frapper fort. C’était l’une des expressions favorites de l’amiral Kisipt. L’officier la connaissait dans de nombreuses langues différentes, y compris en Englais terrien. Il convenait donc d’être prêt à frapper l’ennemi à tout moment. Avec célérité, fermeté et force.

Taince, pour sa part, avait été frappée par la beauté d’un jeune officier ; sentiment réciproque, qui avait débouché sur une relation étrange, un type de lutte ou de corps à corps, peu martial.

L’horloge continuait son décompte. Bientôt, ils devraient tous retourner dans la solitude de leur cabine individuelle, tandis que le vaisseau entamerait sa décélération afin d’arriver aux portes du système Ulubis à temps pour la bataille.

* * *

Le Rovruetz, le vaisseau sépulcral de Cineropolis, tournait très lentement sous le Velpin tout en se dirigeant vers son système cible et une moisson prometteuse. Le Velpin, tous les senseurs en éveil, était positionné au-dessus de la face externe de la roue. Fassin et Y’sul étaient de retour à bord. On leur avait montré le corps sans vie de Leisicrofe, pris dans la glace d’un large couloir sombre en compagnie d’une demi-douzaine d’Habitants décédés.

— Parfaitement préservé, comme vous pouvez le voir, avait fait remarquer le Neuvième Lapidaire. J’espère que cet emplacement vous semble approprié, avait ajouté l’officier Ythyn, encore sous le choc du malentendu concernant le motif de leur visite.

— Donc, il est mort ? avait demandé Y’sul.

— Oui, très soudainement, semble-t-il. Nous l’avons trouvé, qui dérivait avec son scaphandre quelques jours seulement après son arrivée. Il avait émis le souhait de cartographier ces couloirs, de noter l’emplacement des différents groupes et espèces. Nous n’y voyions aucun inconvénient.

Comme il n’était pas permis d’utiliser des réacteurs à l’intérieur du vaisseau sépulcral, Y’sul avançait en se propulsant à l’aide de ses bras articulés. Une manœuvre maladroite l’avait projeté juste à côté du cadavre quasi nu, puisque seul un carré de tissu lui dissimulait le moyeu.

— Franchement, je ne peux pas dire s’il s’agit de Leisicrofe ou pas, avait dit l’Habitant. Mais c’est un congénère, probablement de Nasqueron. Je puis également assurer qu’il est mort…

— Aucun signe de… quelque chose ?

Y’sul avait inspecté le corps en l’inondant de lumière et en mettant à profit ses radars. Puis il avait soulevé le carré de tissu qui couvrait le moyeu de la victime, l’avait secoué vigoureusement, avant de le remettre en place et d’examiner l’arrière du cadavre, là où il était collé à la glace, juste au moment où Fassin s’attendait à ce que leur hôte émette une objection.

— Non, rien !

— Voilà, dit une moitié de Quercer & Janath.

Sur un des moniteurs du Velpin, un cercle se mit à clignoter autour d’une épave accrochée à la coque irrégulière du vaisseau sépulcral.

Fassin fixa le navire – un ellipsoïde simple et noir, d’à peu près soixante mètres de long. Froid comme l’espace intersidéral, sans vie.

— C’est cette chose ? demanda Y’sul. Vous êtes sûr ?

— C’est une navette solo standard tout-terrain fabriquée par les Habitants, répondit le jumeau.

— De facture récente, ajouta l’autre.

— Pourriez-vous réveiller ses systèmes ? demanda l’humain. Pour vérifier d’où il est venu, où il est allé ?

Les jumeaux lui firent face.

— Cela ne marche pas du tout de cette façon.

— Non, pas du tout. Regardez plutôt !

Les Ythyns les autorisèrent à détacher la navette solo et à l’arrimer au Velpin. Ils la réchauffèrent et l’emplirent d’une atmosphère de géante gazeuse. À l’intérieur, il y avait juste assez de place pour Y’sul et Fassin. Quercer & Janath avaient déjà synchronisé la matrice éteinte de l’ordinateur de bord à celle du Velpin. Les écrans, réservoirs, surfaces et autres affichages clignotèrent, se stabilisèrent, puis s’allumèrent pour de bon. Autour d’eux, la navette s’éveillait à la vie. Néanmoins, il y faisait toujours très froid.

Y’sul cogna et frappa des appareils à l’apparence manifestement délicate à l’aide de ses membres articulés.

— Vous avez trouvé quelque chose ? demanda-t-il aux jumeaux restés à bord de leur vaisseau.

— Il y a des données dans le journal de bord, répondit une moitié du capitaine.

— Oui, des coordonnées, des choses comme cela.

— C’est vrai ? s’exclama Y’sul.

— Oui. Sauf qu’elles ne sont pas accessibles d’ici. Vous allez devoir les récupérer vous-mêmes.

— De quelle façon ? demanda Fassin.

— Comment le saurions-nous ?

— Ce n’est pas notre navette.

— Essayez, et vous verrez bien !

Ils essayèrent. La technique correcte consistait pour Y’sul à entrer à l’intérieur d’une double alcôve équipée de capteurs multiples, et d’appuyer sur quatre plaques sensitives simultanément. L’écran principal cessa de relayer les images prises par les caméras externes et afficha un dessin représentant une bibliothèque. Y’sul se déplaça dans cet espace virtuel et saisit un volume sur le dos duquel était imprimé « Journal de bord ». Il l’ouvrit.

Un moyeu d’Habitant filmé en gros plan les fixait, immobile.

— Ah ! lâcha Y’sul. Il ne bouge plus. Il doit être mort.

— Nous le voyons, dit un des jumeaux. Il devrait y avoir un bouton « Lecture » quelque part.

— Oui, il faut l’allumer.

— Putain, ouais. Heureusement que vous êtes là, les mecs !

Et il appuya sur le bouton.

* * *

Taince Yarabokin fut tirée d’un sommeil léger par une alarme de niveau moyen. Inutile d’entamer une procédure de sortie de nacelle. Elle alluma son moniteur et regarda ce qui se passait à l’extérieur. Ulubis brillait d’un éclat bleu vif, soleil minuscule perdu au milieu d’un champ d’étoiles infini. Enfin. Sa couleur venait de ce que le vaisseau et la flotte tout entière volaient à une vitesse colossale, martelaient les ondes lumineuses et compressaient les longueurs d’onde. Taince sortit du mode vidéo et entreprit d’étudier la télémétrie du vaisseau. Une force terrible et féroce mettait les structures à rude épreuve. Ils avaient commencé à décélérer. La majorité de la flotte perdait rapidement de la vitesse, freinait violemment à l’approche du système Ulubis, qui n’était plus qu’à un mois de vol. Les engins devaient supporter plus de cent g de pression.

Un autre groupe de vaisseaux – un escadron de soixante appareils – décélérait un peu moins brutalement. Douze navires ne ralentissaient pas du tout et continueraient à cette vitesse jusqu’au cœur du système. Leurs équipages avaient passé des centaines d’heures à s’entraîner à ce type d’attaque éclair. De fait, leur traversée du système ne durerait que quatre heures. Durant ce laps de temps – l’assaut aurait lieu dans moins de vingt jours –, ils devraient collecter un maximum d’informations sur l’état du système, les renvoyer au reste de la flotte, choisir une stratégie parmi un vaste choix programmé dans leurs banques de données et larguer leurs munitions sur les cibles les plus appropriées. Ils comptaient beaucoup sur cette première mission. Les vaisseaux arriveraient sans prévenir à peine un mois après le début de l’invasion. Avec un peu de chance, la moisson serait bonne, car les envahisseurs n’auraient pas encore organisé correctement leurs défenses.