Fassin accusa rapidement le coup et se précipita vers le sas.
Y’sul sortit de sa niche sensitive et lui emboîta le pas en se grattant une collerette à l’aide d’un membre articulé.
— Cette folie est contagieuse, ma pa…
— Les Voehns ! Un vaisseau ! Sortez ! Vite !
— Allumage dans cinq, quatre, trois…
SIX
La dernière équation
… Sssss 1000101011001010101 / marche / symscan / sssscan / sut – sytser / syst – syst – / erreur démarrage / nev / niv / niveau – niveau 001 / dém / démarrage / paramaramètrestres / bip ! bip ! / scan / scan / scan / système scan / Redémarrer / cat. Zzéro vérifff capacit / dém / démar / cat. Zéro pleines capacités / postcrash (intervention agent hostile externe probable) redémarrage complet : / dém. mém. / lag. / sens. / complet… bip bip bip… Bang !
Oh !
Hum ?
Ça va ?
Ça va. Maintenant. Tu vas bien ?
Je vais bien.
Passé ?
Cela :
— On verrouille le sas !
L’opercule situé à l’extrémité du tunnel qui reliait le Velpin à la navette commença à se fermer avant que Fassin l’ait atteint. Y’sul était juste derrière lui. L’homme se glissa à l’intérieur du tube, tourna aussitôt sur lui-même et agrippa la porte avec son bras manipulateur gauche.
Celui-ci faillit être arraché par le sas en mouvement. Fassin fut projeté vers l’avant et dut s’appuyer contre la paroi à l’aide de son autre bras pour résister à la force du mécanisme, qui se mit à gronder et à couiner bruyamment.
— Quelqu’un empêche le sas de se refermer ! s’indigna un des jumeaux.
— Poussez-vous ! hurla Y’sul.
Il arriva comme un boulet de canon et percuta avec violence le gazonef de Fassin. Ils s’envolèrent en tournoyant, traversèrent le tunnel et se retrouvèrent à l’intérieur du Velpin. Des messages d’alerte concernant son bras manipulateur gauche apparurent dans un coin du champ de vision de Fassin. Le sas se referma dans leur dos. Immédiatement, une force incroyable les plaqua contre la paroi arrière du compartiment. Ils restèrent là, sans pouvoir bouger d’un millimètre, l’appareil de l’humain collé au disque gauche de l’Habitant, jusqu’à ce qu’une accélération violente et une série de vibrations fassent glisser Fassin et l’envoient percuter la coque en carbone. Le vaisseau rugissait tout autour d’eux.
— Les réacteurs sont allumés, apparemment, dit Y’sul en sifflant.
Fassin sentait l’illusion de gravité se renforcer de seconde en seconde.
Ils étaient déjà à plus de vingt g. Un jeune Habitant en pleine forme dépourvu de scaphandre de protection et plaqué contre une paroi rigide était capable d’encaisser jusqu’à vingt-quatre ou vingt-cinq g avant que sa carapace s’effondre et transforme ses organes en bouillie. L’accélération du Velpin se stabilisa autour de vingt-deux g.
— Tout va bien, derrière ? demanda un capitaine voyageur.
— Pas vraiment, répondit Fassin. Vous êtes en train d’écrabouiller Y’sul.
— Entendu.
— On n’arrive pas à distancer ces salauds.
— Coupez vos réacteurs et faites demi-tour. Rendez-vous !
— D’accord…
Le vaisseau ralentit d’un seul coup. Fassin et Y’sul cessèrent d’avoir un poids. Le relâchement soudain de la pression qui s’exerçait sur la carapace de l’un et la coque de l’autre les décolla aussitôt de la paroi en carbone.
— Venez par ici, vous deux, leur dirent Quercer & Janath.
Le navire des Voehns était une aiguille d’un kilomètre de long hérissée de canons multidirectionnels et de tubes laser. Il les rattrapa rapidement et se stabilisa à leur niveau au moment où l’humain dans son gazonef et l’Habitant Y’sul entraient dans le cockpit du Velpin.
