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— Quel sera le sujet de ce briefing ?

— Les informations complémentaires que vous demandez ne sont pas contenues dans cette construction mentale.

— Combien de temps vais-je devoir m’absenter de chez moi ? Puis-je espérer rentrer après Sepekte et ce fameux briefing ?

— Les officiers de l’Ocula de la Prévôté accomplissent des missions de longue durée sans en avoir été informés à l’avance.

— Je ne pourrai donc pas retourner chez moi avant un bon bout de temps ?

— Les officiers de l’Ocula de la Prévôté accomplissent des missions de longue durée sans en avoir été informés à l’avance. Les informations complémentaires que vous demandez ne sont pas contenues dans cette construction mentale.

Fassin soupira.

— Alors, c’est tout ? On vous a envoyé ici pour me demander de me rendre à Sepekte ? Tout ce… cirque pour si peu ?

— Non. Sachez qu’il s’agit d’une mission de la plus haute importance, et que vous y jouerez un rôle prépondérant. Sachez également qu’une menace très grave pèse sur le système Ulubis. Cette construction mentale ne connaît ni la nature, ni l’origine de cette menace. Vous avez pour ordres de vous présenter au palais du Hierchon, à Borquille, capitale de Sepekte, planète principale du système Ulubis, où vous recevrez d’autres instructions. Vous êtes attendu demain, neuvième jour du mois du Devoir, à quinze heures, heure locale. Gchron, 6,61…

La sphère répéta l’heure de son rendez-vous selon divers calendriers et horloges, comme pour lui ôter toute possibilité de trouver un prétexte pour ne pas s’y rendre. Fassin ne bougea pas. Son regard était rivé sur la section blanc-beige de la vitre polarisée, de l’autre côté de la salle. Il tentait désespérément de décider ce qu’il devait faire de ces conneries.

Et merde, se dit-il, impuissant.

— … le dix-huit novembre 4034 après JC, pour les aHumains, conclut la boule lumineuse. Votre place est déjà réservée. Vous n’avez droit qu’à un bagage facilement transportable en plus de l’habit officiel dont vous aurez besoin pour vous présenter au palais du Hierchon. Une combinaison anti-g sera nécessaire pour la descente. Des questions ?

Verpych ne dit rien pendant plusieurs secondes.

— C’est de l’hystérie militaire.

— Que voulez-vous dire ? demanda Slovius en remuant dans son fauteuil baignoire.

— À mon avis, ils essaient de faire oublier leur négligence passée, monsieur.

— Quelqu’un a dû les mettre en garde contre quelque chose. Au début, ils ne l’ont pas pris au sérieux, mais maintenant que la menace se précise, ils paniquent ? proposa Fassin.

Verpych opina du chef une fois.

— La dynamique des prises de décision dans les structures dirigeantes hautement rigides ferait un sujet d’étude très intéressant, dit Tchayan Olmey.

La vieille tutrice, présence calme et grise, sourit au jeune homme. Tous les quatre étaient assis autour d’une grande table ronde dans le bureau de Slovius. Ce dernier était, quant à lui, installé dans une sorte de récipient à mi-chemin entre une baignoire sabot et une navette individuelle. Fassin remarqua que le visage de son oncle, avec ses défenses et ses grandes moustaches, n’avait pas été aussi animé depuis des années. Slovius avait annoncé dès le début de la réunion qu’il reprenait les commandes du navire jusqu’à la fin de cette crise, quelle que fût d’ailleurs la nature de celle-ci. Il revenait à la tête du Sept Bantrabal. Fassin fut surpris de découvrir qu’une infime part de lui-même – une part petite, mesquine, ambitieuse et jalouse – était déçue et même en colère que son vieil oncle ne se laisse pas aller à sombrer lentement dans la sénilité, l’oubli et la mort.

— La projection a utilisé l’expression « menace très grave », leur rappela Fassin.

