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Nous retournâmes avec elle au grand réfectoire. On rappela tous ceux qui exploraient les galeries.

L’avocate se tint au milieu de l’assemblée et réclama le silence.

— Je suppose que je suis la première représentante légale à pouvoir vous parler, dit-elle. Je m’appelle Maria Sanchez Ochoa. Je suis employée à titre privé par le MA Grigio, de Tharsis.

Felicia fit un pas en avant.

— C’est ma famille, dit-elle.

Deux autres s’avancèrent aussi.

— Ravie de vous retrouver, déclara Maria Sanchez Ochoa. La famille s’inquiétait. Vous me donnerez vos noms pour que je puisse les rassurer.

— Que se passe-t-il ? demanda Diane. Je n’y comprends plus rien.

D’autres voix s’élevèrent pour poser des questions.

— Que sont devenus Sean et Gretyl ? criai-je pour couvrir le brouhaha.

— Les forces de sécurité de l’université les ont remis hier matin à la police de district de Sinaï. Ils sont souffrants, mais j’ignore le degré de gravité de leurs blessures. Les autorités universitaires prétendent qu’ils se les sont infligées volontairement.

— Ils sont donc vivants ? continuai-je.

— On peut le penser. Ils sont actuellement à l’hôpital de Time’s River Canyon.

Elle se mit à relever les noms, levant son ardoise pour que chacun puisse dire quelques mots afin de s’identifier.

Je regardai sur ma droite. Charles se tenait à côté de moi. Il me sourit. Je posai la main sur son épaule.

— Quelqu’un peut-il sortir pour s’occuper de transmettre ceci à un satcom ? demanda Ochoa. Grâce à vous, mes amis, aucun câble ni répéteur ne fonctionne plus.

Elle donna l’ardoise à un étudiant qui sortit du réfectoire pour grimper jusqu’au toit de verre des étages supérieurs du local administratif.

— Et maintenant, faisons le point, car j’imagine que vous n’avez pas eu beaucoup de nouvelles de l’extérieur jusqu’à présent.

— Rien de bien utile, déclara Oliver.

— Bon. Je regrette d’avoir à vous le dire, mais vous n’avez pas fait beaucoup de bien à votre cause en vous comportant comme une bande de communards parisiens. Le gouvernement étatiste a posé ses propres bombes, politiques et légales, il y a plusieurs mois de cela, loin de l’UMS, et elles ont explosé il y a deux jours à peine. La situation est critique, mes amis. Cela explique le retard à vous secourir. L’accord constitutionnel est devenu caduc. Les étatistes ont démissionné. L’ancien gouvernement de charte des MA siège de nouveau.

La bataille était donc terminée. Et nous comptions pour du beurre.

— Vous avez détruit des biens appartenant à l’université, reprit Ochoa. Vous avez violé toutes les lois de tous les codes martiens qui me viennent à l’esprit. Vous avez mis vos vies en grand danger. Qu’est-ce qui vous a donc pris ? Mais vous avez de la chance. Il est probable que vous n’irez même pas en prison. Le bruit court que les politiciens étatistes fuient la planète par dizaines, et Connor et Dauble font sans doute partie du lot. Personne ne songera sérieusement à vous inculper en vertu de la loi étatiste.

— Qu’est-ce qu’ils ont fait ? demanda Charles.

— Personne ne connaît encore toute l’étendue de leurs crimes, mais il semble que le gouvernement étatiste ait invité la Terre à intervenir dans la politique martienne et sollicité des pots-de-vin de la part des MA de la Ceinture en échange d’autorisations d’exploitation minière dans la région d’Hellas.

Des exclamations se firent entendre dans l’assistance. Nous qui pensions être radicaux !

— Ils avaient aussi l’intention de nationaliser tous les biens des MA d’ici à la fin de l’année.

Un silence médusé, cette fois-ci, accueillit l’annonce d’Ochoa.

