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— Ce que vous lui offrez de faire, dit l’archéologue, il peut l’avoir avec n’importe quelle fille. Il l’a en ce moment.

— Le cochon ! dit Anne. Il ne m’a pas dit ça. Voyez-vous cet Angel !

— Il cherche autre chose, répéta Petitjean. Ne pensez pas qu’à la trique. Il y a…

Il chercha.

— Je ne sais pas ce qu’il y a, dit-il. Pour les femmes, au fond, je suis un peu de votre avis. Il faut les tripoter ; mais on peut penser à autre chose.

— Bien sûr, dit Anne. Pour le reste je vous dis, j’aime mieux les copains.

— Ce qu’il cherche, dit Athanagore, c’est difficile à dire. Il faudrait que vous en eussiez la notion. Je ne peux pas vous raconter des mots qui ne correspondront à rien en vous.

— Allez-y, dit Anne.

— Je crois qu’il cherche un témoin, dit Athanagore. Quelqu’un qui le connaisse et qu’il intéresse assez pour pouvoir se contrôler sans s’observer lui-même.

— Pourquoi pas cette autre fille ? dit Anne.

— C’est Rochelle qu’il a aimée d’abord et le fait qu’elle ne l’aime pas, à la réflexion, lui a semblé un gage d’impartialité. Encore fallait-il arriver à l’intéresser suffisamment pour qu’elle soit ce témoin…

— Angel est un brave type, dit Anne. Je regrette qu’il ait des idées comme ça. Il a toujours été un peu terne.

L’archéologue hésita un moment.

— Peut-être que j’invente, dit-il. Je doute que cela se passe si facilement.

— Comment, si facilement ?

— Je ne sais pas si Angel va se trouver tellement heureux de pouvoir aimer Rochelle en toute liberté. Je crois qu’elle le dégoûte, maintenant.

— Mais non, dit Anne. Il serait difficile.

— Vous l’avez amochée, dit Petitjean. Et, au fait, peut-être qu’elle n’a pas du tout envie de vous remplacer par lui.

— Oh, dit Anne, je lui expliquerai…

— Si nous continuions à marcher, dit Petitjean.

— Je vous suis, dit Anne.

— Je vais vous demander une chose, dit l’archéologue.

Ils se remirent en route tous les trois. Anne dépassait ses deux compagnons de toute une tête. La sienne, pour être précis.

— Je vais vous demander de ne pas le dire à Angel.

— Quoi ?

— Que Rochelle est libre.

— Mais il va être content !

— Je préférerais que Rochelle le sût avant lui.

— Pourquoi ?

— Pour la construction de la chose, dit l’archéologue. Je pense que ça ne peut rien arranger de le dire à Angel tout de suite.

— Ah ! Bon ! dit Anne. Mais je lui dirai après ?

— Naturellement, dit l’archéologue.

— En somme, dit Anne, il faut d’abord que je prévienne Rochelle, et Angel seulement après ?

— C’est normal, dit Petitjean. Supposez que vous changiez d’avis après avoir prévenu Angel et sans l’avoir dit à Rochelle. Pour vous, ça ne cassera rien. Pour Angel, c’est une déception de plus.

— Bien sûr, dit Anne.

— La vraie raison n’est pas celle-ci, naturellement, expliqua Petitjean. Mais il est inutile que vous la sachiez.

— Celle-ci me suffit, dit Anne.

— Je vous remercie, dit l’archéologue. Je compte sur vous.

— Allons voir la négresse, dit Anne.

III

Par exemple, la rubrique « BALLET », comporte tous nos disques de musique de ballet et se trouve à la place alphabétique du mot ballet dans la section classique.

(Catalogue Philips, 1946, p. III.)

Rochelle vit entrer Amadis. Il se tenait le bas-ventre d’une main ; il s’appuyait de l’autre au chambranle de la porte et aux murs, et il avait mal. Il boita jusqu’à son fauteuil et s’y laissa tomber avec un air d’épuisement. Il clignait des yeux et son front se remontait en rides successives qui en déformaient la surface molle.

