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— On aurait dit de l’algèbre.

Fassin scanna les vêtements de Valseir mais ne trouva aucune trace de technologie. Seul le tissage de sa robe était sophistiqué.

— De l’algèbre ? demanda-t-il.

Il n’y avait rien sur les parois de la cabine, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Rien non plus dans le tube d’accès.

— Oui, de l’algèbre, mais d’une espèce inconnue de moi, précisa Valseir.

Fassin examina le dessous du ballon situé juste au-dessus de leurs têtes, puis le gaz, dans les environs du dirigeable. Toujours rien. Plus loin, peut-être…

— D’une espèce inconnue ? demanda-t-il, distrait.

Il ne semblait rien y avoir à proximité. À part le Dzunda, il n’y avait rien sur plus d’une centaine de mètres, jusqu’au prochain dirigeable, aux prochaines tribunes et au prochain navire de soutien – le cuirassé Puisiel se trouvait quelques kilomètres au-dessus, d’où il suivait sans problème la flotte des spectateurs. Les clippers, quant à eux, étaient en train de contourner la première bouée – c’était le point crucial de cette brève course.

— Oui, il s’agissait de symboles étranges. Enfin, pas tous. J’ai cru en reconnaître quelques-uns. On aurait dit une forme de Translatif IV, une version pansystémique, une notation dite « universelle » datant de deux milliards d’années environ, inventée par les Wopulds – des spongiformes éteints depuis longtemps –, mais avec quelques éléments appartenant aux géantes gazeuses. J’aurais pu les recopier, mais j’ai préféré ne rien mettre par écrit. Restent donc les souvenirs, nécessairement partiels, que j’en ai gardés. Voilà pourquoi je n’ai pas été en mesure de travailler sur la question depuis.

Fassin écoutait ce que lui disait son ami – enregistrait, même, au cas où il aurait besoin de réécouter la conversation plus tard –, mais il était surtout occupé à scanner frénétiquement les parages à la recherche d’un micro ou d’un appareil de surveillance quelconque. Un nouveau flux de neutrinos fut détecté par les systèmes de son gazonef, un échantillon structuré dans un chaos de particules presque dépourvues de masse.

La première décharge était survenue juste après que Valseir lui eut donné le nom de l’ami auquel il avait confié le dossier. Pouvait-il s’agir d’une simple coïncidence ? Comment quelqu’un aurait-il pu les espionner ? Ils se chuchotaient des signaux, s’envoyaient des faisceaux de lumière cohérents d’un émetteur-récepteur à l’autre. Ceux-ci se trouvaient dans des creux, sous la surface de leurs carapaces respectives, et il n’y avait aucun moyen d’intercepter ce qu’ils se disaient, à moins de placer un miroir ou un genre de capteur sur le chemin du faisceau.

Pouvait-il s’agir de lui ? Quelqu’un avait-il piégé le gazonef ? Hatherence avait-elle mis quelque chose sur lui ? Il scanna, vérifia ses systèmes, mais ne trouva rien.

Le dirigeable, au-dessus d’eux, s’éleva rapidement et régulièrement pour suivre les clippers qui naviguaient sur la surface de la Tempête. Le Dzunda allait bientôt entrer dans la lumière du soleil.

— Une série d’équations, donc ? demanda Fassin au vieil Habitant.

Les vapeurs de drogue qui emplissaient la cabine s’embrasèrent soudain, chaque particule devenant visible individuellement. Toutefois, seules quelques-unes d’entre elles scintillèrent comme des étoiles.

— Ou une seule longue équation.

Horrifié, Fassin aspira un peu de fumée et l’envoya dans le laboratoire miniature haute résolution de son appareil.

— Une seule équation ?

Les résultats de l’analyse effectuée par le nez du gazonef étaient bizarres, comme si les récepteurs de surface changeaient constamment d’avis sur la nature de ce qu’ils détectaient. Fassin augmenta le niveau de résolution de son analyseur et ordonna une microscopie électronique.

— Peut-être bien, répondit Valseir.

