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— Il n’existe pas de bon flair sans bon indicateur, répond la Supra-terrestre. Qui vous a parlé de cet endroit ?

— Et le secret de la confession, ma fille, qu’en faites-vous ?

Sa botte s’avance vers mon visage ; talon pointé. Je le déguste sur la bouche. Mes lèvres éclatent. J’écarte mes dents pour qu’elles ne soient pas brisées. La môme pèse de tout son poids. Son foutu talon a un goût de cuir et de poussière. Il me pénètre jusqu’à la glotte, fend mes commissures, meurtrit ma langue en la retroussant. Pour bien affirmer le coup, elle décrit un mouvement de vrille avec son pied. Cela dure. C’est désagréable. J’en crève d’étouffement, de douleur.

Quand elle se retire je me mets à cracher comme un perdu, j’ai du mal à récupérer ma menteuse. Il m’est déjà arrivé de me fendre la gueule, mais jamais à ce point.

— Alors ? demande la Plus-que-belle.

— J’ai souvent eu l’estomac dans les talons, jamais encore le talon dans l’estomac. Dites donc, cette peau de lézard, ce ne serait pas du synthétique ?

Et dis, la voilà-t-il pas qui me shoote dans les côtelettes ? Une furie froide ! Je me demande ce qu’elle peut donner au pieu quand elle inverse les réacteurs ? Là, tu peux passer un contrat d’entretien chez Espéda, mon pote ! La lutte de David contre Colgate !

Derrière moi, une voix inconnue, sèche, soucieuse, et dont je ne puis voir l’émetteur because le bloc du bureau entre nous, déclare :

— Il faut que d’ici trente minutes tout soit terminé, Brenda !

La Rarissime opine. Ah ! si cela pouvait être avec moi ! Elle coule sa main de pianiste de jazz dans la poche de son élégant blouson à pompons de cuir mordoré, j’avais omis de te préciser, tu voudras bien m’excuser, je suis trop zoli pour être Zola ; on cause, on raconte et j’oublie le plus important. Deux pompons ravissants qui donnent du chic au blouson. Donc, sa main in the pocket sort de celle-ci un rasoir à manche de nacre dans lequel est incrusté un léopard femelle.

Elle m’acalifourchonne, la diablesse, à hauteur du poitrail, m’emprisonnant bien de ses cuisses musclées.

— Si vous pouviez seulement remonter de trente-sept centimètres, l’ensupplié-je, je vous pratiquerais un petit solo dont vous me diriez des nouvelles.

— Pas possible !

Elle se penche, pose sa main libre sur ma tête afin de l’immobiliser.

— Vous n’avez pas de préférence pour l’un de vos yeux ? demande-t-elle, car je me propose de vous rendre borgne.

— J’ai seulement onze dixièmes de vision dans le gauche, rétorqué-je, choisissez-le de préférence.

Elle reste impassible, concentrée par son boulot, elle est seulement appliquée, comme pourrait l’être une esthéticienne travaillant sur le physique de M. Michel Jobert.

La lame s’approche de ma prunelle. Je mets toute la gomme pour le sursaut du siècle. Ce qui suit alors est difficile à narrer, compte tenu de la confusion et de la promptitude, mais attends, le réalisateur va nous passer le replay autant de fois qu’il sera nécessaire à la parfaite compréhension. Quand on travaille pour les constipés de la coiffe, faut être outillé.

Je bande mes muscles dorsaux, premier point. Secundo, me jette en avant. Troisio, dans l’élan, ma boîte (ou plutôt mon écrin, car compte tenu de ce qu’il contient, le mot est plus davantage mieux apte) crânienne (ou crânien) heurte durement le fin menton de la déesse sombre. Quatrio, sans me départir de quoi que ce soit, et surtout pas du reste, je saisis l’un des pompons de cuir avec mes dents carnassières. Cinquio, je tire fortement à moi. Sixio, la nana noire me bascule contre. Septio, mon front pur meurtrit pour la seconde fois consécutive sa figure de madone cirée, lui filant un étourdissement de première. Huitio, je roule sur moi-même, l’entraînant dans cette rotation. Neuvio, me couche sur elle. Elle sent comme j’aime. Une odeur comme chez Mme Germaine, après la partouze du mardi soir, avant qu’on aère en grand la chambre de travail.