Ces trois mots lui avaient fichu la trouille. Voilà pourquoi il avait suggéré d’organiser cette réunion. Il voulait leur dire tout ce qu’il savait. Si le système Ulubis était réellement menacé, le moins qu’il pût faire était de mettre au courant les personnages les plus importants du Sept Bantrabal. Seule sa mère manquait à l’appel, mais elle était partie pour un an sur un Habitat cessorien de la ceinture de Kuiper, à dix jours-lumière de là, donc trop loin pour revenir. Ils avaient discuté de son éventuelle convocation à cette réunion, et s’étaient demandé s’ils devaient la prévenir qu’une menace pesait sur le système, mais, en l’absence de détails, cela eût été prématuré, voire contre-productif.

— Peut-être que l’expression utilisée était un peu exagérée, dit Olmey en haussant les épaules.

— Il est vrai que les attaques des Dissidents se sont multipliées ces derniers temps, ajouta Verpych, pensif.

Après la perte du portail, les raids venus de l’extérieur s’étaient faits plus sporadiques – se limitant généralement aux confins du système et à des cibles militaires. Leur nombre avait tant diminué qu’ils ne représentaient même plus une nuisance. De fait, il y avait infiniment moins d’attaques aujourd’hui que lorsque le trou de ver était en service. Après des millénaires de harcèlement, les systèmes de la Mercatoria s’étaient habitués à ces assauts ennuyeux mais rarement dévastateurs – bien sûr, ils monopolisaient des vaisseaux et du matériel, obligeaient la métacivilisation à être constamment sur le qui-vive, mais causaient relativement peu de dégâts. C’était un des bons côtés de l’isolement forcé du système, une des raisons pour lesquelles la population d’Ulubis s’était si facilement habituée à son sort.

Durant l’année écoulée, cependant, la fréquence des raids s’était légèrement accrue – pour la première fois depuis deux siècles, le nombre des attaques subies en un an avait augmenté au lieu de baisser. Par ailleurs, elles n’étaient plus réellement conformes au schéma auquel la population s’était habituée. Les cibles n’étaient plus uniquement des positions de l’armée ou des infrastructures industrielles. Une coopérative minière avait été anéantie dans un nuage cométaire ; des navires de la ceinture d’astéroïdes avaient disparu ou été découverts en train de dériver, vides ou en partie détruits ; un petit vaisseau de croisière avait tout simplement disparu entre Nasqueron et la géante gazeuse la plus reculée du système, et un navire automatisé lourdement armé était apparu en plein milieu du système, volant à quatre-vingts pour cent de la vitesse de la lumière et fonçant tout droit sur Borquille. Heureusement, on l’avait facilement intercepté, mais la population avait été choquée d’être passée si près de la catastrophe.

Slovius remua dans sa baignoire, renversant un peu d’eau sur le parquet.

— Y a-t-il des choses que tu n’es pas autorisé à nous révéler, mon neveu ? demanda-t-il avant de produire une sorte de gloussement écœurant.

— Rien de particulier. En fait, j’étais censé garder le silence jusqu’à la prochaine étape de ma mission, qui consiste en un briefing à Borquille, demain à quinze heures. Évidemment, j’ai choisi d’interpréter cette directive à ma manière et de vous parler à tous les trois. En revanche, j’aimerais que tout cela ne sorte pas de cette pièce.

— Eh bien, reprit Slovius dans un gargouillement, ma navette suborb personnelle te conduira jusqu’à Pirrintipiti.

— Merci, mon oncle, mais la projection a bien précisé que mon transfert serait intégralement pris en charge.

— La Navigarchie a prévu un vol à quatre heures et demie demain matin, confirma Verpych. Vous allez devoir foncer pour arriver sur Sepekte avant quinze heures, ajouta-t-il en reniflant et en souriant. Préparez-vous à encaisser cinq ou six g pendant tout le trajet, Fassin Taak. À ce propos, je suggère que vous ajustiez d’ores et déjà vos prises d’aliments liquides et solides.