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Quelque chose brilla dans l’espace, à l’ouest, au-dessus de la ligne d’horizon et des nuages. Un vaisseau, sans doute.

Fassin revint à l’équation et à ce langage codé. Il fit appel à un logiciel de traduction. Dans l’espace virtuel projeté devant lui par le calculateur de son gazonef aux capacités amoindries, l’image se dédoubla, et une copie de l’équation apparut à côté de l’original. Progressivement, les symboles inconnus se transformèrent en caractères nasquéroniens standards. Alors, les caractères des deux versions s’éclairèrent, clignotèrent, changèrent de couleur, enflèrent, se flétrirent, comme l’équation se résolvait toute seule.

C’était donc véritablement une équation. Il croyait se rappeler que quelqu’un lui avait dit qu’il s’agissait d’une fréquence, de quelque chose comme cela, mais c’était faux. À moins qu’elle fût très bizarrement cachée.

Les derniers caractères clignotèrent des deux côtés de l’image scindée. Alors, le résultat apparut, d’abord faiblement, puis avec force.

Il s’agissait d’un zéro.

Il le regarda. Il les regarda.

En notation nasquéronienne standard, le zéro était représenté par un point souligné. Dans le langage Translatif IV, c’était une barre oblique.

Le point souligné clignotait lentement en bas de la copie de l’équation. La barre oblique, à la fin de l’original.

Il réessaya. Même résultat.

Il réétudia l’image, en extirpa le code caché, au cas où les systèmes du processeur se seraient trompés la première fois.

Il n’y avait pas eu d’erreur. L’équation qu’il obtint après le décodage était identique à la première. Il la résolut quand même.

Zéro égale zéro.

Fassin éclata de rire. Enduit de gel protecteur, enserré dans l’habitacle de son minuscule vaisseau en pointe de flèche, il sentit sa poitrine et son ventre se soulever en rythme. Soudain, il se vit très clairement debout sur une côte rocailleuse, en train d’attendre quelque chose. Il se tut.

Zéro.

La réponse finale était donc « rien du tout ». On l’avait envoyé à l’autre bout de la galaxie alors qu’il avait la solution sur lui depuis le début. Et cette dernière était un grand « allez vous faire foutre » codé en langage mathématique.

Il se remit à rire.

Bien, bien…

Une nouvelle lueur au-dessus de la couche nuageuse, au nord, très haut. Puis, juste en dessous, une multitude de points lumineux. D’abord violets, ensuite blancs.

Il fixa le même carré d’espace pendant un moment et attendit la suite. Il ignorait de quoi il s’agissait, mais ce devait être assez loin. Si c’était la chose qu’il avait vue briller plus tôt au-dessus de la ligne d’horizon, alors il pouvait la situer au-dessus de la zone équatoriale, à des dizaines de milliers de kilomètres.

Zéro. Quelle révélation… Fassin se demanda s’il existait réellement une vraie réponse quelque part, si ce qu’il avait découvert – ce que Valseir avait trouvé par mégarde, et que lui avait sur lui depuis cette fouille déjà si ancienne – n’était pas uniquement une partie d’une réponse plus vaste. Ou alors ce zéro se suffisait-il à lui-même ? Le mythe de l’Équation permettant de déchiffrer la Liste des Habitants était-il encombré de centaines de fausses réponses ?

Eh bien, si tel était le cas, il ne fallait pas compter sur lui pour continuer de les chercher une à une. Il avait déjà donné. Dans un sens, il avait accompli sa mission, ce qui était un exploit en soi. Il était arrivé trop tard, et l’objet de sa quête était un non-sens, une blague, mais, par Dieu – quel que fût le nom de ce dernier –, il avait réussi.

Il ferait mieux de commencer à réfléchir à la façon dont il allait quitter cette planète, dont il allait partager cette information, juste histoire de terminer son travail.

