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— Mais maman, on ne peut pas se payer plus d’un an de…

— Je ne songeais pas aux programmes d’auto-éducation, ma fille. Si tu vises les étoiles, choisis la plus brillante. Le moins que tu puisses demander, c’est une bourse d’études de Majumdar en qualité de stagiaire.

Je n’avais même pas rêvé d’une telle chose.

— Stagiaire chez qui ?

Elle fit la grimace.

— Quel membre de notre famille s’y connaît le plus en politique, et particulièrement en politique terrienne ? Ton tiers-oncle, sans conteste.

— Bithras ?

— Sous réserve que ton père et l’équipe pédagogique du MA soient d’accord. Je ne suis pas capable de faire pencher la balance toute seule. À ce niveau, je suis un peu marginale. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que ton père ait assez de poids lui non plus. Nous n’avons rencontré Bithras que trois fois depuis ta naissance, et il ne t’a jamais vue.

— Et je ferais quoi ?

— Tu t’occuperais des relations entre les MA et, naturellement, des affaires triadiques. Tu assisterais, je suppose, aux réunions du Conseil. Tu étudierais la charte et le code des affaires.

— Ce serait parfait, murmurai-je.

— C’est ce qui se rapproche le plus d’un vrai gouvernement à étudier. Nous avons tendance à négliger ce genre de problèmes de gestion au niveau des stations, et ce n’est d’ailleurs pas moi qui m’en plaindrai.

— Mais il me faut des cours terros auto-ed pour compléter mon cursus.

Elle me fit un sourire matois.

— C’est évident, murmura-t-elle en me touchant le bout du nez d’un doigt léger. Mais ainsi, nous n’aurons pas à payer l’addition. Si tu as la qualité de stagiaire, tes études complémentaires seront prises en charge par le budget de famille général.

— Tu avais déjà tout prévu derrière mon dos, accusai-je.

— J’ai supporté tes excentricités, me dit-elle en relevant le menton, parce que nous essayons d’encourager la réflexion indépendante chez nos jeunes, en espérant qu’ils innoveront. Mais, honnêtement, je n’avais jamais pensé avoir un jour une fille qui choisirait la politique…

— La gespol, rectifiai-je.

— Pour carrière, acheva-t-elle. Je suis un peu déconcertée, naturellement, et intriguée, également. Après avoir étudié le Conseil durant quelques années, qu’as-tu à m’apprendre quand une discussion nous oppose ?

— Aucune discussion ne nous oppose jamais, murmurai-je en la serrant contre moi.

— Jamais, affirma-t-elle, émue. Mais ton père croit toujours que nous nous disputons.

Je la lâchai et fis un pas en arrière. Cette question réglée, une autre restait à résoudre.

— Maman, j’aimerais inviter quelqu’un à Ylla. Quelqu’un de Durrey. Il a besoin de changer d’air. Il vient d’apprendre une mauvaise nouvelle.

— Charles Franklin, de Klein, oui.

Je ne lui en avais encore jamais parlé.

Elle me fit un sourire accompagné d’un nouveau regard énigmatique.

— Sa mère a appelé pour savoir si tu étais digne de son fils.

Le choc dut être visible sur ma figure.

— Comment pourrait-elle savoir ?

Et, derrière cette question : Comment peut-il se permettre de parler de moi à ses parents ?

— Il est fils unique. Il compte beaucoup pour elle.

— Mais nous sommes des adultes !

— Elle a l’air sympathique. Elle n’a pas posé de questions piégées. Elle pense que Charles est un garçon formidable, naturellement, et je ne peux pas dire le contraire, d’après sa description. Je suppose que tu le trouves également formidable ?

Je me mis à postillonner de manière incohérente pour essayer d’exprimer mon indignation. Elle posa un doigt sur mes lèvres.

— C’est dans l’ordre des choses, que nos propos te mettent en fureur, me dit-elle. Considère cela comme une petite revanche, pour l’époque où tu avais deux ans. Charles est le bienvenu ici quand il voudra.

Mars comptait quatre millions de citoyens plus un demi-million de citoyens en attente, soit à peine moins que la population des États-Unis en 1800.

Certains de ces citoyens en attente étaient des éloïs venus de la Terre pour refaire leur vie sur Mars, où le Dix au Cube – une durée de vie au moins égale à mille années terrestres – était non seulement accepté, mais passait inaperçu. La Terre interdisait les durées de vie artificiellement prolongées au-delà de deux cents et quelques années. Cela forçait les éloïs à émigrer ou à inverser leur traitement. Mars acceptait de substantiels subsides de la Terre pour chaque éloï qu’elle recueillait. Cependant, la chose était très peu ébruitée.

Certains des nouveaux immigrants étaient simplement des pionniers partis chercher sur Mars ou sur la Lune une existence plus simple et plus fondamentale. Ils devaient être un peu déçus en découvrant notre planète. Nous avions dépassé depuis longtemps le stade des isolants en mousse de roche et des galeries étroites reliant deux dômes retranchés.

J’allai accueillir Charles au dépôt de Kowloon, qui se trouvait à dix kilomètres de nos terriers d’Ylla. Tandis qu’il récupérait son sac aux bras d’un arbeiter, j’aperçus Sean Dickinson derrière un hublot du train. Avec ses moins de cinq millions d’humains (et peut-être trois cents penseurs légalement reconnus) répartis sur une surface continentale à peu près égale à celle de la Terre, Mars était réellement à l’aise. On ne pouvait éviter, partout où on allait, de tomber sur des gens que l’on connaissait. Sean et moi échangeâmes des signes de tête cordiaux. Je serrai ostensiblement Charles dans mes bras sous son regard impassible tandis que le train quittait le dépôt.

— Je suis incroyablement content de te revoir, me dit Charles.

J’émis un murmure chaleureux et serrai sa main dans les miennes.

— C’était Sean, lui dis-je. Tu ne l’as pas vu ?

— J’étais assis à côté de lui. Il s’est montré plus amical que la dernière fois. Il s’est excusé d’avoir formulé des accusations stupides contre toi. Il va vers le sud. Je ne lui ai pas demandé où.

— Parfait, déclarai-je, radieuse. Bienvenue à Jiddah Planum. Comptables en tout genre, analystes financiers, petites entreprises industrielles. Aucun fossile digne de ce nom, pas la moindre mer vitrifiée.

— Tu es là, et c’est la seule chose qui compte.

Nous prîmes la galerie qui menait au hall et achetâmes les billets de retour. Ylla était enfouie à la lisière nord de Jiddah Planum. De petits trains plus lents conduisaient de Kowloon à Jiddah, Ylla et d’autres stations plus petites situées à l’est.

Le visage de Charles semblait un peu plus émacié. Nous ne nous étions quittés que depuis une dizaine de jours, mais il avait changé de manière étonnante aussi bien en ce qui concernait ses traits que son expression. Il me serra le bras très fort tandis que nous montions dans le train et se laissa tomber dans son fauteuil avec un soupir.

— C’est bon de te voir. Dis-moi ce que tu as fait.

— Je t’ai tout raconté dans mes messages.

— Mais je veux t’entendre le dire. Je m’inquiétais, à ne recevoir que des lettres.

— Cela demande moins d’effort.

— Raconte.

Je lui expliquai mon projet de demande de stage. Il approuva sans réserve.

— Brave et noble Casseia, murmura-t-il. Droit au sommet, en dépit de la tradition.

— Ce n’est que mon père. Ma mère est neutre en politique.

— Bientôt, plus personne sur cette planète ne pourra rester neutre. Klein est mal en point. D’autres seront bientôt touchés.

— Par la Terre ? Par la GAEO ?