À l’extérieur, en direction de la paroi mouvante, à quelques dizaines de mètres seulement, quelque chose apparut brièvement dans la lumière du soleil, avant de s’y adapter et de disparaître de nouveau.

Les résultats de la microscopie électronique étaient pour le moins déconcertants. Fassin mit d’ailleurs quelques secondes à les interpréter et à comprendre. De la nanotechnologie. Une soupe claire de machines minuscules, de récepteurs, d’analyseurs, de processeurs, d’émetteurs, suffisamment petits pour rester suspendus dans l’atmosphère, assez légers pour flotter au milieu des vapeurs de drogue. Voilà comment on les avait espionnés. Il y avait quelque chose dans le gaz qui les séparait, en plein milieu de la route empruntée par leurs signaux. Une chose capable de comprendre ce qu’ils se disaient. Non pas un simple miroir ou un vulgaire micro photonique suspendu à un fil. Non, rien de si grossier. Juste ces choses, ces machines en principe interdites.

— Valseir, dit-il avec empressement. Qui vous a apporté ce bol de drogue ?

Il se tourna vers l’extérieur et zooma au maximum en direction de la chose qu’il avait cru apercevoir un instant plus tôt. Là. Il grossit encore l’image, au point de la rendre presque granuleuse.

— Pardon ? demanda Valseir, déconcerté. Elle était là lorsque je…

À quarante mètres de là, une sphère d’à peine dix centimètres de diamètre, excellemment camouflée, comme un disque de gaz transparent sur une toile de fond parfaitement normale. Une assiette de communication, parabole semblable à un cratère, dirigée droit vers eux. Fassin pivota pour se mettre entre la petite machine et le vieil Habitant, puis se rapprocha tout près de son ami, collant son puits de communication contre le sien dans une parodie de baiser.

Valseir essaya de reculer.

— Mais qu’est-ce que… ?

— On nous espionne, Valseir, envoya Fassin. On nous regarde et on nous écoute. Le bol est plein de mouchards nanotechs. Nous devons sortir d’ici tout de suite.

— Quoi ? Mais…

Un autre flux de neutrinos. Maintenant qu’il savait où regarder, il n’avait plus aucun doute. Cela venait bien de la sphère camouflée.

— Sortons, Valseir. Tout de suite.

Un nouveau flux. Au-dessus d’eux, cette fois. Très loin au-dessus.

Valseir repoussa Fassin.

— La fumée du bol… ?

— Sortez d’ici ! envoya Fassin en poussant le vieil Habitant vers le sas d’accès situé au sommet de la cabine.

À l’extérieur, la petite sphère avait entrepris de se rapprocher. Fassin se glissa sous Valseir et le souleva vers la sortie.

— Fassin ! D’accord, d’accord !

Valseir s’éleva par ses propres moyens, pénétra dans le tube d’accès vertical. La sphère transperça la paroi de diamant dans une pluie d’éclats. Elle s’immobilisa dans l’ouverture. Invisible, pareille à une déformation de l’air.

— Commandant Taak ! cria une voix. Ici le général Linosu de l’Ocula de la Prévôté. Cet appareil est sous le contrôle de la force expéditionnaire de Nasqueron. N’ayez pas peur. Nous descendons pour…

Un faisceau de lumière couleur de cerise et fin comme un cheveu traversa la boule de part en part, et la voix se tut. Le bruit résonna, brutal et sec, dans la bulle privée. Des débris s’envolèrent de toutes parts, s’éparpillant à l’autre bout de la cabine. Fassin se retourna et vit Hatherence descendre le long de la coque du navire. Sa carapace brillait dans la lumière d’Ulubis. Le laser venait d’elle. La petite machine sphérique abandonna son déguisement, révéla sa finition chromée et ses ailes courtaudes. Elle avait un trou minuscule d’un côté, et un autre, beaucoup plus grand, sur le flanc opposé, d’où jaillissait un filet de fumée. Elle tournoya dans les airs en crépitant, puis s’effondra sur le sol transparent. Fassin se rendit compte que Valseir hésitait à sortir par le tube d’accès. Un vent violent s’engouffrait par le trou dans la paroi de diamant.