Elle se débat avec les grâces d’une tortue sur le dos.

Bon, cela ne fait que différer le problo car n’oublie pas que je suis toujours entravé. Un bruit de pas. Je vois s’avancer deux jambes d’homme claudiquant, assistées d’une canne. Un déclic. Une lame que je vais te qualifier d’acérée, sans me faire chier la bite car les clichés sont faits pour illustrer les instants critiques après tout, non ? Donc acérée, la lame qui jaillit du bout de la canne : pssouk ! Textuel. Peut-être y a-t-il un « s » de plus, mais je ne suis pas sûr. Longue d’une vingtaine de centimètres, cette lame. Elle quitte mon champ visuel, semé d’étoiles polaires, pour venir se poser au creux de ma nuque.

— Cessez vos grimaces, mon vieux, vous n’intéressez personne ! déclare la voix.

Une légère pression. La pointe aiguë m’entame la couenne. Je me dis que c’est là qu’on estoque les tores quand le matador a salopé le boulot. Le bulbe en prise directe. Un petit coup sec, et bonsoir madame !

Un pied me pousse sur le côté. Je me dédéesse, non sans regrets car on se fait très bien à une telle posture. J’ai connu des coussins moins moelleux.

Le pauvre Sanan bascule de sa superbe mais trop provisoire monture.

Et c’est pour lors que j’aperçois mon tagoniste. Oh ! stupeur stuprême ! Devine ? Non, mon grand, ne donne pas ta langue, j’en voudrais même pas pour cacheter un faire-part de deuil. Je vais te dire, mais cramponne-toi au bastingage, Totor, y a de la tempête. On joue siphon sur le zinc ! Tu vas être basourdi, promis, juré ! Note bien que t’es chiche de renauder encore, ensuite, lorsque tu sauras, saurien vaurien. Eternel insatisfait, tel que je te pratique depuis des millénaires. Ronchon invétéré. Toujours moutardé de l’anus aux lèvres ! Faut une rare constance pour t’écrire des conneries pareilles, l’ami ! Se rémouler la pensarde, toujours et sans cesse. Escalader son imaginance, plume-baïonnette au canon, merde ! Quand toutes les cadémies t’ouvrent leurs lourdes et t’envoient des vieilles chèvres émissaires te rambiner ; te conjurer d’être enfin raisonnable. « M’sieur l’Antonio, un style qu’on n’avait jamais revu depuis Eschyle, dites, si c’est pas malheureux de gâcher la marchandise en turpidant, alors qu’en ajoutant un tant soi peu de chantilly et en balayant les étrons de votre œuvre vous feriez un admirable gentleman-rider, parmi nous autres, gentlemen ridés. On vous exige pas beaucoup : juste vous rasez les poils de cul de vos bouquins et vous vous passez une noisette de Gomina Argentine (histoire de faire le Malouin) dans les cheveux. Acceptez et vous aurez droit à notre moins branlant fauteuil, à nos grands cordons, à nos vains donneurs. Déjà qu’on vous médaille, qu’on vous grave dans le marbre, tout bien ! Faut pas hésiter. Il est temps de rentrer dans le rang d’oignons qui vous font chialer.

Mais l’Antonioche : fume ! J’imperturbe ! Vos gueules les pouettes ! Je reste dans les frites et les ballons de rouge. Fils du peuple, en vers et contre la toux ! D’appartenance socialo-communiste tendance Chirac avec des sympathies Valériennes pour couronner. Va-t’en piger les méandres ! Liberté, amour, sincérité. Tout le reste, t’en fais un gros paquet et tu le descends à la poubelle. L’esprit ainsi fagoté, tu peux pas savoir le combien tu es à l’aise. Quand tu te regardes dans la glace, c’est pas pour te cracher à la gueule, mais pour te raser ou t’enlever les points noirs sur le pif. Françaises, Français : je me suis compris ! Vrouhaaaaa ! Cela dit, je ne souhaite pas la mort des cons : j’aime trop mes semblables !

Mais j’en entends qui piaffent. J’en sais qui me sautent des paragraphes pour vite aller à la manœuvre. Des qui grondent, fulminent, explosent : « Mais il a pas fini de nous faire tarter, ce con, avec ses digressions à discrétion, pas fini de calembreder au lieu d’y dire carrément qui c’est l’homme à la canne ? »