Nous demeurâmes dans les anciens dortoirs tandis que les équipes de sécurité du MA de Gorrie Mars fouillaient méthodiquement les locaux universitaires. On fabriqua de nouveaux rails, les trains arrivèrent jusqu’à la station et la plupart d’entre nous rentrèrent chez eux. Je restai, de même que Charles, Felicia et Oliver. Je commençais à croire que Charles faisait tout pour rester près de moi.

J’accueillis ma famille à la gare deux jours après notre libération. Il y avait là mon père, ma mère et mon grand frère Stan. Mes parents semblaient fatigués, secoués à la fois par la peur et la colère. Mon père déclara sans ambages que j’avais violé ses principes les plus sacrés en rejoignant les rangs des extrémistes. J’essayai de lui expliquer mes raisons. Sans grand succès. Mais ce n’était guère étonnant. Elles n’étaient déjà pas très claires pour moi.

Stan, perpétuellement amusé par les attitudes et les actes de sa petite sœur, se contenta de rester en retrait avec un sourire serein. Ce sourire me faisait penser à Charles.

Felicia, Oliver, Charles et moi achetâmes nos billets au distributeur et traversâmes le quai de la station de l’UMS. Nous avions tous un peu l’impression d’être des hors-la-loi, ou tout au moins des parias.

La matinée était déjà avancée. Quelques douzaines d’administrateurs universitaires intérimaires étaient arrivés par le train que nous allions prendre. Vêtus de complets gris ou marron traditionnels, ils se tenaient sous les verrières de la gare, traînant les pieds, agrippant leurs petites valises et attendant leur escorte de sécurité. De temps à autre, ils nous lançaient des regards suspicieux.

Le personnel de la station ignorait si nous faisions partie du groupe responsable du sabotage de la voie, mais nous soupçonnait visiblement. Il est à porter à leur crédit qu’ils honorèrent leur charte et ne nous refusèrent pas leurs services.

Nous prîmes place dans la dernière voiture en nous harnachant dans les fauteuils étroits. Les autres places étaient vides.

En 2171, cinq cent mille kilomètres de voies de train maglev sillonnaient déjà Mars, et les arbeiters en ajoutaient des milliers chaque année. Le train était le meilleur mode de transport, confortable et silencieux. Tandis que les petits mille-pattes d’argent glissaient à quelques centimètres au-dessus de leurs gros rails noirs, augmentant rythmiquement leur poussée tous les trois ou quatre cents mètres pour atteindre des vitesses de plusieurs centaines de kilomètres à l’heure, j’adorais généralement contempler les vastes étendues plates parsemées de rochers qui défilaient tandis que le train soulevait de gros triangles de poussière couronnés de minces volutes et que les souffleries statiques du nez du convoi nettoyaient la voie devant nous.

Je n’éprouvais pas le même plaisir, cependant, à l’idée de faire le voyage jusqu’à l’hôpital de Time’s River Canyon.

Nous n’avions pas grand-chose à nous dire. Nous avions été choisis, par les étudiants contestataires qui ne s’étaient pas encore dispersés, pour représenter notre groupe auprès de Sean et Gretyl.

Ayant quitté la station de l’UMS un peu avant midi, plaqués contre nos sièges par la vitesse, bercés par le bourdonnement régulier de la rame, nous dépassâmes rapidement 300 km/h. La grande plaine, au-dessous de nous, devint une traînée ocre indistincte. Assise près d’un hublot, je contemplai ce spectacle en me demandant où j’étais réellement et qui j’étais.

Charles s’était assis à côté de moi, mais parlait peu, heureusement. Depuis le sermon de mon père, je me sentais complètement éteinte. L’inaction pendant plusieurs jours, sans avoir rien d’autre à faire que signer des décharges et bavarder avec les gens de la sécurité, m’avait complètement achevée.

Oliver essaya de rompre l’atmosphère maussade en proposant un jeu de lettres. Felicia secoua négativement la tête. Charles me jeta un coup d’œil, vit mon manque d’intérêt et murmura :