Deux autres éclairs dans l’espace, tout près de l’endroit où était apparue la première lueur. Un flash bref, suivi d’un embrasement plus long. Quelques secondes plus tard, ce qui ressemblait à un réacteur de vaisseau s’alluma et s’éloigna en prenant rapidement de la vitesse.

Fassin chercha vaguement des traces des installations des Voyants en orbite autour de Nasqueron, puis des indices de la présence mercatoriale. Sauf qu’il n’y avait rien. Il avait dit à Aun Liss qu’il tenterait de déterminer sa position à l’aide de deux satellites – EQ4 et EQ5 – appartenant à sa corporation, mais ceux-ci n’étaient plus là. Il se demanda s’il serait au moins capable de déterminer leurs positions respectives théoriques, car les Dissidents étaient supposés avoir placé un microsat entre les deux. Il fouilla la mémoire de son gazonef, retrouva les horaires de passage de tous les satellites en orbite, puis entra dans le calculateur ses coordonnées et l’heure actuelle.

Une position clignota dans son champ de vision, très haut au-dessus de la couverture nuageuse, vers le nord, quelques milliers de kilomètres sous les dernières lueurs. Le ciel était dégagé. Il décida de prendre ce hasard pour un bon présage et envoya un signal disant qu’il était de retour. Au moins comprendraient-ils qu’il avait fait son travail. Il attendit un bon moment sans recevoir ni accusé de réception, ni réponse. Ce qui ne le surprit guère.

Il se demanda ce qui pouvait bien rester de l’Ocula de la Prévôté, et s’il servirait à quelque chose d’essayer de la contacter. Il lui faudrait faire des recherches sur les événements récents, vérifier s’il n’était pas considéré comme mort ou si on le cherchait. Peut-être avait-on oublié jusqu’à son existence dans ce bouillonnement d’événements.

Fassin rit de nouveau. Si seulement…

D’après ce qu’on lui avait dit, la Liste des Habitants et l’Équation étaient les véritables raisons de cette invasion. Même si cela n’était vrai qu’en partie, les envahisseurs étaient probablement à sa recherche, d’autant qu’il ne leur restait plus beaucoup de temps avant que la Grande Flotte débarque et gâche la fête.

En un sens, le résultat de l’Équation était un soulagement, car il se sentait désormais libre de le partager avec tout le monde. Heureusement qu’il n’avait pas découvert les coordonnées des trous de ver des Habitants. Le poids d’un tel trésor aurait été trop lourd à porter pour lui. Sans compter qu’il lui aurait valu des ennuis très graves. Oui, il avait de quoi être satisfait de ce dénouement. S’il avait été le détenteur de cette vérité absolue, s’il avait découvert ce qu’ils attendaient tous, alors ses perspectives d’avenir auraient été très limitées : tortures, lavage de cerveau, voire exécution, histoire de s’assurer de sa loyauté… Les Dissidents feraient peut-être preuve de plus d’humanité que leurs ennemis, mais il ne pouvait pas se permettre de prendre le risque.

Le mieux serait de transmettre le résultat à distance et de disparaître dans la nature. Peut-être les Habitants l’autoriseraient-ils à rester ?

Valseir. La moindre des choses serait de révéler à son ami que l’objet de leurs inquiétudes n’était qu’un misérable petit zéro. Resterait ensuite à lui dire que son vieil ami et collègue Leisicrofe était mort pour rien, qu’il s’était tué pour garder un secret insignifiant. Malheureusement, il n’avait pas beaucoup de bonnes nouvelles à annoncer.

Fassin se connecta à la chaîne d’informations sportives. Il y avait moins de régates que d’habitude à cause de la guerre. De nombreux marins officiant normalement à bord des clippers et des Pourfendeurs de tempête avaient été réquisitionnés pour former les équipages des cuirassés et autres vaisseaux de combat. Toutefois, une dizaine de réunions étaient toujours prévues aux quatre coins de la planète. Trouver Valseir ne serait pas une mince affaire.