Rochelle s’arrêta de travailler et se leva. Elle ne l’aimait pas.

— Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? dit-elle. Vous êtes souffrant ?

— Ne me touchez pas, dit Amadis. C’est un de ces ouvriers qui m’a frappé.

— Voulez-vous vous étendre ?

— Il n’y a rien à faire, dit Amadis. Physiquement. Pour le reste, ils ne perdent rien pour attendre.

Il s’agita légèrement.

— J’aurais voulu voir Dupont.

— Qui, Dupont ?

— Le cuisinier de l’archéologue.

— Où voulez-vous que je le trouve ?

— Il doit être encore avec cette cochonnerie de Lardier… murmura Amadis.

— Vous ne voulez rien prendre ? dit Rochelle. Je peux vous préparer du thé d’édréanthes.

— Non, dit Amadis. Rien.

— Bon.

— Merci, dit Amadis.

— Oh, dit Rochelle, je ne fais pas ça pour vous êtes agréable. Je ne vous aime pas du tout.

— Je sais, dit Amadis. On prétend pourtant, d’habitude, que les femmes aiment bien les homosexuels.

— Les femmes qui n’aiment pas les hommes, dit Rochelle. Ou les femmes qui généralisent.

— On dit qu’elles se sentent en confiance avec eux, qu’elles n’ont pas peur d’être importunées, etc.

— Quand ils sont beaux, dit Rochelle, c’est possible. Moi, je n’ai pas peur d’être importunée.

— Qui vous importune ici, à part Anne ?

— Vous êtes indiscret, dit Rochelle.

– Ça n’a pas d’importance, dit Amadis. Anne et Angel redeviennent des hommes ordinaires, je les ai renvoyés.

— Anne ne m’importune pas, dit Rochelle. Je fais l’amour avec lui. Il me touche. Il me malaxe.

— Angel vous importune ?

— Oui, dit Rochelle, parce que je veux bien. Il a l’air moins costaud que son ami. Et puis, je préférais Anne, au début, parce qu’il est moins compliqué.

— Angel est compliqué ? Je trouve qu’il est idiot et paresseux. Et, pourtant, physiquement, il est mieux qu’Anne.

— Non, dit Rochelle. Pas à mon goût. Mais, enfin, il n’est pas mal.

— Vous pourriez coucher avec lui ?

— Bien sûr ! dit Rochelle. Maintenant je peux. Je ne pourrai plus avoir grand-chose d’Anne.

— Je vous demande tout ça parce que vous êtes un monde tellement étrange pour moi, dit Amadis. Je voudrais comprendre.

— C’est le coup que vous avez reçu qui vous rappelle que vous êtes un homme ? dit Rochelle.

— J’ai très mal, dit Amadis, et je suis insensible à l’ironie.

— Quand cesserez-vous de croire qu’on se moque de vous ? dit Rochelle. Si vous saviez comme ça m’est égal !

— Passons, dit Amadis. Vous dites qu’Angel vous importune ; est-ce que cela vous ennuie ?

— Non, dit Rochelle. C’est une espèce de réserve de sécurité.

— Mais il doit être jaloux d’Anne.

— Comment pouvez-vous le savoir ?

— Je raisonne par analogie, dit Amadis. Je sais bien ce que je voudrais faire à Lardier.

— Quoi ?

— Le tuer, dit Amadis. À coups de pieds dans le ventre. Tout écraser.

— Angel n’est pas comme vous. Il n’est pas si passionné.

— Vous devez vous tromper, dit Amadis. Il en veut à Anne.

Rochelle le regarda inquiète.

— Vous ne le pensez pas pour de bon ?

— Si, dit Amadis. Ça va se régler comme ça. Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse. Je ne le dis pas pour vous embêter.

— Vous parlez comme si vous le saviez vraiment, dit Rochelle. Je crois que vous voulez m’acheter. Les airs mystérieux, ça ne prend pas avec moi.