— Depuis quand les Voehns attaquent-ils les vaisseaux nasquéroniens en… ? commencèrent les jumeaux.
— Calmez-vous, les coupa une voix sans visage. Préparez-vous à être abordés.
Quercer & Janath se retournèrent vers leurs passagers. Leur combinaison froufrouta et scintilla dans la lumière. Des images du Velpin apparurent au-dessus des projecteurs holographiques. Les sas et autres ouvertures se mirent à clignoter.
— Les Voehns sont devenus des pirates, annoncèrent calmement Quercer & Janath.
— Merde, mais comment osent-ils ?! gronda Y’sul.
— Ils ne nous ont pas suivis dans le trou de ver, n’est-ce pas ? demanda Fassin.
— Ha ! Sûrement pas ! répondit un jumeau, hilare. Non, ils attendaient dans le système.
— Je présume que nous allons bientôt découvrir pourquoi, ajouta l’autre.
— Ces saloperies de pourritures paieront cher cette humiliation ! cria Y’sul en tremblant de colère.
Une vibration se propagea et résonna dans tout le vaisseau ; les alarmes se mirent à hurler. Quercer & Janath s’approchèrent d’un moniteur illuminé.
— Regardez ça !
— Ils ont découpé la coque en plein milieu du vaisseau.
Ils virent un tube jaillir du vaisseau des Voehns et se diriger vers une ouverture parfaitement circulaire pratiquée dans la coque du Velpin. Alors, l’image se brouilla et disparut. D’autres moniteurs commencèrent à s’éteindre. Les alarmes devinrent des coassements, avant de se taire pour de bon. Fassin sentit comme une odeur de brûlé.
— Dire qu’on avait ouvert tous nos orifices en gage de bonne volonté.
— Ouais, c’est vraiment typique.
— Les voilà qui se précipitent.
Sur un écran, ils virent des silhouettes stylisées se précipiter dans le vaisseau et se disperser dans toutes les directions en prenant appui contre les parois pour se propulser dans l’absence de gravité. Le détachement le plus important se dirigeait tout droit vers eux. L’écran s’éteignit, bientôt suivi par toutes les lumières. Tous les bruits qui emplissaient le navire et auxquels on ne faisait pas attention se turent ensuite d’une manière inquiétante.
Un martèlement régulier de bottes se fit entendre derrière la porte fermée, dans le couloir central du Velpin.
— Ils vont probablement nous supprimer dès qu’ils auront…, commencèrent Quercer & Janath.
Alors, la porte fut transpercée avec un bruit de toux maladive, et un petit objet vola jusqu’au centre de la salle de contrôle, où il explosa en un million de dards aussi fins que de la poussière.
Ah-ah !
On s’est fait avoir comme des bleus par un putain de canon EMP. Forcément, ils ont pris pour cibles les points faibles du vaisseau.
En effet. Et voilà le résultat.
Eh oui ! voilà où on se retrouve.
On attend de voir ce qui va se passer ?
On attend.
… De toute façon, leur vaisseau est meilleur que le nôtre.
Deux créatures pareilles à des chiens géants à huit pattes vêtus d’armures chromées portaient Fassin dans une sorte de sac fermé transparent. Il était toujours à bord du Velpin. Le tube d’abordage était un gros conduit à l’extrémité taillée en biseau. Une seringue géante plantée dans les entrailles du vaisseau. Les deux Voehns pénétrèrent dans le tube et l’emmenèrent à bord de leur navire avec une facilité déconcertante. Groggy, les sens embués, incapable de bouger, Fassin regarda à travers le matériau transparent du brancard et aperçut deux autres soldats, qui portaient un Y’sul enveloppé de la même façon que lui.
Ils franchirent un sas à tambour. L’intérieur de leur vaisseau était sombre, très faiblement éclairé par des lumières rouges. Il était complètement dépourvu d’atmosphère, comme le navire sépulcral. Le sac dans lequel était enfermé son gazonef se gonfla comme un ballon de baudruche.